Ursula von der Leyen gaz
Ursula von der Leyen © Belga

Un citoyen belge réclame la destitution d’Ursula von der Leyen devant la justice européenne

David Leloup
David Leloup Journaliste

Un double recours – en urgence et au fond – vient d’être déposé par un citoyen belge devant le Tribunal de l’Union européenne contre la Commission et sa présidente. Il réclame leur destitution ainsi que 100.000 euros de dommages pour sa perte de confiance dans les institutions européennes. Cela suite à l’affaire des SMS non divulgués qu’Ursula von der Leyen a échangés avec le patron de Pfizer pour négocier un méga-contrat.

Frédéric Baldan n’a décidément pas froid aux yeux. Après avoir déposé une plainte pénale le 5 avril en Belgique contre Ursula von der Leyen dans l’affaire des SMS secrets qu’elle a échangés, en 2021, avec le patron de Pfizer, il récidive cette fois devant la justice européenne, au Luxembourg.

Ce lobbyiste européen de 35 ans, spécialisé dans les relations commerciales entre l’Union européenne et la Chine, a en effet saisi le Tribunal de l’UE d’une requête au fond assortie d’une demande en référé contre la Commission européenne et sa présidente Ursula von der Leyen. Cette nouvelle procédure a été enregistrée par le greffe sous le numéro T-276/23.

Ce double recours contre l’exécutif européen a été introduit le 23 mai par le biais de son conseil, Me Diane Protat, avocate au barreau de Paris. Le Tribunal de l’UE est un des deux tribunaux de la Cour de justice de l’Union européenne. Il est compétent en première instance pour les recours introduits par des personnes ou par un État membre contre la Commission.

Atteintes à la confiance et la moralité

Dans sa requête au fond, procédure longue qui devrait durer une année, Frédéric Baldan demande au Tribunal de juger que « l’Union européenne a engagé sa responsabilité extracontractuelle » à son égard. Autrement dit, que l’UE est civilement responsable d’un dommage moral que le plaignant subit suite aux « comportements » de la Commission européenne et de sa présidente.

Les « comportements » visés par le plaignant sont les refus répétés de la Commission de transmettre les SMS qu’Ursula von der Leyen a échangés avec le CEO de Pfizer en mars et avril 2021, juste avant la signature, le 7 mai par la Commission européenne, du plus gros contrat de son histoire : un deal à 35 milliards d’euros pour la livraison de 1,8 milliard de doses de vaccin anti-Covid-19.

Le lobbyiste demande dès lors au Tribunal de condamner l’UE à lui verser 100.000 euros « à titre de réparation du dommage moral qu’elle lui a causé »

Ces comportements, estime le plaignant, « sont constitutifs d’atteintes à la moralité publique, à la confiance légitime des citoyens européens, à la bonne administration et à la transparence ». Le lobbyiste demande dès lors au Tribunal de condamner l’UE à lui verser 100.000 euros « à titre de réparation du dommage moral qu’elle lui a causé ».

Mauvaise administration

Ce dommage moral est constitué par « la perte de confiance qu’il ressent dans l’Union Européenne comme puissance institutionnelle de réalisation du bien commun ». Le citoyen Baldan se positionne ainsi comme une victime morale, en bout de chaîne, de faits établis qui ont été dénoncés publiquement par la médiatrice européenne Emily O’Reilly, puis par la Cour des comptes européenne. Des faits qui ont de surcroît déclenché l’ouverture, par le Parquet européen (EPPO), d’une enquête pénale en cours sur le processus d’acquisition des vaccins anti-Covid-19 dans l’UE.

Saisie par un journaliste ayant essuyé le refus de la Commission de lui transmettre les SMS échangés entre Ursula von der Leyen et le patron de Pfizer Albert Bourla, la médiatrice européenne fustigera, en janvier 2022 dans un communiqué de presse, la « mauvaise administration » dont s’est rendu coupable l’exécutif européen. Six mois plus tard, en clôturant son enquête sans être parvenue à ses fins, elle déplorera dans un autre communiqué que le traitement de cette demande d’accès aux SMS « donne cette impression regrettable d’une institution de l’UE qui ne coopère pas sur des questions d’intérêt public importantes. »

Règles bafouées par von der Leyen

Dans un rapport spécial sur l’acquisition des vaccins publié en septembre 2022, la Cour des comptes européenne a établi que les règles de négociation fixées par la Commission ont été bafouées par Ursula von der Leyen : « Au cours du mois de mars 2021, la présidente de la Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer/BioNTech », peut-on lire à la page 33 du rapport. « Il s’agit du seul contrat pour lequel l’équipe conjointe de négociation n’a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce que prévoit la décision de la Commission relative à l’acquisition de vaccins contre la Covid-19. »

La gardienne des finances de l’UE avait en outre demandé à la Commission de lui fournir, pour ce contrat à 35 milliards d’euros, la liste des experts scientifiques consultés et les conseils reçus, le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions et le détail des modalités convenues. Résultat ? « Nous n’avons reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le plus important contrat de l’UE. »

Suspendre la Commission le temps de l’enquête

Après avoir rappelé ces éléments factuels dans sa requête au fond, Frédéric Baldan dresse le constat suivant : « Malgré la gravité des faits ci-avant relatés et alors qu’elle s’obstine, tout comme la Commission européenne, à refuser de répondre sur cette affaire, Madame von der Leyen et l’ensemble des membres de celle-ci, se maintiennent à leurs fonctions. »

Cela lui pose problème. D’où sa demande parallèle en référé, car il considère que des mesures urgentes sont nécessaires à l’encontre de Mme von der Leyen et de la Commission. Il réclame ainsi la suspension de la présidente et de l’ensemble des membres de la Commission « pour le temps que durera l’instruction pénale » qui doit s’ouvrir en Belgique et « à défaut pour le temps de l’instance principale au fond » initiée devant le Tribunal de l’UE.

« Le maintien de Mme von der Leyen à ses fonctions peut lui permettre de faire pression (ou impression) sur les autres membres de la Commission européenne (…) »

« Le maintien de Mme von der Leyen à ses fonctions », argumente-t-il dans sa demande en référé, « peut lui permettre de faire pression (ou impression) sur les autres membres de la Commission européenne (…) ou sur des personnes de l’équipe chargée des négociations (NDLR : avec Pfizer) qui pourraient être amenées à témoigner, sur les magistrats en charge des enquêtes en cours ou encore sur la presse. »

Une étrange déclaration

Il souligne, pour illustrer ce risque, l’étrange déclaration de la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides, le 27 mars dernier devant la commission spéciale du Parlement européen sur le Covid-19 (COVI). « La présidente de la Commission n’a été impliquée dans aucune négociation de contrats. Je l’ai déjà dit et je le redirai », a déclaré Stella Kyriakides le jour même de la publication au Journal Officiel de l’UE de la requête du New York Times demandant les textos auprès de la Cour de justice européenne. Une déclaration qui vole au secours d’Ursula von der Leyen, et qui va complètement à l’encontre de l’enquête du New York Times qui a mis le feu aux poudres et des conclusions de la Cour des comptes européenne.

Le juge des référés qui traitera ce dossier pourra soit fixer très prochainement une audience publique, soit rendre sa décision sans audience sous la forme d’une ordonnance écrite, qu’il devra motiver. Contacté mercredi par Le Vif pour une réaction, le conseiller exécutif en communication d’Ursula von der Leyen, Jens-Alexander Flosdorff, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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