Sander Loones, député N-VA. © ID/ Christophe De Muynck

Sander Loones: « Si j’ai visé Sarah Schlitz, c’est parce qu’elle a menti » (interview)

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Sous le feu des projecteurs, Sander Loones (N-VA) a provoqué la démission de Sarah Schlitz. L’épisode, dit-il pourtant, ne le réjouit pas particulièrement.

S’exposer dans les médias n’est pas ce que préfère Sander Loones. Le député d’opposition N-VA, éphémère ministre de la Défense au crépuscule de la coalition suédoise, aura pourtant été servi ces derniers jours. Le Furnois aime s’exprimer en français. Certainement lorsqu’il s’agit de revenir sur les manquements qui ont mené à la chute de Sarah Schlitz.

Vous êtes présenté comme celui qui a obtenu la tête de Sarah Schlitz. Quelle a été votre réaction suite à sa démission?

Ce n’est jamais une bonne nouvelle. Les citoyens exigent de nous des standards élevés que nous devons respecter, voire élever encore. Ne pas y parvenir n’est pas bon pour la politique. En tête de la liste des standards figure de ne pas mentir au Parlement. C’est la base. Or, c’est ce qui a posé problème. Madame Schlitz n’a pas dû démissionner à cause d’un logo. Le problème avait été réglé par la Commission de contrôle des dépenses électorales. Après, des journalistes ont fait un travail d’investigation en démontrant ces mensonges. Ce n’est donc pas une bonne nouvelle, mais c’était la seule façon de conclure l’épisode.

On pourrait penser que, pour vous, cette démission représente une victoire…

La nature même de la politique est de ne pas être d’accord, mais de façon correcte. Cela signifie avoir un débat d’idées, effectuer son travail parlementaire, rechercher des majorités, conclure des accords, etc. C’est notre job. Ici, elle n’a pas respecté les règles du jeu.

Sarah Schlitz aurait été ciblée parce qu’elle incarne ce que vous n’aimez pas: une féministe, une militante «woke». C’est du moins une idée qui circule. Reconnaissez-vous cette opposition entre ce qu’elle et vous représentez?

Absolument, nos visions sociétales sont opposées. Une secrétaire d’Etat garante de la non-discrimination mais qui ne parle pas correctement la langue de la majorité des habitants du pays, cela nous pose un problème fondamental. Mais ce n’est pas pour ça que je l’ai visée, c’est parce qu’elle a menti. J’aimerais dire deux choses. D’une part, peu de collègues parlementaires sont montés aux barricades pour la défendre. C’est un signal important. Chacun se rend compte qu’il existe une règle fondamentale: on ne ment pas. D’autre part, je trouve qu’il y a eu un manque de responsabilité chez Ecolo. La DH Les Sports a démontré qu’Ecolo était au courant dès octobre que des choses incorrectes sur le plan déontologique se déroulaient dans son cabinet. Ils n’ont pas pris de mesures au cabinet, ni épaulé clairement – me semble-t-il – Sarah Schlitz dans sa communication, qui fut désastreuse. Pour ma part, il y a une vraie responsabilité du parti. Dans notre démocratie, c’est aussi le rôle des partis d’assister les gens dans leurs fonctions exécutives et de les corriger quand c’est nécessaire.

Peu de parlementaires sont montés aux barricades pour la défendre. C’est un signal important.

Sander Loones

Des ministres et secrétaires d’Etat de la N-VA ont aussi été épinglés pour de fâcheuses affaires. Est-ce cette gestion par le parti qui a fait la différence?

On peut toujours essayer de comparer. Certaines choses sont d’ailleurs comparables, y compris pour des sanctions infligées pour l’utilisation de logos. Mais la comparaison s’arrête au moment où Madame Schlitz rechigne à s’excuser et ment au Parlement. Les parlementaires sont unanimes pour dire qu’il ne faut pas mentir et les journalistes ont fait leur boulot. Le pouvoir a besoin de contre-pouvoirs, la démocratie a besoin de transparence, chacun a fait son job.

Votre vision de la société est opposée à celle des écologistes. Bart De Wever, président de la N-VA, a publié un livre pour s’attaquer au wokisme, que peut incarner Sarah Schlitz. Y voyez-vous un problème? Un danger?

J’aime parler des dossiers que je gère, je ne fais pas partie des politiques ayant une opinion sur tout. Cela étant, je pointerais trois différences fondamentales entre Ecolo et nous, la N-VA. Premièrement, le débat budgétaire. Il faut évidemment investir pour moderniser l’économie, mais pas sans se rendre compte que notre budget est le pire d’Europe. Si on n’y met pas de l’ordre maintenant, les problèmes seront énormes dans le futur. Deuxièmement, le débat énergétique. Notre société sera toujours plus électrifiée, nous avons besoin du nucléaire pour notre sécurité d’approvisionnement et pour maintenir un prix abordable. C’est un deuxième désaccord fondamental. Troisièmement, le débat sociétal. Pour la N-VA, nous formons une société, inclusive. Je ne veux pas d’une société dans laquelle tout le monde a son propre petit groupe. Ce n’est pas incluant mais excluant. Je n’ai pas traité Sarah Schlitz comme secrétaire d’Etat féminine mais comme secrétaire d’Etat responsable politiquement. On ne regarde pas la couleur de peau, l’apparence, l’histoire des gens, leur genre, mais ce que chacun peut faire et apporter pour le futur.

Le Vlaams Belang divise et catégorise la population. Existe-t-il là aussi un danger de division?

Absolument.

Comparable à la vision du monde défendue par les écologistes?

Pour être très clair, je ne compare pas les deux. Je ne les mets pas dans le même sac. Mais chaque politique qui divise est l’inverse de ce qu’il nous faut. C’est une différence entre le Vlaams Belang et nous, sur laquelle je veux insister. Nous défendons un nationalisme très inclusif, ouvert au monde. Tout le monde peut être flamand et prendre part à notre société. Le nationalisme du Vlaams Belang, lui, est excluant. Notre parti n’a rien à voir avec l’extrême droite. C’est même ce qu’a officiellement déclaré Sarah Schlitz à propos de mon travail parlementaire. Il est important que les francophones entendent cela aussi.

Après avoir levé le lièvre qui a conduit à la démission de la secrétaire d’Etat au Budget Eva De Bleeker (Open VLD), vous êtes désormais associé à la démission de Sarah Schlitz. Vous marquez des points, au sein de la N-VA?

Sur Eva De Bleeker, je rappelle que je n’ai jamais demandé sa démission, au contraire. Ce n’est pas elle mais Alexander De Croo qui, selon moi, devait démissionner. C’est lui qui l’a fait virer. Pour le reste, j’essaie de faire mon boulot, j’exécute mon travail de contrôle du gouvernement, comme beaucoup de mes collègues. En même temps, il est vrai qu’on a un rendez-vous avec l’histoire en 2024. C’est le delivery time pour notre parti.

Le rendez-vous avec l’histoire, la N-VA ne l’a-t-elle pas annoncé à chaque scrutin?

La trajectoire a débuté en 2010-2011. Le gouvernement Di Rupo menait une politique antiflamande. C’était aux Flamands de payer la facture. La première étape de la stratégie était de le démontrer. Après, nous avons travaillé avec succès sous le gouvernement Michel: diminution des taxes, baisse de la dette, augmentation du pouvoir d’achat. C’était la deuxième étape. La troisième étape consistait à ne pas juste faire une politique à la flamande au fédéral mais en Flandre, avec beaucoup plus de compétences. Le problème, dans ce pays, est l’existence de deux visions démocratiques différentes. La suédoise posait problème démocratiquement: c’était un gouvernement de centre-droit, alors que la Wallonie attendait un gouvernement de gauche. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le gouvernement mène une politique de gauche ou centre-gauche, qui ne correspond pas aux attentes en Flandre. Je ne comprends pas pourquoi on ne donne pas aux gens ce qu’ils veulent. Donnez des compétences à la Wallonie, comme ça les gens auront leur gouvernement de gauche et ne seront plus embêtés par ces «sacrés Flamands de droite».

Vous vendez votre vision du confédéralisme, façon N-VA, aux francophones, là?

Mais c’est la vérité. Pourquoi les francophones ont-ils besoin d’un ministre de l’Intérieur, des Pensions ou encore de la Justice flamands? Vous pouvez le faire vous-mêmes, vous en avez toutes les capacités. Cela correspondrait aux attentes des électeurs, au nord et au sud. Les unes ne sont pas meilleures que les autres. Les opinions sont juste différentes.

Quel est le socle commun au fédéral?

Nous ne défendons pas la scission mais le confédéralisme. Il y aurait encore un pays, avec des compétences, une vraie solidarité, une responsabilité envers l’Europe, mais surtout un modèle qui permet de prendre ses responsabilités. Personne n’est jamais perdant en prenant ses responsabilités. Vous savez, je suis même jaloux, la Wallonie a tout ce qui manque à la Flandre: plein d’espace libre, un modèle économique qui n’est pas encore bétonné, l’opportunité d’encore créer un vrai réseau économique. En plus, vous avez beaucoup de gens à activer, ce qui ne doit pas forcément être perçu comme négatif.

Vous évoquez la Wallonie mais peu la Région bruxelloise…

Bien sûr que nous avons un projet. Une simplification de Bruxelles, avec une fusion des 19 communes et des zones de police, un renforcement avec beaucoup plus de compétences pour Bruxelles, sur tout ce qui est territorialisable (énergie, économie, finance, etc.). Troisièmement, Bruxelles doit être une vraie capitale, dans laquelle les deux grandes communautés prennent leurs responsabilités.

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