Enchevêtrés, les segments de circuits automobiles de notre enfance nous apparaissent sous un tout autre jour. © Vue d’installation, courtesy LKFF.

Michel Tombroff et le segment d’autoroute qui a changé l’Histoire de l’art

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Dans l’expo Suburban Sublime, Michel Tombroff rend hommage à une mésaventure arrivée à Tony Smith, en 1951, dont l’impact a transformé l’art contemporain.

Pour saisir la portée de la nouvelle exposition de Michel Tombroff, il faut remonter en 1951. Cette année-là, le très culte sculpteur Tony Smith circule de nuit sur le New Jersey Turnpike, une autoroute entre Newark et New Brunswick. Après avoir loupé une sortie, l’artiste se retrouve bloqué sur une bretelle en construction. Le segment autoroutier non balisé produit sur lui une sorte d’épiphanie conceptuelle: même si ce qu’il découvre a beau ne pas être de l’art, cela l’affecte d’une façon inédite, bien plus qu’un tableau ou une sculpture attachée à reproduire la réalité ne le ferait. Il prend alors la mesure d’un réel réfractaire au cadre et à la représentation qui trouve son origine dans la modernité – on sait depuis longtemps combien les objets techniques façonnent en permanence de nouvelles connections entre l’homme et son environnement.

Quinze années plus tard, il relate cette expérience techno-architecturale dans un article de la revue Artforum qui exercera une influence majeure sur le minimalisme américain. «Les murs de l’atelier sont tombés», écrira à ce propos l’historien de l’art Jean-Marc Poinsot. Cinquante-six ans plus tard, Michel Tombroff s’empare de ces questions à la faveur de Suburban Sublime, un travail en forme d’hommage à cette épopée esthétique. Il y parvient en agençant des segments de circuits de course automobile miniatures, ready-made aussi inattendu qu’intéressant. Les tracés déployés consistent en des enchevêtrements complexes que le plasticien ramène de manière jouissive à l’échelle d’un regard. Leur assemblage qui n’est pas sans failles – rivets, torsions, niveaux en décalage ou symétries approximatives – laisse affleurer une fragilité salutaire qui fait échapper la proposition à l’autoritarisme formel des pères fondateurs de l’art minimal, eux qui souhaitaient limiter au maximum l’intervention de la main de l’artiste.

A la galerie LKFF, à Beersel, jusqu’au 18 février. Fermé du 23 décembre au 2 janvier.

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