Glatigny
© belga

Valérie Glatigny : « J’ai dû attendre 45 ans pour oser mettre ma tête sur une affiche »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Comment se fabrique un engagement? Un livre peut-il changer une vision du monde? Une rencontre peut-elle faire bifurquer un chemin politique? Une chanson peut-elle donner du sens à un combat? Chaque mois, entre parcours intime et questions de doctrine, le podcast «Le sens de sa vue» dissèque ce qui a construit l’idéal politique d’un invité.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Valérie Glatigny est ministre (MR) de l’Enseignement supérieur, de la Jeunesse, des Sports et d’une poignée d’autres choses, dont les hôpitaux universitaires. Cette agrégée en philosophie (UCLouvain) est donc à ranger parmi les fameux «neuf ministres de la Santé». Engagée par Louis Michel dans son cabinet en 2003, la philosophe est toujours modeste, presque timide, au point, dit-elle, d’avoir dû attendre ses 45 ans pour «oser mettre sa tête sur une affiche». «Il y a une forme d’arrogance, ou de confiance en soi, de se dire «je suis à mes yeux suffisamment compétent pour pouvoir porter le message d’une collectivité». C’est la raison pour laquelle je ne me serais jamais sentie en capacité de le faire avant 45 ans. Je comprends que d’autres le soient. Mais je n’ai jamais senti cette urgence…», confie-t-elle. Pourtant, sa parole s’accélère lorsqu’on évoque avec elle cet «élément de communication que nous avons peut-être raté, c’est vrai, et qui a créé de la frustration dans la population», ce slogan des «neuf ministres de la santé», à l’origine, selon beaucoup, de nombreux cafouillages. Entre la santé, les prisons, la jeunesse ou les droits des femmes, elle participe à cinq conférences interministérielles, «mais nous ne sommes pas payés plusieurs fois pour faire la même chose, et là survient la contrevérité…», signale l’Auderghemoise, dont le sens – libéral – de la vue s’aiguillonne des préceptes d’ Aristote.

SAVOIR – Michel Dupuis

L’Ethique organisationnelle dans le secteur des soins de santé, Editions Seli Arslan, 2014.

Michel Dupuis, professeur émérite de l’UClouvain, fut l’un des enseignants de Valérie Glatigny, qui a complété son agrégation par un diplôme d’études complémentaires en éthique biomédicale. L’ ouvrage de Michel Dupuis pose, entre autres, la question du libre choix des travailleurs de la santé mais aussi des patients. «Ce qui m’intéresse précisément, c’est l’articulation entre les droits de l’individu et la société au sens large. Notre liberté a une limite et l’éthique permet de penser cette articulation.» Comme ministre d’un pouvoir impécunieux, elle doit pourtant limiter les choix de certains étudiants, et aspirants étudiants. «Beaucoup étaient piégés par l’extrême flexibilité du système», insiste-t-elle, pour défendre sa réforme du fort controversé décret Paysage. «Notre objectif est qu’il y ait davantage d’étudiants diplômés.»

SCÈNE – René Magritte

L’Empire des lumières, 1953-1954.

© getty images

C’est une des séries les plus célèbres du génial Wallon, à qui Valérie Glatigny dit «avoir ressenti le besoin» de se référer pendant la crise sanitaire. La maison représentée sur les tableaux est dans l’obscurité sous un ciel de jour, n’a pas de porte visible et ses fenêtres sont closes… «J’avais ce sentiment étrange de ne plus être en connexion avec les autres durant la crise sanitaire. Cette impression d’être un peu sous une cloche. Quelque chose m’attirait. Est-ce que nous ne passons pas à côté de certains signaux?», se demande-t-elle encore aujourd’hui. La politique, comme le veut un cliché, présenterait-elle les caractéristiques du surréalisme? «Chacun dira toujours que la réalité est ce qu’il présente. Moi, je suis partisane de théories philosophiques qui formulent que plus de gens pensent quelque chose, plus il y a de chances qu’on s’approche de la vérité. La vérité existe dans la confrontation des idées. Mais plusieurs contrevérités deviennent une vérité lorsqu’elles sont assénées, et la confrontation permet de les déconstruire», répond-elle.

© belga image

SOI – Sa rencontre avec Guy Verhofstadt

2003. Les Américains envahissent l’Irak alors que Louis Michel, ministre des Affaires étrangères, recrute Valérie Glatigny, subjuguée par le Premier ministre de l’époque, qu’elle côtoiera ensuite au Parlement européen. «Ce qui m’avait frappée, c’était leur courage politique, alors que les Améri- cains jouaient sur le pathos pour convaincre de la justesse de leurs intentions.» De plus, Guy Verhofstadt a, au fil de sa carrière longue de plus de quarante ans, «pris conscience que la liberté individuelle n’était pas infinie. C’est ce parcours qui est inspirant. Je suis libérale, ça signifie que, pour moi, l’important est de gérer sa vie comme on le souhaite, mais on ne peut pas être libre tout seul. Si je veux être libre, il faut que les autres le soient.»

SON – Le bruissement des feuilles

© getty images

Peut-être parce qu’elle a trop joué de la batterie, Valérie Glatigny est «appareillée depuis plusieurs années déjà» à cause d’un déficit auditif. L’utilisation de cet appareil lui a fait «redécouvrir des sons qu’elle n’ entendait plus, en promenade avec mes chiens, dans la forêt, et j’ai eu ce sentiment de magie, liée à la technologie». C’est une possibilité de reconnexion avec la nature, et «un émerveillement devant ce que la technique peut procurer: je n’ai jamais souffert dans la vie, alors que je souffre de ce déficit d’audition», ajoute-t-elle.

SUITE – Frank Vandenbroucke

Ministre de la Santé publique.

Le ministre de la Santé le plus important des neuf a, évidemment, beaucoup marqué Valérie Glatigny, avec qui elle a trouvé un accord autour des numéros Inami. Est-il un adversaire? «Non, il a été un partenaire, même si nous ne partageons pas les mêmes orientations. Lors des négociations Inami et de toutes nos rencontres, j’ai découvert une personne sensible aux arguments rationnels», assure-t-elle, y voyant là une distinction entre les personnalités politiques crédibles et les autres. Crédibles, ou simplement honnêtes. «Un adversaire crédible jouera avec les mêmes règles que vous, celles de l’ argumentation. Certaines choses ne sont pas acceptables et on les retrouve dans certaines formations politiques, comme rapporter des propos de manière parcellaire. C’est une manipulation du message, un dévoiement des règles de l’argumentation, de la même manière que répéter une contrevérité n’en fait pas une vérité. On fait le pari que les électeurs détecteront le fait que ces partis ne respectent pas la rationalité», conclut-elle.

© photo news

Retrouvez notre podcast « Le sens de sa vue » sur les plateformes d’écoute et sur levif.be/podcasts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire