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Déploiement policier massif à Hong Kong pour le 34e anniversaire de Tiananmen

Pour étouffer toute tentative de commémoration, les autorités de Hong Kong ont déployé dimanche des policiers en nombre à l’occasion du 34e anniversaire de la répression sanglante de la place Tiananmen à Pékin.

A la veille de cet anniversaire, la police avait déjà massivement pris position dans le parc Victoria et ses alentours, arrêtant samedi plusieurs artistes de rue dont certains ne semblaient rien faire de particulier. Comme l’artiste performeuse Chan Mei-Tung, fouillée et interpellée alors qu’elle se promenait dans le quartier. Ou un autre artiste, Sanmu Chen qui a, lui, choisi une méthode moins discrète et chanté en boucle : « N’oubliez pas le 4 juin ! Peuple de Hong Kong, n’ayez pas peur d’eux ! » Quatre personnes ont été arrêtées pour « conduite désordonnée sur la voie publique » et pour « actes à des fins séditieuses », et quatre autres pour « trouble à l’ordre public », a annoncé samedi soir la police.

Pendant plus de 30 ans, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies chaque année dans le parc Victoria à Hong Kong pour une veillée aux chandelles en mémoire des victimes de Tiananmen à Pékin. Mais en 2020 Pékin a imposé une loi sur la sécurité nationale dans l’ex-colonie britannique pour museler toute dissidence après les gigantesques manifestations pro démocratie de 2019. Depuis, les autorités de Hong Kong ont mis fin aux veillées qui n’ont jamais été autorisées en Chine continentale.

Cette année, le rassemblement géant du parc dans le quartier central de Causeway Bay a été remplacé par une foire commerciale consacrée à des produits en provenance de la Chine continentale et organisée jusqu’à lundi par des groupes pro-Pékin pour célébrer le 26e anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine.

(Photo by Peter PARKS / AFP)

« Hong Kong est une ville différente aujourd’hui« , estime Mme Wong, 53 ans, qui n’accepte de donner que son nom de famille, tout en faisant l’éloge de la foire pro-chinoise. Hong Kong, restituée à la Chine par le Royaume-Uni en 1997, a ainsi longtemps été la seule ville chinoise à organiser une veillée aux chandelles en mémoire de Tiananmen. C’était d’ailleurs un indicateur-clé des libertés et du pluralisme politique que lui conférait son statut de territoire semi-autonome.

Effacer le souvenir

En Chine continentale, toute trace des événements de Tiananmen a été effacée par les autorités. Les manuels d’histoire n’en font pas mention, les discussions en ligne sur ce sujet sont systématiquement censurées. En témoigne la mésaventure de l’ambassade britannique à Pékin qui a posté dimanche sur les réseaux sociaux une Une datant du 4 juin 1989 du « Quotidien du Peuple », l’organe de propagande officielle du Parti communiste chinois, qui décrivait l’afflux des blessés dans les hôpitaux à la suite de la répression. « En l’espace de vingt minutes, les censeurs ont supprimé notre post de Weibo (réseau social chinois) », a tweeté dimanche l’ambassade du Royaume-Uni.

Cette année, la police chinoise surveille également un site emblématique du rare mouvement d’hostilité envers le régime de Xi Jinping qui a éclaté à l’automne dernier. Un important dispositif policier a ainsi été déployé autour du pont Sitong de Pékin, théâtre d’une manifestation fin novembre où une banderole réclamant plus de liberté y avait été déroulée.

A Hong Kong, la plupart des figures du mouvement pro-démocratie ont été arrêtées ou se sont réfugiées à l’étranger depuis l’entrée en vigueur d’une loi sur la sécurité nationale. C’est notamment le cas des responsables de l’association qui organisait la veillée du parc Victoria, Hong Kong Alliance. Pour autant, les autorités semblent toujours en état d’alerte maximal face aux possibles expressions de dissidence.

Debby Chan, ancienne conseillère de district désormais propriétaire d’une boutique, a indiqué que la police l’avait appelée la semaine dernière pour lui demander ce qu’elle avait prévu de faire dimanche. Et ce après que Mme Chan a annoncé sur sa page Facebook qu’elle distribuerait gratuitement des bougies le 4 juin. « Je remercie les autorités de faire tant d’efforts chaque année pour nous rappeler que nous ne devons pas oublier« , a-t-elle brocardé sur Facebook.

Par ailleurs, le réseau public RTHK a retiré une lettre datant du 6 juin 1989 qui avait été affichée dans ses locaux, laquelle remerciait ses journalistes de l’époque d’avoir couvert la répression meurtrière de Tiananmen, a indiqué un employé sous couvert d’anonymat.

« Assumer les conséquences »

Le chef de l’exécutif de la ville, John Lee, a averti que chaque résident de Hong Kong devait respecter la loi et se tenir « prêt à en assumer les conséquences » en cas de violation.

Ailleurs dans le monde, des commémorations du 4 juin auront lieu au Japon, à Sydney, à New York et à Londres où une reconstitution des événements de Tiananmen se tiendra à Trafalgar Square. A Taïwan, une pièce de théâtre de l’auteure hongkongaise Candace Chong, intitulée « Le 35 mai », sera également jouée ce dimanche dans un théâtre de la capitale. « L’histoire et la mémoire ne s’effaceront pas facilement« , estime le Hongkongais Sky Fung, secrétaire général de l’ONG Hong Kong Outlanders basée à Taipei. « L’étincelle est toujours dans nos coeurs ».

Une figure pro-démocratie arrêtée à Hong Kong

Archive (Photo by Bertha WANG / AFP)

La police de Hong Kong a arrêté dimanche une figure du mouvement pro-démocratie hongkongais, Alexandra Wong, ainsi que cinq autres personnes, à l’occasion du 34e anniversaire de Tiananmen, selon des journalistes de l’AFP.

Mme Wong, mieux connue sous le nom de « Mamie Wong« , portait un bouquet de fleurs au moment de son arrestation dans le quartier central de Causeway Bay, où ont été organisées pendant longtemps des veillées à la chandelle en mémoire des victimes de Tiananmen.

Les forces de l’ordre l’ont d’abord encerclée. Avant d’être embarquée dans un fourgon de police, Mme Wong a alors brandi son bouquet de fleurs en l’air et suivi les policiers sans résister.

Selon des journalistes de l’AFP, au moins cinq autres personnes ont été arrêtées dimanche dans le quartier animé de Causeway Bay. Une femme a notamment été arrêtée après avoir crié « Elevez des bougies! Pleurez le 4/6! », en référence au 4 juin 1989, date de la répression sanglante de Tiananmen à Pékin. Un jeune homme vêtu de noir portait, lui, au moment de son arrestation le livre intitulé « 35 mai », une autre façon de désigner les évènements de Tiananmen qui ont eu lieu quatre jours après le 31 mai. 

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