Le duc d'Orléans visitant les malades de l'Hôtel-Dieu pendant l'épidémie de choléra, en 1832, par Alfred Johannot. © BELGAIMAGE

Le 9 avril 1832, une épidémie, déjà

Pas moins 814 décès. En un jour. Et dans la seule ville de Paris. Pharmaciens et médecins sont débordés. Mais ils ne sont pas les seuls : les menuisiers ne dorment plus. Ils manquent de temps comme de bois. Partout, les cercueils s’amoncellent. C’est pourtant là un luxe que seuls les nantis peuvent s’offrir – les autres finiront dans des sacs…

Depuis les étages, on hèle les corbillards comme, quelques semaines plus tôt, on le faisait des fiacres. Malgré tout, les professionnels de la mort ne peuvent répondre à l’entièreté des besoins. En renfort, le ministre de la Guerre a mis à disposition des fourgons d’artillerie. Il faut dire qu’on est à un pic. Dans les jours qui viennent, le nombre de victimes quotidiennes plafonnera, avant de diminuer. Reste que le bilan de cette épidémie de choléra sera lourd : plus de 18 000 victimes rien que dans la capitale française.

Tout avait commencé en Asie. Dans les années 1820, les Indes étaient touchées, ainsi que la Perse et la Syrie. A l’époque, les virus voyageaient sans se presser, au rythme lent des pèlerins revenant de La Mecque ou des navires marchands. Fin 1831, le choléra débarque en Angleterre. Selon la rumeur, il aurait déjà atteint la côte française. Mais le peuple se moque de la rumeur. Tandis que Casimir Perier, président du Conseil, impose des premières mesures de précaution, les gens rigolent. Dans les rues, les enfants se jouent du choléra. Quant au grand Jules Michelet, s’il se sent vaguement fébrile, ce n’est que parce qu’il entame la rédaction de sa magistrale Histoire de France.

Le 26 mars, pourtant, les mines se font grises. Vraiment. L’impensable se produit : Paris est touchée. Certes, les Français avaient déjà connu leurs épidémies. Mais ils croyaient que celles-ci appartenaient à des temps révolus. Médecins et hygiénistes n’avaient-ils pas juré que leurs récents progrès les tiendraient écartés de tout danger ? La maladie n’était-elle pas condamnée à ne se propager que dans les pays sous-développés ? Déjà, voilà qu’elle provoque ses premiers effets : suspicion et désunion. Pour les bourgeois, c’est une évidence : si le fléau se propage, c’est en raison de la crasse dans laquelle vivent les misérables. Les classes populaires, elles, sont persuadées que les mesures de confinement sont destinées à leur nuire. Comme si, deux ans après la Révolution de Juillet et l’accession au trône de Louis-Philippe 1er, il convenait de réduire la liberté du peuple.

Et les scientifiques ? Ils controversent. Le choléra ? Ils ne connaissent pas. Alors, ils se divisent, eux aussi. Certains défendent la thèse de la contagion et estiment que, pour lutter contre la propagation, il faut isoler les malades derrières un cordon sanitaire. D’autres soutiennent la thèse de l’infection : ils considèrent qu’il faut traiter la cause et assainir les espaces de vie. Pendant ce temps, les foyers se déplacent, provoquant une  » peur bleue  » dans tout le pays. Ce n’est qu’en 1834 que l’épidémie s’achèvera. En France, elle aura causé la mort de 102 000 personnes. Dont celle d’un certain Casimir Perier.

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