Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux : Ventilus, la bombe sous l’éolien en mer du Nord (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Sans Ventilus, impossible d’acheminer sur la terre ferme l’électricité fournie par les éoliennes en mer. Or, la future ligne électrique suscite de vives tensions en Flandre occidentale où la voie aérienne, la moins coûteuse et la plus rapide à aménager, est rejetée par les populations exposées qui exigent son enfouissement. Dossier politiquement explosif.

Tic-tac, tic-tac… Et une bombe à retardement, une de plus, à désamorcer sans tarder. La charge explosive répond au doux nom de Ventilus, elle est tout entière contenue dans 82 kilomètres de ligne électrique à haute tension qu’il s’agit de tirer de Zeebruges à Avelgem, près d’Audenarde. Liaison vitale pour acheminer l’électricité verte fournie par les éoliennes plantées en mer du Nord. Sans elle, pas de courant pour envisager à terme une indépendance énergétique et assurer le futur industriel de la Flandre. Sans elle, pas de jus pour alimenter l’union portuaire Zeebruges-Anvers dans ses ambitions de devenir un hub européen dédié à l’hydrogène vert. Sans elle, à quoi bon tripler, d’ici à 2030, les capacités de production en éolien offshore, comme l’a décidé le gouvernement fédéral, si c’est pour déboucher, une fois sur la terre ferme, sur une voie sans issue?

En l’air ou sous terre? Telle est la question qui électrise et survolte.

En l’air ou sous terre? Telle est la question qui électrise et survolte. Qui pousse le patronat flamand, mobilisé par le Voka, à exhorter les décideurs politiques à enfin décider et à tuer ainsi dans l’œuf la guerre de tranchées qui couve en Flandre-Occidentale. C’est là où la tension monte, où la résistance s’organise parmi ces populations semi-rurales potentiellement exposées, qui craignent pour leur santé, celle du bétail et la beauté du paysage champêtre, et qui n’imaginent pas cette ligne à haute tension ailleurs qu’ enfouie plusieurs pieds sous terre.

Le hic, c’est que l’option souterraine n’a la cote ni chez le gestionnaire du réseau Elia, ni chez les experts, ni dans le secteur de l’entreprise, qui lui préfèrent résolument la voie aérienne. Parce que nettement moins coûteuse (1,2 milliard l’installation au lieu de six milliards), plus robuste et cinq fois plus rapide à mettre en œuvre, donc annonciatrice d’une électricité plus rentable.

Le sujet qui fâche enquiquine aussi le gouvernement Jambon (N-VA – CD&V – Open VLD) divisé sur la question. Là où le chef de file de l’ Open VLD, Bart Somers, déclare sa flamme pour la solution aérienne, son alter ego au CD&V, Hilde Crevits, prône l’alternative souterraine, poussée dans le dos par cette Flandre-Occidentale fertile en bourgmestres au CD&V prêts à prendre fait et cause pour leurs administrés, qui sont également leurs électeurs. En plein bras de fer à propos de l’exécution d’un «stikstofakkoord» antipollution qui fait trembler «son» monde agricole, le CD&V ne peut se permettre une autre capitulation en rase campagne.

Avant d’en faire une question gouvernementale, «avant l’été» assure-t-elle, Zuhal Demir (N-VA), en charge de l’Environnement, affirme qu’entre les deux options son cœur balance toujours et que pour l’heure elle s’informe, cherche à démêler l’info de l’intox. Et jette au passage un œil intéressé par-delà la frontière linguistique, jusqu’à prendre langue avec ses collègues wallons aux prises avec leur Ventilus baptisé «Boucle du Hainaut» ou l’équivalent de 85 kilomètres d’une ligne qui doit relier Avelgem à Courcelles. Même enjeu, même dilemme, même impasse, et même détermination dans le chef des riverains wallons sur la même longueur d’onde que leurs homologues flamands: ce sera l’enfouissement de la ligne ou la bataille juridique, une guerre d’usure. Une tempête électrique.

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