COP27: ne pas aider les pays du sud, c’est aller droit dans le mur (analyse)

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Davantage victimes des conséquences du réchauffement, les pays les plus vulnérables de la planète sont bien décidés à se faire entendre à la COP27 à Charm el-Cheikh, en Egypte, pour obtenir plus d’argent. Il est urgent de les écouter, sinon nous courrons nous aussi à la catastrophe. Analyse.

La mousson exceptionnelle qui a ravagé le Pakistan, en août dernier, a fait plus de 1200 morts et la Banque mondiale a estimé les dommages à plus de 46 milliards de dollars. Les inondations monstres qui ont englouti une partie de la Wallonie en juillet 2021 se sont soldées par 39 morts, 100.000 sinistrés et 3 milliards d’euros de dégâts. Comparaison n’est pas raison, mais mettre les deux catastrophes en parallèle montre que les pays du sud souffrent aussi du dérèglement climatique et pas qu’un peu. Plus de 95 % des décès dus à des événements climatiques extrêmes sont recensés dans les pays les plus vulnérables.

Les pays africains en particulier dépensent déjà jusqu’à 15 % de leur PIB pour faire face aux pertes causées par les catastrophes climatiques. Or l’Afrique représente moins de 5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES).  D’ici à 2050, la facture risque de dépasser largement les 20 % du PIB pour les pays les plus affectés par le réchauffement. Les conséquences pour nos pays riches sont évidentes, à commencer par des migrations massives. Et, quoiqu’en pensent certains, s’ériger en forteresse ne sera pas tenable longtemps.

Les responsables occidentaux ont donc tout intérêt à écouter et aider leurs homologues du sud – qui représentent deux tiers de la population mondiale – pour affronter les chocs climatiques et surtout adapter leurs infrastructures et leur agriculture, que ce soit des digues pour se prémunir de la montée des eaux ou des cultures plus résilientes, soit, par exemple, des semences adaptées à un climat de plus en plus chaud et sec.

A Charm el-Cheikh, outre les émissions de GES toujours bien trop élevées par rapport à ce que prévoit l’Accord de Paris, deux sujets primordiaux pour le sud seront sur la table des négociations : celui de la promesse faite depuis douze ans par les pays industrialisés d’alimenter un Fonds vert international pour le climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an et celui de discuter, enfin, d’un mécanisme d’assurance permettant de compenser les « pertes et préjudices » subis par les pays en développement.

A la COP de Glasgow, en 2021, les Etats plus vulnérables avaient obtenu un engagement précaire selon lequel ces cent milliards seraient atteints en 2025. Selon l’OCDE, 83 milliards de dollars ont été mobilisés pour ce fonds en 2020. De son côté, l’ONG Oxfam avance un calcul différent : en retirant les dons privés (qu’il est injuste, selon elle, d’inclure dans le résultat des engagements pris par les Etats) et les intérêts des prêts (remboursables donc) qui représentent plus de deux tiers du montant du Fonds vert, elle estime que le financement international se situe entre 21 et 24 milliards de dollars, soit moins d’un quart de ce qui a été promis. En outre, le financement concédé – en majorité des prêts – est surtout destiné à l’atténuation des émissions carbone, soit des investissements directement rentables dans des parcs éoliens et solaires. Et cela au détriment des mesures d’adaptation, au moins aussi essentielles.

Quant au dossier « pertes et préjudices », concept formellement reconnu dans l’Accord de Paris mais sans plus, la COP26, à Glasgow, avait calé sur le sujet, se contentant de promettre d’en reparler dans les deux ans à venir. Cette fois, les pays « vulnérables » ont obtenu que la création d’un tel mécanisme d’assurance soit bel et bien abordée en Egypte. Pour les pays industrialisés, la notion de « pertes et préjudices » est trop floue. Ils craignent surtout de s’engager dans un processus formel où la reconnaissance de leur responsabilité dans le dérèglement climatique donne lieu à de lourdes actions en justice en cascade contre eux de la part des pays du sud, historiquement moins pollueurs mais actuellement davantage victimes du réchauffement. Que ressortira-t-il de tout cela à Charm el-Cheikh ? Sans doute rien de définitif. Les questions les plus brûlantes se règleront probablement au G20, réunissant les pays les plus développés de la planète, qui se tiendra à Bali, en Indonésie, trois jours avant le round final de la COP27.

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