Distributeurs de billets “neutres”: les zones les mieux servies par Batopin (et les délaissées)
La digitalisation croissante entraîne la fermeture de nombreuses agences bancaires et donc aussi celle des distributeurs d’argent qui y étaient installés. Le réseau Batopin entend mettre fin à l’hémorragie en garantissant une certaine couverture du territoire avec ses machines « neutres », détachées d’une banque particulière. Comment serez-vous desservi ? Réponse en carte.
Trouver de l’argent liquide proche de chez soi, aux endroits importants, c’est la promesse de Batopin, projet porté par Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC. Les quatre grandes institutions bancaires veulent assurer le « développement d’un réseau optimal de distributeurs automatiques de billets en Belgique », martelant dans leur communication que « l’argent cash doit rester accessible à tout le monde ».
Batopin a dévoilé vendredi dernier la liste complète des 970 emplacements retenus pour installer ses distributeurs : les machines sont déjà en service dans plus de 400 lieux aujourd’hui, près de 150 autres sont planifiés ou en travaux et environ 400 emplacements restent à déterminer, même si les lieux approximatifs sont connus.
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Fin du déploiement prévu pour 2025
L’idée derrière Batopin est de rationaliser le réseau et les coûts. Comprenez qu’au lieu d’avoir parfois deux ou trois banques proposant chacune leurs propres distributeurs dans un rayon de quelques dizaines de mètres, il y aura désormais un seul lieu « neutre » qui distribuera du cash aux clients.
Ces points « Cash » permettront de retirer des billets, parfois d’en déposer. Les petites coupures de 5 et 10 euros ainsi que les billets de 100 euros ne seront pas disponibles partout. Les premiers points ont été inaugurés en septembre 2021 et le « nouveau réseau » vise un déploiement complet de ses 970 sites d’ici fin 2025, avec 2500 distributeurs au total.
Un nombre revu à la hausse par rapport au projet initial, mais loin des 6000 distributeurs que la Belgique comptait fin 2021 (ceux des grandes banques et autres points confondus). L’emballement de la digitalisation est passé par là. Les transactions électroniques gagnent du terrain.
Le premier accord, retoqué, a gonflé de 207 sites supplémentaires pour retirer de l’argent, dont 191 qui sont ou seront estampillés Batopin.
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Le sud du pays plus morcelé
Une carte de chaleur, allant du bleu, là où le réseau « Cash » est le moins dense, au rouge, lorsque les distributeurs se trouvent facilement, permet de voir la répartition globale du réseau.
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Deux constats : premièrement, la carte fait nettement ressortir les agglomérations. Dans les communes wallonnes de 10.000 habitants et plus, le réseau Batopin répond présent. Une bonne moitié sont déjà équipées le reste sera couvert à court ou moyen terme. On ne trouve que quelques exceptions dans cette liste, comme Sprimont, Anderlues, Bernissart, Aiseau-Presles et Plombières, selon nos recherches dans les données. D’autres banques peuvent y être présentes avec leurs propres distributeurs, mais Batopin n’a, a priori, pas prévu de s’y installer.
Ensuite, sous le sillon Sambre-et-Meuse, le maillage s’étiole, les distributeurs se raréfient nettement. Les communes plus rurales, parfois déjà privées de distributeur d’une « grande banque » aujourd’hui, ne seront pas mieux desservies demain. Quelques trous dans la carte forceront les gens à trouver leur cash ailleurs (magasins, autres banques…) ou à voyager un peu plus loin. Également pour déposer de l’argent.
« Partout dans un rayon de 5 kilomètres »
« 95 % des Belges disposeront d’un point Cash dans un rayon de 5 kilomètres en voiture et pour la plupart des gens, la distance sera en réalité bien inférieure », promet Batopin. « Nous veillons à ce que 40 % de tous les points Cash soient installés dans les petites communes et les sections de communes ».
Ce point reste difficile à vérifier, faute d’une méthodologie totalement transparente, mais selon nos calculs, sur base des données de la carte, dans 32 des 50 communes les moins peuplées de Wallonie, aucun distributeur Batopin ne sera présent. Ce qui ne veut pas dire qu’aucun lieu ne distribue de l’argent liquide, mais ce ne sera pas une machine du réseau « Cash ».
« Il faut rappeler que nous ne sommes pas le seul acteur impliqué dans la répartition des distributeurs d’argent, explique encore la société. L’objectif est effectivement d’avoir une machine dans chaque commune. Nous avons joué pleinement notre rôle social en nous installant là où il y avait un vrai besoin, en couvrant l’ensemble du territoire ». La société dit n’avoir pas fait de statistiques par province, car elles ont leurs particularités.
Sur les craintes spécifiques liées au manque de points de dépôt, Batopin rappelle que l’objectif d’avoir la moitié des distributeurs acceptant du cash sera dépassé. « 60% des points Cash autoriseront le dépôt d’argent« , détaille encore la société. Elle invite dès à présent les clients à se rendre sur son site pour découvrir les fonctions disponibles dans chaque distributeur.
Demande de transparence sur la répartition
Dans un communiqué commun, Test-achats, Financité et Okra tiennent à rappeler que le dossier des distributeurs de billets est loin d’être réglé. Les trois associations avaient critiqué l’accord passé entre le gouvernement et le secteur bancaire en mars 2023. La répartition ne leur semble pas plus claire aujourd’hui, maintenant que les zones choisies ont été dévoilées.
« Là où l’accord mentionnait un accès à un distributeur à moins de 2km (zone urbaine) et 3 km (zone intermédiaire), les communications faites ces derniers jours n’en disent mot. Envolé aussi le taux de couverture par province« , déplorent-elles.
Plusieurs lieux leur semblent problématique, notamment en zone rurale. « Là où le taux de couverture à moins de 5 kilomètres était de 52% en Province de Luxembourg, seul un site supplémentaire est prévu », poursuivent-elles.
En mars 2023, les organisations demandaient les détails de la méthodologie utilisée par la Banque nationale de Belgique pour déterminer la répartition des distributeurs de billets afin de mieux comprendre la répartition prévue par province, le taux de couverture prévu par province pour les trois types de zones (urbaine, intermédiaire et rurale) en 2025 ainsi que le nombre de distributeurs par zone et par commune. « Les informations n’ayant toujours pas été communiquées, Testachats et Financité ont dès lors décidé d’attaquer ce refus devant le Conseil d’Etat« , écrivent-elles.
« A l’heure où les Belges sont ceux qui se plaignent le plus du manque d’accessibilité à l’argent liquide en Europe, notre combat continue pour s’assurer que chacun puisse accéder à son propre argent et que personne ne soit laissé sur le bord de la route », conclut Julie Frère, porte-parole de Testachats.
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