Salah Abdeslam arrêté : « On l’a eu », oui. Mais qui est « on » ?

L’arrestation de Salah Abdeslam, vivant, est une lueur d’espoir dans le cadre d’une enquête qui, depuis les attentats du 13 novembre, depuis quatre mois donc, manquait singulièrement d’éclat en dépit de la mobilisation massive de dizaines de services de police et de renseignement. L’ennemi public européen numéro un sous les verrous, il reste à espérer qu’il collabore, comme on dit, avec la justice. Révèle la trame de ses complicités, les motivations de ses complices, leurs projets…

A posteriori, l’on saura un jour tout ou presque des préparatifs et de l’exécution des attentats de Paris, cette boucherie sans nom. Pourra-t-on pour autant remonter infailliblement jusqu’à la source ? Jusqu’aux commanditaires planqués quelque part en Irak ou en Syrie, ces anciens officiers des services secrets de Saddam Hussein passés au service de l’Etat islamique, avec leurs connaissances pointues des opérations clandestines et du travail d’influence et de propagande ? D’autres formes de djihad n’auront-elles pas entretemps surgi, avec d’autres techniques, d’autres profils ?

Hélas, il faut s’y attendre si l’on accepte l’idée que l’Etat islamique (et avant lui Al Qaeda) a déclaré la guerre à l’Occident chrétien mais aussi aux entités musulmanes qui ne se rallient pas à son drapeau noir. Une guerre, ça dure. Ça connaît des épisodes aigus, des moments de latence.

Les autres ont annoncé leur projet. Reste à définir le nôtre et à s’y tenir car, au bout du compte, les plus motivés l’emporteront. En dehors de grands mots vagues, comme la laïcité ou le vivre ensemble, savons-nous vraiment qui nous sommes et à quoi nous sommes farouchement attachés ? Ce que nous sommes prêts à faire pour être à la hauteur de nos valeurs proclamées ? Beaucoup d’observateurs extérieurs, dont Gilles Kepel, ont pointé le fait qu’en Belgique, les enfants de l’immigration flottaient. A quelle identité s’adosser ? Belge, flamande, wallonne, bruxelloise ? La belgitude, faite de rien et de surréalisme, offrirait peu d’appui concret à l’amour des siens, à l’amour du pays, à la loyauté. A défaut, l’islam radical habillerait mieux ses fils et ses filles. Cette lacune doit être comblée. Le « patriotisme », à ne pas confondre avec le nationalisme, ne doit pas être une option. Sans rétablir une quelconque censure, il faut en finir avec les discours dénigrants venu des extrêmes (gauche, droite, islamiste) et trouver des vertus à notre pays, à notre société, sinon, à quoi bon les défendre ?

Les autres ont un projet beaucoup plus mobilisateur : imposer leur religion au nom de la volonté de Dieu mais pour le bien de l’humanité. Cette composante altruiste ne doit pas servir de prétexte à pactiser avec les radicaux qui se réclament, sans violence, du projet islamiste.

Le reste, effectivement, est affaire de police, de renseignement, d’armée. Parce qu’il ne faut pas se bercer d’illusion : cette guerre, asymétrique, infiltrée derrière les lignes, nos si labiles frontières, ne va pas se gagner en un an ni même en une décennie. Le monde va se reconfigurer autrement. A nous de mieux choisir nos amis, nos alliés, et de garder pour objectif la paix civile. Nous avons aussi besoin de services respectables, en qui la population a confiance et qui n’étouffent pas les lanceurs d’alerte.

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