« Les femmes restent bloquées dans un entrepreneuriat de survie »

Stagiaire Le Vif

Dans le cadre de la semaine du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, les militants et militantes ont tenu à rappeler à quel point les inégalités entre hommes et femmes perdurent dans de nombreux domaines, malgré les progrès accomplis et une relative prise de conscience. L’entrepreneuriat fait partie de ces secteurs où les femmes peinent encore à trouver leur place et doivent se surpasser pour être prises au sérieux. Une réalité que connait bien Sana Afouaiz, Fondatrice et PDG de Womenpreneur-Initiative.

Depuis sa création, en 2016, l’équipe de Womenpreneur a soutenu plus de 19.000 femmes en Belgique, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Sana Afouaiz souhaite continuer à inspirer d’autres femmes et les aider à se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat.

Comment avez-vous décidé de devenir entrepreneuse ? 

Je pense que c’est lié à l’environnement d’où je viens. Je suis née au Maroc et l’entrepreneuriat c’est quelque chose de très culturel là-bas. Autour de moi, beaucoup de femmes étaient entrepreneuses pour faire vivre leurs enfants, leur entourage. Cet « ADN culturel », m’a incitée à devenir moi-même entrepreneuse. Mais pas n’importe laquelle: une entrepreneuse qui, à la fois, peut inspirer les autres femmes et produire de l’argent.

Aujourd’hui, on remarque que l’entrepreneuriat féminin est un entrepreneuriat de survie. C’est pourquoi, à travers mes actions, j’essaye de leur montrer qu’il est possible de gagner sa vie dans ce secteur et d’avoir un certain impact.

Quels sont les obstacles auxquels les femmes qui entreprennent font face ? 

Ils sont principalement liés aux stéréotypes. Par exemple, lorsqu’une femme fait le pitch d’un projet ou d’un business, on lui demande encore régulièrement comment elle arrive à trouver un équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Ou encore, ce que cela fait d’être une femme et d’être entrepreneuse. Comme s’il s’agissait de deux choses qui ne sont pas compatibles.

Ça crée des inégalités, des stéréotypes et, de façon indirecte, ça empêche les femmes de mesurer leur accès au financement, aux opportunités et au networking. En effet, les femmes se retrouvent dans une position dans laquelle elles doivent assumer leur responsabilité sociale : garder les enfants, s’occuper de l’organisation familiale, etc.

Et malheureusement pour elles, une grande partie du networking se passe en soirée. La femme n’est donc pas assez visible ou présente lors des événements qui peuvent créer des opportunités. De ce fait, ça la bloque dans son cheminement. Par ailleurs, tant qu’il n’y aura pas de financement sérieux pour les business créés par des femmes, les entrepreneuses resteront dans le cercle vicieux qu’est l’entrepreneuriat de survie. Enfin, il faut soulever le problème de l’accès à l’information. Le système éducatif en Belgique n’est pas vraiment un système qui éduque à l’entrepreneuriat, mais plutôt un système qui forme les jeunes à devenir fonctionnaires.

C’est ce qui explique qu’aujourd’hui il y ait nettement moins d’entrepreneuses que d’entrepreneurs ? 

En Belgique, l’entrepreneuriat féminin est né au sein d’une crise. Durant cette période, beaucoup de femmes occupaient des postes publics. À cause de la crise financière, l’État belge s’est vu contraint de réaliser un plan de relance. Une majeure partie du budget a dû être réorientée vers les secteurs de la finance, de la mobilité et de la construction. Par conséquent, de nombreuses femmes ont perdu leur emploi et ont souhaité devenir indépendantes. Mais le secteur reste malheureusement peu structuré.

« La femme n’est pas assez visible ou présente lors des événements qui peuvent créer des opportunités ».

Sana Afouaiz

 Quelles évolutions devraient être faites au niveau politique ou social ? 

Il faut un engagement politique sérieux qui garantisse qu’on va investir dans la cause. Il conviendrait surtout de former les femmes dans les domaines porteurs d’avenir, d’assurer qu’il y ait tout un système de diversité et d’inclusion qui soit appliqué dans tous les secteurs confondus. Il serait également nécessaire de travailler avec le secteur privé/éducatif – dans les écoles et les universités – de manière à changer la vision que nous avons du rôle de la femme ou de l’homme. L’orientation académique doit faciliter l’accès à l’information sans jugement, sans restriction. Il est impératif que tous les domaines soient accessibles à tout le monde. On parle d’un marché en pleine mutation. A l’avenir il y aura donc beaucoup de métiers que nous créerons nous-mêmes. Il faut donc préparer la nouvelle génération à prendre des risques, à développer un esprit d’entrepreneuriat. Cela nécessite un engagement académique fort. Les politiques aussi doivent comprendre qu’il faut libérer l’économie et faciliter l’activité économique en assouplissant la législation.

Laura Droesbeke

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