Indexation négative: « Pour maintenir votre pouvoir d’achat, on peut vous payer moins »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Une indexation négative touche ou touchera bientôt certains secteurs. En clair, certains travailleurs peuvent s’attendre à voir leur salaire diminuer. Intrigant, alors que l’inflation reste soutenue. Le phénomène s’explique, et il ne risque pas de perturber votre pouvoir d’achat.

L’indexation automatique des salaires a permis de protéger le pouvoir d’achat des Belges face à l’inflation élevée des derniers mois. Récemment, les travailleurs du secteur bancaire ont pourtant eu la mauvaise surprise de voir leurs salaires légèrement diminuer. Les barèmes du secteur ont en effet été adaptés, avec comme conséquence qu’ils gagnent aujourd’hui 0,17 % de moins qu’auparavant. Selon le Group S, d’autres secteurs pourraient suivre cette tendance à la baisse.  

« On peut vous payer moins pour maintenir votre pouvoir d’achat »

Pourquoi le domaine bancaire est-il impacté avant les autres ? En réalité, ce nouveau calcul des salaires varie selon les secteurs. Le gouvernement ne le fait que lorsqu’il y a une différence de 2 % par rapport à l’ajustement précédent, mais le secteur bancaire, par exemple, évolue tous les deux mois. Par conséquent, les employés qui y travaillent sont confrontés à une baisse de salaire plus rapide et sont plus sensibles aux légères variations de l’indice santé.

Tous les secteurs ne sont pas obligés de suivre l’exemple des banquiers. La plupart des commissions paritaires ont d’ailleurs trois accords possibles au niveau sectoriel. Il est donc autorisé d’emprunter une voie radicalement différente que celle du secteur bancaire. L’industrie du bois, par exemple, a décidé d’elle-même de ne pas appliquer l’indexation négative des salaires prévue en juillet.

Ne pas appliquer cette baisse des salaires peut aussi être compensée par des augmentations ultérieures de l’indice. Le secteur de la construction, par exemple, compensera ainsi l’indexation négative des salaires de juillet par l’indexation positive attendue à l’automne. En résumé : tout dépend du secteur dans lequel vous travaillez.

« C’est l’indice santé lissé qui est utilisé pour l’indexation automatique », rappelle l’économiste Bruno Van der Linden (UCLouvain). S’il monte, les salaires nominaux monteront également, selon le rythme fixé par la commission paritaire. S’il baisse, les salaires baisseront. »

Lors d’une période d’inflation, où les prix augmentent, le salaire nominal va donc évoluer à la hausse. « Si on connaît des petits épisodes de décroissance, où le niveau moyen des prix diminue, on peut donc vous payer moins pour maintenir votre pouvoir d’achat », souligne le spécialiste de l’économie du travail.

« Une indexation négative n’est pas une perte du pouvoir d’achat »

« Une indexation négative n’est pas une perte de pouvoir d’achat », insiste Bruno Van der Linden, qui ajoute que « l’indice de prix à la consommation n’est jamais la révélation correcte du panier d’achat de chaque particulier. Cela reste une moyenne sur base d’enquête, qui ne va pas être le reflet exact de la situation spécifique de chaque consommateur. »

Une indexation négative n’est pas une perte de pouvoir d’achat.

Bruno Van der Linden

Pour le professeur de l’UCLouvain, si on laisse cet aspect-là de côté et qu’on utilise cette moyenne comme référence, « lorsque le niveau général des prix du panier moyen diminue, cela veut dire qu’avec la même somme salariale dans votre poche, vous pouvez acheter plus que le mois précédent. Maintenir votre pouvoir d’achat inchangé, cela veut dire vous permettre d’acheter la même chose que le mois écoulé. Si l’indice baisse, on diminuera le salaire pour maintenir cette capacité d’achat inchangée », développe-t-il.

« Personne n’est le consommateur moyen »

L’économiste se veut critique du système d’indice santé lissé, un panier de consommation moyen qui a ses limites et ses imperfections. « Car personne n’est le consommateur moyen. De plus, l’indice santé est un indice moyen épuré du prix des carburants, de l’alcool et du tabac. Si vous êtes un grand fumeur, et que vous passez l’essentiel de votre temps sur la route, vous êtes clairement devant un indice de prix qui ne va pas capter votre situation spécifique. De plus, cet indice est lissé, ce qui veut dire qu’il résulte d’une moyenne calculée sur les mois précédents. Il évolue donc avec une certaine lenteur par rapport à l’évolution effective des prix. »

Il faut dinstringuer déflation et inflation qui ralentit.

Bruno Van der Linden

Par ailleurs, parler de déflation, -comme certains l’évoquent actuellement-, est une erreur, rappelle Bruno Van der Linden. « Une déflation correspond à une chute des prix. Il faut faire la distinction entre déflation et inflation qui ralentit. Cette dernière signifie que les prix augmentent moins vite qu’ils n’augmentaient hier. La vitesse reste positive, mais on accélère moins vite. Cela ne veut pas dire qu’on fait marche-arrière », rectifie-t-il.

S’il y a donc un ralentissement de l’inflation, elle n’est pas pour autant maitrisée. Et la chute des prix -une déflation- ne correspond pas du tout à la situation actuelle. « Sur l’année entière, on garde une évolution importante des prix. On est certes loin du pic d’inflation qu’on a connu plus tôt dans l’année, mais on est aussi très loin des niveaux de 2017, 2018 ou 2019. »

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