Salaires : la fin des non-dits ? Une nouvelle directive veut briser les tabous  

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Salaires, la fin du grand mystère ? Une directive européenne vise à imposer la transparence salariale aux entreprises. La Belgique doit l’appliquer d’ici 2026. De quoi briser un sujet encore tabou ? Dans la théorie, oui. Dans la pratique, les répercussions sont encore incertaines.

L’heure de la transparence salariale a-t-elle sonné ? C’est en tout cas l’un des objectifs portés par une nouvelle directive européenne, dont le délai de transposition dans les législations nationales court encore jusqu’au 7 juin 2026. Concrètement, toutes les entreprises belges seront alors tenues de communiquer de façon transparente sur les salaires. En d’autres termes, votre voisin de bureau pourra savoir combien vous gagnez exactement, et inversement. Et ce n’est pas tout : cette politique de la transparence devrait aussi être étendue pour chaque candidat-postulant.

La Belgique et ses entreprises doivent donc réfléchir sans trop tarder à la manière dont cette directive peut être appliquée, et son impact potentiellement révolutionnaire dans le domaine des ressources humaines.

Transparence des salaires : tous les secteurs sont concernés

Pour l’instant, l’heure est encore à la retenue. « La plupart des entreprises attendent les futures règles nationales et évitent de mettre en place des nouveaux mécanismes aussi longtemps qu’il n’y a pas de sécurité juridique, explique la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Les entreprises belges (de plus de 50 travailleurs) continuent entre-temps de remplir leurs obligations ‘belges’ de transparence salariale, via leur rapport, tous les 2 ans, sur la structure des rémunérations. »

Il n’en demeure pas moins certain que les employeurs, d’ici 2026, devront s’assurer que les rémunérations et avantages qu’ils proposent sont conformes à l’exigence de transparence telle que prévue par la directive européenne nommée « 2023/970 ».

« Tous les secteurs et toutes les fonctions sont concernés dans toutes les entreprises. L’employeur doit dès à présent veiller à objectiver les critères d’évolution salariale et la composition des packages salariaux, tout en continuant à valoriser les performances des travailleurs », expose Florine de Raet, porte-parole de la FEB.

Les Belges demandeurs de plus de transparence sur les salaires

Côté travailleurs, la directive pourrait venir briser un tabou encore sensiblement ancré dans les mentalités. « Il est clair qu’il n’existe pas encore de culture du dialogue sur les salaires. Pourtant, près de la moitié des travailleurs belges (47 %) n’ont aucun problème à communiquer ouvertement sur leur rémunération », avance Virginie Verschooris, spécialiste de la rémunération chez SD Worx. La demande d’une communication transparente et claire sur les salaires existe bel et bien, surtout chez les travailleurs de moins de 35 ans. »

Selon l’experte, il y a encore du travail à faire dans ce domaine. « Pour y parvenir, les employeurs ont besoin d’une politique salariale étayée et élaborée, avec des garanties d’équité interne et externe, ou de conformité au marché. Ils seront alors prêts lorsque la nouvelle législation européenne entrera en vigueur. »

Certains impacts de la directive se veulent très concrets. Objectif numéro un porté par le projet européen : tendre vers l’égalité salariale entre femmes et hommes. « C’est un principe fondamental auquel les entreprises veulent se conformer », assure Florine de Raet.

Un changement majeur pour les ressources humaines ?

Mais la nouvelle législation pourrait également marquer un tournant majeur vis-à-vis du fonctionnement des ressources humaines. « Il y aura sans aucun doute des répercussions sur les pratiques RH au sein des entreprises. Les nouvelles règles concerneront les rémunérations de toute personne -hommes et femmes-, ainsi que les candidats à l’emploi, qui pourront se comparer à leurs collègues », indique la FEB.

La porte aux comparaisons salariales est donc ouverte. Au sein des entreprises, mais aussi entre les entreprises. De quoi booster la concurrence, rétablir des inégalités, ou créer de fortes tensions, c’est selon.

Quelle législation ?

A l’heure actuelle, la moitié des travailleurs belges sont convaincus par l’équité salariale interne. « Les entreprises qui continuent à travailler sur une politique salariale transparente et flexible seront prêtes pour les nouvelles obligations en matière de transparence salariale d’ici 2026, commente Virginie Verschooris. Offrir une perspective aux travailleurs est motivant et a un effet positif sur la politique de recrutement et de rétention. »

Toujours est-il que, selon la FEB, la directive prévoit des dispositions tellement détaillées qu’il sera probablement impossible de continuer à appliquer telle quelle notre législation nationale de 2012. « Notre pays est pourtant un précurseur en matière d’égalité salariale, avec un écart salarial hommes-femmes chiffré à 1,2%, soit le plus petit écart national, selon les derniers chiffres de l’OCDE », indique Florine de Raet.

Un tel degré de détails, imposé au niveau européen, laisse peu de marge aux législateurs nationaux, de même qu’aux partenaires sociaux à tous les niveaux, estime la FEB, pour qui « il est trop tôt pour mesurer l’impact exact que cette directive aura sur la politique RH et salariale des entreprises belges. »

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La transparence salariale sera-t-elle bientôt la norme?

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