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Voitures, pompes à chaleur, industrie… : pourquoi la ruée sur l’électricité sera difficile (analyse)

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

La Belgique pourra-t-elle couvrir l’ensemble de ses (énormes) besoins futurs en électricité? Avec quelles conséquences et à quel coût pour le consommateur? Derrière les ambitions chiffrées se cachent de nombreux obstacles, plus ou moins surmontables.

Fin des moteurs thermiques en 2026 pour les véhicules de société en Belgique. Abandon annoncé des nouvelles chaudières à mazout et au gaz en Région bruxelloise, respectivement dès 2025 et 2035. Electrification massive du secteur tertiaire et de l’industrie. Interdiction des moteurs thermiques en 2035 pour tout nouveau véhicule léger circulant en Europe. Production future d’hydrogène vert par électrolyse de l’eau. C’était attendu: alors qu’elle ne représente que 20% de notre consommation finale d’énergie, l’électricité issue de sources pauvres en carbone sera l’une des clés de la transition énergétique.

L’intérêt de la substituer aux combustibles fossiles n’est plus à démontrer. «A la question de savoir si l’électrification reste une bonne idée malgré les prix élevés de l’énergie, la réponse est oui, résume Hervé Jeanmart, professeur à l’Ecole polytechnique de l’UCLouvain. Tous les modèles le prouvent: les véhicules électriques sont plus efficaces à l’utilisation que ceux à moteur thermique. Il en va de même pour les pompes à chaleur par rapport aux chaudières. On peut tourner le sujet dans tous les sens, l’électrification reste la tendance majeure. Les sources renouvelables très abondantes, ce sont principalement le solaire et l’éolien, c’est-à-dire de l’électricité.»

Même sans hausse de la consommation, on peut se demander si on aura assez d’électricité en 2025.

Sur le principe, il n’y a donc presque plus débat. Sur la faisabilité, en revanche, c’est une autre histoire. Des pompes à chaleur pour le chauffage résidentiel? Encore faut-il tripler, voire quadrupler, le rythme des rénovations des bâtiments. Migrer vers la mobilité électrique sous toutes ses formes? La disponibilité des nécessaires ressources minérales semble être un frein majeur, au même titre que le coût des véhicules. Installer massivement du renouvelable? Le phénomène Nimby («not in my backyard», pas dans mon jardin) freine la concrétisation des lignes permettant d’acheminer l’électricité produite par les parcs éoliens offshore aux quatre coins du pays – notamment les projets Ventilus et Boucle du Hainaut –, tout comme la construction ou le renouvellement d’éoliennes terrestres. Quant aux panneaux photovoltaïques, leur déploiement à grande échelle nécessite des besoins inédits de flexibilité du réseau électrique basse tension et, dès lors, une modernisation potentiellement coûteuse de celui-ci.

«Même sans hausse de la consommation, on peut se demander si on aura assez d’électricité en 2025», avertit Damien Ernst, professeur à l’ULiège. «Durant l’hiver 2024-2025, des pénuries pourraient […] apparaître si des événements à haut risque survenus à l’étranger ces dernières années venaient à se répéter», indiquait pour sa part Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension, dans une étude publiée en 2021. La Fédération belge des entreprises électriques et gazières (Febeg) pointe l’indisponibilité attendue de certains réacteurs nucléaires français. Et la nécessité de construire au minimum trois nouvelles centrales au gaz, et non deux comme le prévoit le gouvernement, pour compenser l’arrêt de cinq des sept réacteurs nucléaires belges.

Dans son «Fit for 55 package», l’Europe ambitionne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport à 1990. A cet horizon, elle ne pourra pas encore compter significativement sur l’essor des molécules vertes pour honorer ses engagements. Plus que jamais, et quelles que soient les difficultés, l’électricité sera au centre du mix énergétique futur.

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