Où vont les subsides de Christie Morreale? Vers les grandes villes (et Liège), surtout
La plus grande part de subsides facultatifs accordés par Christie Morreale (PS) au cours de la mandature s’est dirigée vers des bénéficiaires de la région liégeoise.
Ministre wallonne de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Economie sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes, Christie Morreale habite à Esneux dans l’arrondissement de Liège, en province de Liège.
Depuis le début de la législature, elle a décerné 1.478 subsides ou tranches de subsides facultatifs (1), pour un montant de 52.860.429,1 euros.
Pour cette analyse, afin de pouvoir décrypter la répartition géographique des subsides, ceux-ci ont été divisés en deux catégories:
- Ceux accordés à un bénéficiaire dont l’action n’a pas de barrière géographique (la Ligue des Familles ou à l’ASBL Lire et Ecrire, par exemple). Ces derniers représentent 43,2% des subsides octroyés pour un montant de 22,9 millions d’euros.
- Ceux qui bénéficient à un récipiendaire dont l’action se situe sur une commune particulière, éventuellement avec ses environs (par exemple, un subside de 5000€ à l’ASBL Kin’porte le projet, organisatrice du Feel Good Festival à Aywaille). Ces derniers représentent 56,8% de la somme totale, soit 30 millions d’euros. Les explications ci-dessous ne portent que sur cette catégorie.
Où vont les subsides accordés par Christie Morreale? Surtout à Liège et Namur
Du point de vue géographique, la ministre a accordé 30,42% de ses subsides ou tranches de subsides à la circonscription de l’arrondissement de Liège, qui est également sa circonscription électorale. Cela représente un montant de 9,7 millions d’euros, soit 32,4% du montant total octroyé.
Et en particulier à des bénéficiaires situés sur les communes de:
- Liège (7,2 millions)
- Seraing (853.822 euros)
- Herstal (590.629 euros).
Par ailleurs, la proportion de subsides par habitant est la plus élevée dans les communes de Liège (36,78 euros/habitant), Herstal (14,59 euros) et Seraing (13,36 euros).
La dimension de centralité de Liège et de sa région urbaine expliquent sans doute en grande partie cette réalité, pour une ministre dont de nombreux subsides portent sur la thématique de l’action sociale.
« Les ministres sont tributaires des demandes de subventions facultatives qui leur sont adressées. Ce sont donc les demandes reçues et leur qualité qui déterminent leur répartition », explique son cabinet. « En l’espèce, depuis le début de la législature, on constate que c’est l’arrondissement de Namur, qui n’est pas celui de la Ministre Morreale, qui reçoit le plus de subventions facultatives. » Du moins, si on n’en retire pas, dans l’analyse des chiffres, des subventions à des bénéficiaires qui n’ont rien de « namurois » à proprement parler, comme l’Union des villes et communes, l’ASBL Lire et Ecrire en Wallonie, etc.
Les procédures d’octroi de subvention sont strictement encadrés, argumente-t-elle encore. Et ces aides financières sont souvent en place depuis des années, sans quoi les activités-mêmes de nombreux bénéficiaires pourraient être menacées.
A titre de comparaison
- 13,2% de ses subsides se sont dirigés vers la circonscription de Namur
- 11% vers celle de Charleroi-Thuin
- 10,5% vers celle de Verviers
- 9,4% vers celle de la province de Luxembourg
- 6% vers celle de Mons
- 6% vers celle de Nivelles
- 3,6% vers celle de Soignies-La Louvière
- 3% vers celle de Dinant-Philippeville
- 3% vers celle de Tournai-Ath-Mouscron
- 1,5% vers celle de Huy-Waremme.
Toutes circonscriptions confondues, les trois communes dont les bénéficiaires récoltent le plus de subsides sont Liège (7,2 millions d’euros), Namur (3,1 millions) et Verviers (2,7 millions).
Par ailleurs, les trois communes dont les bénéficiaires récoltent le plus de subsides par habitant sont Martelange (102,02 €/hab), Hotton (80,61 €/hab) et Sainte-Ode (64,79 €/hab). Cela s’explique notamment par le nombre moins important d’habitants dans ces entités : une subvention y aura nécessairement plus d’impact par habitant. Ensuite, ces communes abritent des bénéficiaires de subventions pour des « ILI », les initiatives locales d’intégration (lire ci-dessous).
Suite de l’article après l’infographie
A quelle couleur politique bénéficient les subsides accordés par Christie Morreale ? Assez logiquement à des communes socialistes
D’un point de vue politique, la ministre a accordé 746 subsides ou tranches de subsides à des récipiendaires basés dans des communes dont le/la bourgmestre est membre de son parti, le PS. Cela représente un montant de 19,6 millions d'euros, soit 37,1% du montant total. Et en particulier à des bénéficiaires situés sur les communes de
- Liège (7,2 millions)
- Verviers (2,7 millions)
- Charleroi (2,7 millions).
Ce n’est pas tout à fait une surprise. Les bourgmestres étiquetés PS ne sont pas majoritaires dans l’ensemble des communes wallonnes (28,6%), mais les subventions de Christie Morreale se concentrent beaucoup sur les grandes villes (Liège, Verviers, Charleroi, Mons, Seraing, La Louvière, Herstal, etc.), dont les bourgmestres sont socialistes. Seules Namur et Hotton (Les Engagés) font exception, dans les dix communes les plus subsidiées.
Elle a par ailleurs attribué 30 subventions à des associations liées à son parti. Cela représente un montant de 481.494 euros. Il s’agit, par exemple, de trois subsides de 65000€ à Présence et Action culturelles (PAC) ou d’un subside de 10000€ aux Femmes prévoyantes socialistes (FPS) Mons-Borinage. En comparaison, elle n’a en pas attribué à des organisations liées à d’autres partis.
Confessionnel: quel "pilier" décroche le plus de subsides?
D’un point de vue confessionnel, la ministre a attribué 11 subsides au monde laïque, pour 99 000 euros, ce qui reste anecdotique par rapport aux montants totaux. Il s’agit par exemple de trois subsides pour la Maison de la Laïcité de La Louvière.
Les "chouchous" de la ministres: de nombreuses "ILI" subsidiées
Le constat saute aux yeux, lorsqu’on décortique le cadastre des subsides accordés par Christie Morreale : de nombreuses aides sont accordées aux initiatives locales d’intégration (ILI) et à des modules d’apprentissage du français.
Les ILI s’inscrivent dans le cadre du parcours d’intégration destiné aux primo-arrivants instauré par la Wallonie en 2014. « Celui-ci comprend un programme combinant l’apprentissage du français, une initiation à la citoyenneté, l’orientation socioprofessionnelle, la formation et la participation sociale des migrants », explique son cabinet.
Quelque 58 structures, qu’il s’agisse d’ASBL ou encore de pouvoirs locaux, sont agréées et 200 sont soutenues à travers des appels à projets. Pour ces dernières, l’octroi de subventions et les montants sont validés et guidés par un comité d’avis au sein des centres régionaux d’intégration, en fonction des activités prévues et des bénéficiaires concernés par les initiatives, indique la ministre.
La province de Luxembourg, par exemple, compte onze centres pour demandeurs d’asile, qui font partie du public cible. Ceci explique pourquoi les ILI y sont relativement nombreuses, qu’elles soient menées par des opérateurs agréés ou sous forme d’appels à projet.
Le subside surprenant: la jeunesse de sa commune subsidiée
La curiosité, sans suspicion aucune, pousse à jeter un œil aux subsides accordés dans la commune de la ministre, à savoir celle d’Esneux. On n’y trouve vraiment pas grand-chose, à vrai dire, et les Esneutois ne peuvent a priori pas se targuer d’avoir été démesurément arrosés par « leur » ministre.
Néanmoins, une subvention de 4 000 euros a été accordée à la Jeunesse d’Esneux-Tilff. C’est loin d’être mirobolant, mais très peu d’autres associations de jeunesse se retrouvent parmi les bénéficiaires.
Il s’agit, explique-t-on auprès de la ministre, d’une aide pour un projet intitulé « Esneux Street Arts », qui a « consisté à organiser un festival des arts urbains destiné aux plus jeunes. L’objectif était de démystifier ces pratiques en vue de rassembler la population autour de valeurs telles que la solidarité, l’entraide, le respect des différences… En 2021, le festival a également agi dans la réduction des risques. Ainsi, des services de prévention ont été sollicités, tels que la Teignouse, le Planning familial d’Ourthe Amblève, afin de sensibiliser les jeunes à l’Education à la Vie Relationnelle, Affective & Sexuelle, au harcèlement de rue, etc. »
En bref, résume le cabinet, c’est bien l’objet de l’événement qui a joué et non sa localisation, puisqu’il colle aux compétences « relatives à l’égalité des chances notamment ».
(1) Par opposition aux nominatives et aux obligatoires, une subvention facultative est, juridiquement, une dépense qui n’est pas réglée par une loi (ou, ici, un décret) mais par un arrêté. Mais ces subventions ne sont pas distribuées par des ministres sans foi ni loi : elles sont encadrées par de nombreuses dispositions légales, qui limitent fortement la liberté du signataire. Il s’agit cependant incontestablement de la catégorie de subventions qui laisse le plus de marge à un mandataire politique pour orienter rapidement, et selon ses préférences, une partie des flux d’argent public sur lesquels il peut exercer un certain contrôle.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici