Alexander De Croo a suscité l'ire des écologistes avec ses déclarations © belga

La « pause » De Croo sur le climat: comment la sortie du Premier ministre pourrait relancer les écologistes

Oubliée la casquette de Premier ministre, enfilée la casquette de leader de l’Open Vld. Alexander De Croo ne veut plus de nouvelles lois européennes pour lutter contre le réchauffement climatique. Sa courbette électorale pourrait bien relancer le camp écologiste, à un an des élections. Analyse avec Vincent Lefebve, politologue au sein du Crisp.

Alexander De Croo se met les écologistes à dos, en poignardant le cœur de leur combat politique, le climat. Dans l’émission politique Terzake de la VRT, le Premier ministre a dit souhaiter une pause dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’Union européenne imposerait trop de normes et se donnerait trop d’objectifs, compliquant l’équilibre – certes difficile à trouver – entre économie et environnement. Autant se concentrer sur les objectifs de réduction des émissions de CO2, clame-t-il en substance.

A priori, sa déclaration n’est pas une surprise. Elle suit celles d’Emmanuel Macron, le président français, et de Zuhal Demir (N-VA), la ministre flamande de l’Environnement. Ce qui est plus surprenant, c’est que le chef d’orchestre de la coalition Vivaldi enlève sa casquette de Premier ministre pour revêtir celle de leader de son parti, l’Open Vld. « Alexander De Croo est censé parler au nom de son gouvernement », lance Vincent Lefebve, membre du Crisp et auteur d’un courrier hebdomadaire à paraitre sur la difficulté d’implémenter des mesures climatiques au niveau belge. « Le problème est qu’on a jamais eu une coalition de partis aussi large (l’attelage Vivaldi en compte sept, NDLR) et que les deux formations écologistes en sont membres. Plusieurs élus se sont d’ailleurs désolidarisés des propos de leur Premier ministre ».

Les propos de De Croo sur le climat, « hallucinants » et « scandaleux » selon les écologistes

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Sur Twitter, le libéral a fait face à un torrent de réactions de la part du camp écologiste, qui a sorti les boucliers. Le double duo présidentiel Groen-Ecolo et la ministre fédérale du Climat Zakia Khattabi ont exprimé leur indignation, rappelant au passage qu’Alexander De Croo avait fait des déclarations contraires à la position de son gouvernement. « Ce n’est en effet pas la position de la Belgique, tant au niveau européen qu’international, rappelle Vincent Lefebve. Lors de la COP15 sur la biodiversité qui s’est déroulée à Montréal en décembre dernier, à laquelle la Belgique a participé, un accord important a été obtenu ». Mais, et c’est là que le bât blesse, la politique environnementale est partagée entre le fédéral et les régions dans notre système politique. « Il devient alors difficile de défendre d’une seule voix l’environnement à l’internationale », note le chercheur du Crisp.

La loi européenne qui sème le vent, et récolte la tempête

Si plusieurs personnalités politiques ont pris position publiquement contre de nouvelles mesures environnementales, c’est à cause de la loi sur la restauration de la nature, actuellement discutée en haut lieu européen. Une loi reprise dans le package du Pacte Vert de l’Union, que certains ont du mal à avaler. En Belgique, Alexander De Croo comme Zuhal Demir défendent une ligne ‘climato-rassuriste’, précise Vincent Lefebve. « Ils ne s’opposent pas aux mesures environnementales, mais, à leurs yeux, celles-ci ne doivent pas porter atteinte à l’industrie et à l’économie ».

Partant de ce discours, le Premier ministre opère une distinction entre la réduction des émissions de CO2 d’une part, et la préservation de la biodiversité d’autre part. Une erreur grossière selon les formations écologistes, qui peut s’expliquer d’abord par le contexte économique actuel. « Certains ont peur que de nouvelles mesures entament la compétitivité des entreprises à court terme, note le chercheur. D’autant plus avec l’inflation observée dernièrement. Le problème, c’est que le Green Deal soutient une transition écologique sur le long terme ».

Les écologistes profitent de cette sortie pour rappeler l’urgence climatique, qui est au cœur de leur engagement politique

Vincent Lefebve, politologue au sein du Crisp

Deuxième explication à la sortie controversée d’Alexander De Croo sur le climat : l’influence des prochaines élections sur la politique intérieure de la Belgique. « L’Open Vld, qui faiblit dans les sondages, entend se repositionner sur la carte électorale. En tant que parti de droite, il réaffirme son soutien au secteur économique et aux agriculteurs. Ces derniers pèsent beaucoup en Flandre, on l’a vu dans le dossier azote ». De ce point de vue, la loi sur la restauration de la nature pourrait être une menace pour un secteur agricole déjà en difficulté. « Si on restaure des écosystèmes, il peut y avoir moins de surface terrestre disponible pour les agriculteurs. Ajoutez à cela l’interdiction de certains produits qu’ils utilisent et vous comprenez qu’une telle loi peut être lourde pour les agriculteurs ».

Les écologistes, prêts à quitter le gouvernement ?

Au micro de LN24, la ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo) a conspué à son tour la prise de position d’Alexander De Croo, assimilant selon elle le climat à une série Netflix qu’on pourrait mettre sur pause à tout moment. « Les écologistes profitent de cette sortie pour rappeler l’urgence climatique, qui est au cœur de leur engagement politique, indique Vincent Lefebve ». Selon le politologue, les propos du Premier ministre pourraient avantager les Verts en vue du prochain scrutin. « Cela leur permet de revenir sur certains fondamentaux pour montrer la nécessité de leur présence au sein des gouvernements ».

L’intervention d’Alexander De Croo devrait faire l’objet de discussions animées dans les prochains jours au sein des différents attelages gouvernementaux, à tous les niveaux de pouvoir. De quoi augurer un départ des écologistes de la carriole fédérale ? Rien n’est moins sûr, à moins que les Verts ne décident de mettre leur participation gouvernementale sur pause.

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