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Bruno Colmant: « La seule façon de se protéger de l’inflation, c’est de diminuer sa consommation »

Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Une inflation élevée ne pèse pas seulement très lourd sur le budget des Belges, pris à la gorge par la hausse des prix énergétiques et de tant d’autres produits. Elle fait également fondre le patrimoine de ceux qui ont constitué des économies au prix, parfois, de longues années de frugalité. Analyse avec Bruno Colmant.

Il faut remonter à août 1975, au lendemain du premier choc pétrolier, pour trouver un taux d’inflation proche de ce qu’il est aujourd’hui en Belgique. En août 1975, ce taux atteignait 11,42%. En octobre dernier, l’inflation s’établissait à 12,27% et à 10,63% en novembre. Ce léger tassement, lié à une baisse des prix de l’énergie, laisse espérer que le pic inflationniste aurait été atteint dans notre pays. Mais l’inflation sous-jacente, celle qui ne tient pas compte de l’évolution des prix énergétiques et des produits alimentaires non transformés, continue, elle, à inquiéter. De 6,5% en octobre, elle s’est établie à 7,16% en novembre. Conclusion? Une inflation s’installe durablement au cœur de notre économie.

Il n’y a aucun espoir de voir le rendement de l’épargne rattraper l’inflation à court ou moyen terme.

«Dans une économie aussi homogène que celle des Etats-Unis, presque fermée, proche du plein emploi et dont les capacités de production sont utilisées au maximum, les hausses de taux successives initiées par la Réserve fédérale ont permis de freiner l’inflation, commente Bruno Colmant, membre de l’Académie royale de Belgique. En Europe, c’est très différent. Dans une économie aussi ouverte et dépendante de ses importations énergétiques, tout économiste en herbe sait qu’on ne combat pas une inflation importée avec des hausses de taux. Celles annoncées par la BCE (NDLR: en juin et en septembre) sont graves puisqu’elles imposent aux particuliers et aux entreprises de subir, en plus de l’inflation, des charges d’intérêt croissantes sans apporter la moindre solution. On est dans un cul-de-sac

Comment se protéger de l’inflation ? « L’indexation est loin de suffire »

Une impasse que notre économiste voit persister encore longtemps. «Nous allons vivre dans un contexte d’inflation bien plus élevée que ce que nous avons connu depuis plus de vingt ans.» Selon lui, la récession qui se profile à l’horizon – probablement pour cette fin d’année – la fera baisser autour des 5% en 2023 et 2024 (les dernières prévisions du Bureau du plan attestent une diminution à 5,3% en 2023). «L’inflation peut ralentir quand elle crée sa propre récession, comme ce fut le cas dans les années 1980, après le deuxième choc pétrolier. Le pouvoir d’achat diminue, la demande baisse et l’économie se refroidit. On doit s’attendre à de nombreuses fermetures d’entreprises dans les prochains mois.»

Comment les Belges peuvent-ils se protéger? «Certes, beaucoup bénéficient de l’indexation des salaires et des allocations sociales, mais cela ne suffit pas. La crise économique se mue en crise sociale. Pour les plus bas revenus, l’indexation est loin de suffire pour compenser la hausse des prix énergétiques et de certains produits de base. On voit baisser les achats alimentaires, les gens font des arbitrages entre leurs dépenses. La seule façon de se protéger contre l’inflation, c’est de diminuer sa consommation. Et de faire des économies, notamment en matière énergétique.»

Quant aux épargnants, qui voient fondre la valeur de leur épargne, ils ont peu d’espoir en vue. Même si quelques petites banques commencent à initier un mouvement à la hausse du rendement des comptes d’épargne. «Il n’y a aucun espoir de voir le rendement de l’épargne rattraper l’inflation à court ou moyen terme« , affirme Bruno Colmant. A plus long terme, la Bourse, qui a fortement chuté, devrait offrir de meilleures perspectives.

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