Emmanuel Macron et sa Première ministre Elisabeth Borne: une nomination dans la douleur. © reuters

Comment Emmanuel Macron a plombé son deuxième mandat dès le début

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Après sa réélection, Emmanuel Macron a multiplié les erreurs au point d’irriter les siens, analyse le journaliste Ludovic Vigogne dans Les Sans jours.

Jean Castex, rechigner à lancer la campagne pour les législatives des 12 et 19 juin, ne pas avoir anticipé le délai long et inédit – sept semaines – entre les deux échéances électorales, voilà autant de choix qui handicaperont le début du nouveau mandat d’Emmanuel Macron, et surtout la préparation des législatives.

L’incapacité de la coalition présidentielle à obtenir une majorité absolue le soir du 19 juin 2022 est l’échec qui orientera tout le second quinquennat du président Macron. On en a vu l’illustration dans l’extrême difficulté à faire adopter la réforme des retraites. Ludovic Vigogne en rappelle quelques clés. La nomination d’Elisabeth Borne comme Première ministre du nouveau gouvernement, parce qu’elle est plutôt cataloguée à gauche, a douché l’enthousiasme de l’électorat macroniste issu des rangs des Républicains. Et elle n’a pas permis non plus de rallier un flot de voix de l’électorat social-démocrate qui, réticent à suivre le Parti socialiste dans son alliance électorale avec La France insoumise, aurait pu être tenté de rejoindre le camp présidentiel. En outre, l’atonie de celui-ci dans les premières semaines de la campagne pour les législatives, alors que Jean-Luc Mélenchon avait réussi à les transformer en un troisième tour de la présidentielle avec le slogan «Elisez-moi Premier ministre», a entamé ses chances de succès. «C’est quand même les seules législatives où on n’avait pas de programme, pas de leader et pas de campagne», confie un des principaux lieutenants macronistes à l’auteur. Ces législatives relevaient donc la chronique d’un désastre annoncé.

C’est quand même les seules législatives où on n’avait pas de programme, pas de leader et pas de campagne.

Ce camouflet n’est pas le seul porté à Emmanuel Macron pendant ces cent jours. Ludovic Vigogne explique avec méticulosité comment la toute-puissance de l’Emmanuel Macron du premier mandat s’est délitée. C’est le lot de tout président dans son second mandat d’être moins craint parce qu’il ne pourra plus se représenter. Mais, dans le cas de Macron, les signes de défiance ont été vraiment rapides. Le locataire de l’Elysée voulait transformer les formations qui le soutenaient en un parti unique. Richard Ferrand, alors encore président macroniste de l’Assemblée nationale, François Bayrou, le chef du MoDem, et Edouard Philippe, celui du parti Horizons, s’y opposèrent et imposèrent le modèle d’une confédération sous l’intitulé Ensemble.

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Emmanuel Macron voulait nommer Première ministre une personnalité de droite, Catherine Vautrin, une ancienne ministre de Nicolas Sarkozy et la patronne de la communauté urbaine du Grand Reims. Le projet lui fut confirmé le vendredi pour une annonce le lundi. Le temps du week-end, l’aile gauche de la macronie, François Bayrou, et de «bonnes âmes» qui s’empressèrent d’exhumer une déclaration de l’«heureuse élue» critiquant le mariage pour tous, réussirent in extremis à bloquer la nomination. Les progressistes ne supportaient pas que, pour ses trois premiers ministres, Emmanuel Macron porte son choix sur trois figures de droite. Le récit de ces déboires révèle en outre la vive animosité qui oppose Emmanuel Macron à son ancien Premier ministre et candidat putatif à sa succession, Edouard Philippe. Et entre les deux, le premier n’est pas nécessairement le plus commode. «En matière de gestion humaine, c’est un tourmenteur, dit Ludovic Vigogne d’Emmanuel Macron. Les bons sentiments ne régissent pas vraiment son comportement. Les supplices ne sont pas le moindre de ses délices. Le chef de l’Etat aime déstabiliser ceux qui se croient bien établis.»

La déstabilisation d’Emmanuel Macron après l’échec des élections législatives l’a convaincu de raviver un projet qu’il avait échoué à faire aboutir lors de son premier mandat et dans lequel il a vu une opportunité de réaffirmer sa détermination et son pouvoir, suggère l’auteur de Les Sans jours : la réforme des retraites. Sept mois plus tard, force est de constater que l’initiative n’a pas conforté son prestige.

(1) Les sans jours. Macron: les secrets d’un passage à vide, par Ludovic Vigogne, éd. Bouquins, 192 p.

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