Pour doper sa campagne électorale, Joe Biden pourrait vanter le bilan économique de sa présidence. © getty images

Face aux critiques de Trump, Joe Biden contre-attaque et adopte (enfin) le mode guerrier

Maxence Dozin
Maxence Dozin Journaliste. Correspondant du Vif aux Etats-Unis.

Pour faire oublier les railleries de Donald Trump sur son état de santé, le président doit passer à l’offensive. Son bilan économique est un atout. Or, il l’exploite peu.

Les jeux sont faits: Donald Trump ayant survolé les débats lors des primaires républicaines organisées le 5 mars, l’élection présidentielle du 5 novembre prochain consistera en une répétition de la confrontation qui a porté Joe Biden aux plus hautes responsabilités des Etats-Unis en 2020. Elle verra se mesurer deux hommes presque également âgés, mais surtout presque aussi impopulaires l’un que l’autre. L’actuel président vivote depuis longtemps sous la barre des 40% de taux de popularité. Son opposant fait à peine mieux puisqu’il ne dépasse ce seuil que de quelques points.

Un bilan économique satisfaisant

Le raz-de marée trumpiste enregistré lors du Super Tuesday confirme l’emprise quasi totale du milliardaire sur le camp et l’électorat républicains. Mais si Donald Trump jouit à ce stade d’un petit avantage sur le plan des intentions de vote auprès du grand public, il devra malgré tout mettre en place une stratégie de communication efficace et respectueuse des faits, art dans lequel il n’a pas brillé par le passé, pour convaincre une partie des indécis de se rallier à sa candidature. Sa nomination symboliquement actée, il a décidé de surenchérir dans une stratégie qu’il maîtrise, par contre, à merveille: la raillerie. Axées sur l’état de santé de son adversaire, ces attaques alimenteront un feuilleton dont se délecteront les sympathisants républicains au cours des mois à venir. L’ancien président semble en revanche ne pas pouvoir élaborer de critiques sur des faits concrets, hormis sur le dossier de l’immigration sur lequel les deux camps sont en franc désaccord.

Biden doit ménager la frange la plus à gauche de son électorat sans donner de munitions à son adversaire.

Le bilan de Joe Biden, principalement sur l’économie, est tout à fait satisfaisant: croissance soutenue, chômage bas, inflation maîtrisée et, comme on les aime outre-Atlantique, des marchés financiers porteurs. L’incapacité du président à parvenir à capitaliser sur ces acquis est d’ailleurs assez préoccupante, et symbolique d’un système démocratique à bout de souffle. Depuis l’après-guerre, la bonne santé de l’économie constitue, en effet, le premier facteur d’appréciation par les administrés du bilan du président sortant. Et tous ceux qui ont sollicité un second mandat dans une conjoncture économique saine ont été réélus: Reagan, Clinton, Obama et surtout Bush fils, malgré ses casseroles. Un œil pessimiste ne peut pas s’empêcher de tirer de cet état de fait un constat assez alarmant: les électeurs ne sont pas conséquents dans leur comportement électoral et, passées les divergences et identifications partisanes, tout indique qu’ils s’ennuient et qu’ils sont tentés de livrer la destinée de leur pays à un personnage d’une probité douteuse plutôt qu’à un président qui, au regard de ses performances, devrait être réélu.

Quelle contre-stratégie?

Joe Biden n’a donc pas le choix. Son âge et sa condition physique, sans parler de ses fréquentes paroles confuses, constituent, de tous les facteurs participant à le rendre impopulaire auprès des électeurs encore indécis, sa faiblesse numéro un. Il ne peut donc avoir d’autre stratégie que d’endosser une posture guerrière. Son discours annuel sur l’état de l’Union, prononcé le 7 mars, a constitué un aperçu, concluant, de la posture qui devrait être la sienne dans les huit mois à venir. S’il n’a pas prononcé le nom de son adversaire, il a brillé par une solidité apparente, par des convictions profondes bien ancrées et par, une fois n’est pas coutume, une absence de lapsus, confusion et autres approximations.

Sa capacité à se démarquer de son adversaire pour convaincre les électeurs du centre s’appuie sur trois points: une politique fiscale davantage redistributive, comme en témoigne son projet de budget 2025 présenté le 11 mars, un soutien au droit à l’avortement qui devrait lui valoir l’appui d’une frange non négligeable de l’électorat féminin et, enfin, un refus de diabolisation de l’immigration illégale, au risque de verser dans l’angélisme et de voir se radicaliser une opinion publique nationale extrêmement sensible sur le sujet. Les excuses qu’il a formulées lors d’une récente interview pour avoir utilisé le terme «illégal», en décrivant un homme sans papiers d’origine vénézuélienne qui avait assassiné une jeune Américaine, l’illustrent bien. Donald Trump, à l’affût de la moindre faiblesse de son opposant, s’en est emparé sans surprise lors d’une apparition publique le lendemain. Alors qu’un certain public fait montre d’une hypersensibilité au vocable utilisé, Joe Biden marche sur des œufs. Il doit ménager la frange la plus à gauche de son électorat sans donner de munitions à son adversaire. Un art bien compliqué dont on peut craindre qu’il participe à éloigner les débats des grands enjeux.

Le dossier israélien, une épine dans le pied de Joe Biden

Dans le registre des grand enjeux, mais à l’échelon international, il en est un qui risque de constituer une épine de taille dans le pied de Joe Biden: la guerre Israël-Hamas dans la bande de Gaza. La stature de «gendarme international» des Etats-Unis, leur soutien historique à Israël et leur implication de longue date au Proche-Orient rendent la marge de manœuvre du président en place extrêmement étroite, plus encore au vu des développements dramatiques de ces dernières semaines pour la population palestinienne.

Dans ce contexte, un élément pourrait être annonciateur de sérieux problèmes pour le président: les partisans de son propre parti les plus attachés à la cause palestinienne l’ont quelque peu désavoué en votant blanc lors des primaires organisées pour la forme dans le Minnesota et le Michigan. Une forme d’avertissement pour l’élection de novembre. Dans les swing states, chaque voix compte et une absence de vote de certains pourrait se révéler cruciale. Il y a quatre ans, Joe Biden n’a gagné la Géorgie que de quelque 12.000 voix…

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