Jean-Pascal van Ypersele. © Belga

Les pertes et préjudices, un des grands défis de la COP27

Un an après la COP26 de Glasgow, dont l’objectif était de garder en vie l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris sur le climat, à savoir limiter le réchauffement mondial à +1,5°C, la 27e conférence climat de l’Onu (COP27) s’ouvre ce dimanche à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour une dizaine de jours d’intenses tractations.

Les négociations entre les plus de 190 pays représentés tourneront autour des thèmes habituels:

– l’atténuation du réchauffement climatique,

– l’adaptation aux conséquences néfastes des changements climatiques et

– le financement à destination des pays du Sud.

Mais un sujet supplémentaire, celui des pertes et préjudices, pourrait échauffer les esprits sur les bords de la mer Rouge.

La prise en compte des pertes et préjudices (loss and damage, dans le jargon des négociations), concept qui fait référence aux conséquences du réchauffement auxquelles il n’est plus possible de s’adapter, ou aux « limites de l’adaptation » dans le langage des scientifiques du Giec, est demandée depuis des années par les pays les plus vulnérables. L’accord de Paris a consacré formellement en 2015 ce « troisième pilier » de l’action climatique. Toutefois, le texte souligne que cette reconnaissance des pertes et préjudices « ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ». Les pays industrialisés, historiquement les plus responsables de l’effet de serre à l’origine du réchauffement climatique, craignent en effet, États-Unis en tête, des procès, en responsabilité et dommages et intérêts, en cascade, au motif de ces pertes et préjudices.

Pas de fonds pour les pertes et préjudices

Différents instruments (mécanisme de Varsovie, réseau de Santiago, dialogue de Glasgow) ont été mis en place au fur et à mesure des COP climat mais aucun fonds n’existe à ce stade pour financer directement les pertes et préjudices. A Glasgow, l’an dernier (COP26), l’Écosse, à hauteur de deux millions de livres, et la Wallonie, pour un million d’euros, furent toutefois les premières régions du monde à annoncer un financement spécifiquement dédié à cette problématique. L’initiative pourrait également être suivie par le Danemark.

   Dès l’entame de la COP27, à Charm el-Cheikh, les pays du Sud feront vraisemblablement pression pour mettre le sujet des pertes et préjudices le plus haut possible à l’agenda. Et, confirme un expert belge des conférences climat, cette question sera « l’un des grands défis » des négociations à la COP27. « Oui, cette question peut éventuellement conduire à un ‘clash’ entre pays. Si je dois identifier un sujet difficile pour cette COP, c’est celui-là », poursuit cette source.

Relever le niveau d’ambition

   Mais n’y a-t-il pas un risque, à force de taper sur le clou des pertes et dommages, que l’attention soit détournée de la question de l’atténuation, alors même que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent baisser de près de moitié d’ici la fin du siècle ? Pour le climatologue Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain), « les deux sujets sont couplés, mais avec des échelles de temps différentes: les pertes et préjudices sont malheureusement bien présents aujourd’hui, largement parce que les efforts de réduction d’émissions ont été tout à fait insuffisants ».

   Relever le niveau d’ambition, qui est absolument indispensable, ne contribuera à un arrêt de l’aggravation de la situation climatique que d’ici des décennies, poursuit l’ancien vice-président du Giec. « On doit donc comprendre l’impatience des pays et des populations victimes, et tenir compte de leurs revendications en matière de pertes et préjudices, sans que cela réduise la nécessité d’agir bien plus du côté de l’atténuation et de l’adaptation », estime encore Jean-Pascal van Ypersele.

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