Les positions de Paul Magnette (PS) et de Conner Rousseau (Vooruit) sont-elles réellement irréconciliables, comme le prétend Georges-Louis Bouchez (MR)?

Le divorce entre le PS et Vooruit est-il consommé ? « On surdimensionne la nouveauté du propos de Conner Rousseau »

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les festivités du 1er mai et le débat sur la limitation des allocations de chômage ont remis au jour les divergences d’opinion entre le PS et Vooruit. Si elles semblent grandissantes, ces discordances ne sont pour autant pas neuves au sein de la famille socialiste.

La famille socialiste n’existe plus ». Sur le plateau de l’émission De Zevende Dag, dimanche, le président du MR Georges-Louis Bouchez a enterré les liens fraternels qui unissent PS et Vooruit depuis une quarantaine d’années. Aux yeux du chef de file libéral, la fracture entre les deux partis est profonde et leurs visions, irréconciliables : les socialistes flamands se laisseraient désormais mener par Bart De Wever (N-VA), alors que leurs homologues francophones n’auraient d’yeux que pour Raoul Hedebouw (PTB).

Bien que manichéenne, l’analyse du Montois puise sa source dans les récentes déclarations de Conner Rousseau sur les questions d’emploi, notamment. En proposant de supprimer les allocations de chômage aux citoyens qui refusent un job de base après deux ans d’inactivité, le président de Vooruit a suscité une véritable levée de boucliers dans les rangs du PS. Ahmed Laaouej, président de la fédération bruxelloise du parti, a rapidement taxé la proposition de Rousseau de « politique de droite », avant d’encore enfoncer le clou en des termes à peine voilés lors de son traditionnel discours du 1er mai.

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Si le président Paul Magnette est resté davantage dans la réserve, répercutant plutôt sa réprobation sur le Premier ministre que sur son homologue flamand, il a tout de même balayé d’un revers de main l’idée de Vooruit qu’il juge « injuste » et « inefficace ».

Des divergences historiques

Si les frictions entre les deux partis frères sont tangibles, elles ne datent pas d’hier, rappelle Pascal Delwit, politologue à l’ULB. « Dans l’histoire du socialisme belge, depuis sa naissance en 1885, il y a toujours eu des nuances et des sensibilités légèrement différentes entre le spectre francophone et néerlandophone, et parfois au sein du spectre francophone lui-même entre socialistes bruxellois et wallons », observe l’expert.

Depuis la scission du parti socialiste belge en 1978, les visions du PS et de l’ancien sp.a ont évolué indépendamment. Côté wallon, le positionnement s’est raffermi à gauche, tandis qu’il est resté plus modéré côté flamand, en raison d’un contexte politique différent et, surtout, d’une sociologie électorale différente, décrypte Pascal Delwit. Au nord du pays, le sp.a s’est progressivement détaché de ses lieux d’implantation traditionnels, à l’instar du monde ouvrier d’Anvers, et s’est plutôt transformé en un parti des « nouvelles classes moyennes salariées ». Les lieux d’implantation du PS, eux, restent principalement ancrés dans le bassin borain, le bassin de Charleroi ou l’arrondissement de Liège. « La question sociale reste donc logiquement le marqueur principal du discours du PS, comme on l’a encore vu dans les propos de Paul Magnette le 1er mai, alors que les dirigeants du socialisme flamand ne capitalisent plus forcément sur ces valeurs », analyse le politologue.

« Pas de véritable rupture »

Pour Pascal Delwit, Conner Rousseau s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs : malgré un changement de nom, l’arrivée du Saint-Niclausien aux commandes de Vooruit en 2019 n’a pas fondamentalement révolutionné l’idéologie du parti. « On surdimensionne la nouveauté du propos de Conner Rousseau », estime le politologue, qui rappelle que l’actuel ministre de la Santé Frank Vandenbroucke avait déjà évoqué l’idée d’une limitation des allocations de chômage il y a une vingtaine d’années . « Les présidents Karel Van Miert dans les années 80, ou même Bruno Tobback plus récemment, n’ont eux non plus jamais tenu des discours très marqués à gauche sur les questions sociales », insiste encore le politologue. « Si chaque président de parti a apporté se tonalité ces vingt dernières années, on n’a jamais observé de véritable rupture. »

« La question sociale reste le marqueur principal du discours du PS »

Cela étant, placé au pied du mur après des résultats historiquement bas en 2019, Conner Rousseau a dû user d’inventivité pour ambitionner un rebond électoral. Cette stratégie est notamment passée par une forme d’hyperpersonnalisation du leader socialiste, avec une certaine mise à l’arrière-fond du parti, avance Pascal Delwit. « Cette sorte de ‘présidentialisation’ reste moins affirmée chez Paul Magnette ». Dans une volonté de se réapproprier un électorat populaire qui s’est récemment réfugié dans un vote N-VA, voire Vlaams Belang, Conner Rousseau a également essayé de donner des gages sur les thématiques « ethnocentristes » et moins « universalistes ». « On se souvient notamment de ses sorties hasardeuses sur Molenbeek, mais aussi sur son envie de mieux voir récompenser le « travail » par rapport aux allocataires sociaux », pointe Pascal Delwit.

Des prises de position qui, logiquement, crispent le PS. Mais qui ne devraient pas précipiter le divorce de deux partis frères, qui continuent de partager de nombreuses valeurs communes.

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