La monétisation sur Twitter, récemment rebaptisé X, est-elle la porte ouverte aux dérives?

Gagner de l’argent sur Twitter ? C’est désormais possible… à certaines conditions

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les créateurs de contenus certifiés peuvent désormais gagner de l’argent sur Twitter. Les méthodes de rémunération restent toutefois floues. Surtout, cette monétisation soulève des interrogations éthiques.

Une véritable révolution. Depuis l’arrivée d’Elon Musk aux commandes de Twitter, la plateforme à l’oiseau bleu a subi d’innombrables bouleversements. Après avoir rebaptisé le réseau « X », redéfini les règles d’authentification des comptes ou encore banni le profil de certains de ses détracteurs, le fantasque milliardaire américain a récemment développé une nouvelle fonctionnalité, qui permet à certains créateurs de contenus d’être rémunérés.

Ces derniers jours, plusieurs comptes influents ont ainsi annoncé avoir reçu leur « première paie » de la part de X. Le profil français Alerte Infos, aux plus de 300.000 followers, a par exemple dévoilé des gains s’élevant à quelque 6.850€. Un petit pactole qui a de quoi séduire, mais qui est malheureusement réservé à une certaine élite.

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Pour être éligible à la monétisation, il faut en effet disposer d’un compte Premium, donc… payant. Que ce soit via « Twitter Blue » pour les particuliers, dont l’abonnement s’élève à 9,68€ par mois en Belgique, ou via l’outil « Verified Organization » pour les entreprises (1149,5€/mois). Il faut ensuite avoir validé son identité, et avoir généré plus de 15 millions d’impressions (nombre de vues sur ses publications) en trois mois. Enfin, il faut comptabiliser plus de 500 abonnés. Autrement dit, des conditions auxquelles un utilisateur « lambda » répond difficilement.

Des méthodes de calcul opaques

A partir de cela, X va calculer les revenus publicitaires générés par un contenu, et plus particulièrement par les publicités visionnées par les abonnés de Twitter Blue lorsqu’ils parcourent les réponses sous cette publication. Les vues des utilisateurs non-Premium ne sont donc pas comptabilisées et n’ont aucune influence dans le calcul. X redistribuera ensuite ces revenus publicitaires aux créateurs du contenu en question : c’est le principe du « Ads Revenue Sharing ».

Cela étant, X reste très discret sur la méthode de calcul utilisée. Difficile dès lors de faire des prédictions sur le montant que telle ou telle publication pourra in fine rapporter au créateur de contenu. « Comme le système est très opaque, il est difficile de savoir dans quelle mesure cette activité est viable ou non, observe Nicolas Vanderbiest, fondateur de Saper Vedere, cabinet d’études et de conseil en communication. Est-ce que les sommes générées permettent réellement aux influenceurs de vivre décemment, en laissant tomber le recours aux placements de produits sur d’autres plateformes? Je ne crois pas. » Pour l’heure, les montants communiqués ne dépassent généralement pas les quelques milliers d’euros, cumulés sur une période de février à juillet. Divisé par six, le salaire mensuel est loin d’être mirobolant. Sans compter que ces gains sont logiquement imposables.

La porte ouverte aux dérives

En outre, cette politique de monétisation soulève plusieurs questions sur le plan éthique, notamment sur la qualité des contenus proposés. Comme la rémunération dépend des publicités visualisées dans les réponses sous le tweet, l’un des risques est de voir apparaître des publications uniquement pensées « pour le clic ». « On risque de se retrouver avec des débats futiles créés de toutes pièces, comme ‘préférez-vous la couleur bleue ou la couleur jaune ?’, sans aucun intérêt public », s’inquiète Nicolas Vanderbiest. Le journaliste et chroniqueur français Samuel Etienne a d’ailleurs ironiquement dénoncé cette dérive en sondant sa communauté sur des sujets volontairement légers, tels que ‘faut-il mettre le lait avant ou après les céréales ? ».

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La nécessité de susciter des réactions fait également la part belle aux polémiques et aux débats sur des thématiques clivantes, telles que la migration ou le port du voile. « Cela illustre le côte paradoxal et toxique de la fonctionnalité : les profils militants ou engagés risquent de contribuer à la visibilité de leurs ennemis, et donc, in fine, à leur rémunération », relève Nicolas Vanderbiest.

L’expert en communication s’interroge également sur la diversité sociologique des utilisateurs à qui profite réellement cette fonctionnalité. « Pour le moment, on observe que les utilisateurs de Twitter Blue sont très à droite, hormis certains influenceurs », analyse l’expert. L’objectif étant de générer des vues auprès de ces utilisateurs de Twitter Blue, on risque d’assister à une surreprésentation de ce public de droite voire d’extrême-droite sur la plateforme, ainsi que de contenus susceptibles de plaire à cette tranche de la population.

Pas de gains mirobolants en Belgique?

Enfin, certains estiment que cette monétisation est la porte ouverte aux fake news, aux buzz futiles ou aux actualités non sourcées, au détriment d’informations vérifiées et à véritable plus-value journalistique.

Quoi qu’il en soit, les possibilités pour des comptes 100% belges de pouvoir réellement bénéficier de cette rémunération restent actuellement minces. « En Belgique, on reste sur un marché très restreint, à diviser entre un public néerlandophone et francophone. Dans ces conditions, atteindre les 15 millions d’impressions en trois mois reste un pallier difficilement accessible », conclut Nicolas Vanderbiest.  

 

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