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Rembourser son prêt ou son loyer à la place d’une voiture de société? L’idée séduit de plus en plus de Belges (analyse)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

À la place d’une voiture de société, certaines entreprises proposent à leurs employés d’autres avantages, regroupés dans le budget mobilité. Leasing vélo, paiement du loyer, cash… Les possibilités sont nombreuses, mais convainquent encore trop peu d’employeurs. Même si les lignes sont en train de bouger.

Et si, plutôt que d’opter pour une voiture de société, vous choisissiez de rembourser votre crédit hypothécaire ou votre loyer ? Dans les entreprises qui ont adopté le budget mobilité, c’est possible (sous conditions). Instauré en 2019 par le ministre fédéral de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo), il donne la possibilité, pour les employeurs qui fournissent des voitures de société à leurs employés, d’offrir une alternative plus durable. «Télétravail, travail de bureau, mission chez le client… Il y a autant de réalités professionnelles qu’il y a de travailleurs, déclare le ministre écologiste. Le budget mobilité, c’est avant tout un moyen de leur faciliter la vie grâce à une offre de transport à la carte».

C’est peu dire que le budget mobilité éprouve des difficultés à séduire lors de son lancement. Alors, il subit des modifications. « Depuis le début de 2022, il offre une plus grande liberté d’action. Les travailleurs peuvent, par exemple, faire le choix d’acheter un vélo, de louer un emplacement dans un box vélo ou de rembourser le prêt hypothécaire de leur logement. Un coup d’accélérateur vers une mobilité durable et dans l’air du temps », explique Georges Gilkinet.

Le succès relatif du budget mobilité

C’est le ministre de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo) qui a instauré le budget mobilité

Relifté, le budget mobilité attire davantage les employés. En 2022, la part de travailleurs l’ayant choisi a presque doublé (0,18 %) par rapport à 2021 (0,10 %), selon une analyse de SD Worx réalisée en mars dernier. Un travailleur sur 500 a choisi l’an passé de troquer sa voiture de société contre une somme d’argent, qu’il peut consacrer à autre chose. Le succès de la mesure s’explique notamment par la possibilité d’allouer une partie de ce budget mobilité au remboursement de son loyer ou de son crédit hypothécaire, à condition d’habiter dans un rayon de 10 kilomètres autour de son lieu de travail.

« Financièrement, mon employeur et moi-même sortons gagnants »

Frédéric, employé dans le secteur informatique

Des trois régions, c’est à Bruxelles que se trouve la part la plus importante d’employeurs offrant un budget mobilité. En 2022, ils étaient 2,46 % à le faire, contre 0,58 % en Flandre et 0,35 % en Wallonie. Amaury Gerard, CEO et fondateur de Mbrella, une entreprise basée à Ixelles qui développe des logiciels, explique son choix. « Nous constatons une croissance exponentielle de l’utilisation du budget mobilité. Les employés le demandent activement. L’option la plus populaire est la possibilité de payer son loyer ou son prêt hypothécaire. Les employeurs sont également de plus en plus motivés pour réduire l’empreinte carbone de leur entreprise. »

Frédéric: « Avec la voiture de société, je suis gagnant, tout comme mon employeur »

Le budget mobilité serait surtout populaire auprès des 25-40 ans. Frédéric, 55 ans et employé dans le secteur informatique, pourrait se tourner vers cette option. Mais son entreprise lui permet d’avoir une voiture de société depuis 15 ans, et cela lui convient très bien. « Financièrement, mon employeur et moi-même sortons gagnants. L’entreprise, pour simplifier, ne paie que la moitié de la voiture (grâce aux avantages fiscaux sur les voitures de société, NDLR). Et sachant que j’habite à 45 kilomètres de mon lieu de travail, dans une zone peu desservie par les transports en commun, j’utilise pas mal ma voiture de société ».

Frédéric avance une autre raison qui l’empêche jusqu’ici d’opter pour le budget mobilité. « Je pourrais renoncer à ma voiture de société et recevoir une somme d’argent en complément de mon salaire. Seulement, cette somme n’est pas suffisante pour couvrir soi-même tous les frais liés à la voiture ». Le quinquagénaire tient tout de même à saluer les différentes formules reprises dans le budget mobilité, source selon lui d’attractivité pour les jeunes travailleurs.

Arthur: « Il était logique pour moi d’opter pour la voiture de société »

Arthur, 24 ans, fait partie de cette catégorie. Il travaille depuis un an dans une grosse entreprise active dans la consultance. « J’avais le choix entre une voiture de société et une somme d’argent en plus de mon salaire. Comme cette somme est taxée, il était logique pour moi d’opter pour la voiture, pour ne pas perdre de l’argent ». Une réflexion partagée par de nombreux employés au sein de l’entreprise, assure le jeune travailleur.

« Je crois que le budget mobilité représente 700 euros par mois, c’est intéressant car 100% déductible ! »

Arthur, employé dans une entreprise de consultance

Récemment, son employeur a élargi l’offre du budget mobilité. « Les personnes qui font beaucoup de télétravail ou qui habitent à proximité de leur bureau peuvent utiliser ce budget pour payer leur loyer. Je crois que cela représente 700 euros par mois, c’est intéressant car 100% déductible ! ».

Pour autant, l’option de la voiture de société reste plus attractive dans le chef d’Arthur. « Je suis très peu au bureau. Mes missions chez le client m’amènent à me déplacer aux quatre coins de la Belgique. Et les transports ne sont pas assez développés pour que je me passe d’une voiture ».

Vers un changement de tendance pour la voiture de société ?

En 2022, 1 employé sur 10 bénéficiait d’une voiture de société. Si le budget mobilité progresse, il reste très marginal dans les entreprises, et moins populaire que la voiture de fonction. Pour l’instant, cette mesure compensatoire ne concerne qu’un employé sur 80 disposant d’une voiture de société, soit 1,23 % des travailleurs.

D’après une récente étude du cabinet de recrutement Robert Half – à l’occasion de la Semaine de la mobilité – 1 employé sur 5 refuserait une voiture de société si son employeur la lui proposait pour remplacer une augmentation salariale. De quoi faire de l’ombre à la toute-puissante voiture de société ? Un changement de tendance ne semble pas à l’ordre du jour. « Indépendamment de l’âge, il faut tenir compte de l’augmentation du télétravail, qui limite les déplacements, ou de la préférence des employés pour un budget mobilité », précise Joël Poilvache, regional managing director chez Robert Half. « La voiture de société reste et restera un argument de poids pour l’employeur et une grande partie des employés continuera d’être attirée par celle-ci »

Georges Gilkinet assure qu’une évaluation de l’impact du nouveau budget mobilité sera réalisée prochainement. « Mon objectif est d’aller encore plus loin en proposant un budget mobilité pour toutes et tous, assure l’écologiste (actuellement, le budget mobilité n’existe qu’en tant qu’alternative à la voiture de société, NDLR). Et de convaincre des entreprises comme Carrefour à sauter le pas avec leurs employés. ».

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