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En 40 ans, deux tiers des fermes ont disparu

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Le monde agricole s’adapte à de constants changements: mécanisation accrue, climat en vrille, diminution de la main-d’œuvre familiale, intérêt pour le bio… Le pays compte malgré tout de moins en moins de fermes. 2.11.0.0 2.11.0.0

Les champs ne vivent pas sous cloche: il n’y a donc aucune raison pour que l’agriculture et les fermes échappent aux évolutions sociétales. Comme dans toute l’économie, on a assisté à un fort mouvement de concentration, avec une montée en puissance des fermes qui restaient en activité, jointe à une impressionnante diminution du nombre d’exploitations. En 1983, la Belgique comptait 106 992 fermes, dont deux bons tiers en Flandre. En 2021, on n’en recensait plus que 36 012, dont 12 728 en Région wallonne et 23 284 en Flandre. En quarante ans, le pays a donc perdu 66% de ses fermes.

Parallèlement, les «survivantes» ont grandi: depuis les années 1980, la superficie moyenne par exploitation a triplé, pour atteindre 38 hectares (ha) en 2021. C’est surtout le cas en Flandre, où les fermes sont généralement de moins grande envergure: la taille moyenne y est passée de 8,4 ha en 1980 à 26,7 ha en 2019. Dans le même intervalle, en Wallonie, elle a évolué de 20,7 ha à 57,6 ha.

Les exploitations les pl us imposantes, soit les 6 122 structures actuelles qui disposent d’une surface agricole supérieure à cent hectares, sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses. En 2021, elles représentaient 17% de l’ensemble des fermes (contre 2% dans les années 1990). A l’autre bout de l’échelle, on ne compte plus qu’un tiers de fermes exploitant moins de 25 ha, alors qu’elles pesaient 60% dans les années 1990. En cause, le manque de repreneurs pour ces petites infrastructures et les difficultés à affronter pour survivre dans un environnement économiquement très rude. Chaque fois qu’un «petit» agriculteur met la clé sous le paillasson, ses terres sont reprises par de plus grandes exploitations, qui consolident ainsi leur périmètre d’activités.

A l’échelle du pays, la surface agricole exploitée a quelque peu rétréci depuis 1983, passant de 1 399 700 ha à 1 368 315 ha.

L’emploi trinque

Conséquence logique de la disparition de deux tiers des fermes, le volume d’emploi dans le secteur s’est fortement racrapoté. En 1980, 185 134 personnes exerçaient une activité agricole ou horticole en Belgique, dont 124 658 en Flandre et 60 141 en Wallonie. Quarante ans plus tard, elles n’étaient plus qu’environ 68 000, avec une proportion stable de travailleurs au nord et au sud du pays.

Le volume de l’emploi dans le secteur agricole a donc fondu de 63,3%. Ceux qui restent à la barre vieillissent. Alors que les agriculteurs de plus de 55 ans représentaient 40% des professionnels du secteur en 2000, ils sont aujourd’hui près de 55% dans le cas. On observe également une augmentation du personnel employé par exploitation: de 1,63 pour l’ensemble de la Belgique en 1980 à près de deux dans les années 2020. A vrai dire, c’est surtout la main-d’œuvre familiale qui a marqué le pas: si, en 1980, la quasi- totalité (96%) des forces vives provenaient du cercle familial, la proportion n’est plus que de 72% aujourd’hui.

La diminution du volume de l’emploi s’explique en partie par la mécanisation croissante du secteur. Le nombre de tracteurs et autres machines agricoles qui sillonnent les routes et les champs n’a cessé de croître. En 1987, le pays comptait 146 550 tracteurs et 9 817 nouvelles immatriculations par an. En 2020, on dénombrait 196 504 engins de ce type, pour 13 007 nouvelles immatriculations annuelles.

La betterave à la peine

Au fil du temps, les choix de culture posés par les agriculteurs ont peu évolué, en particulier en Wallonie. En 2021, les parcelles dédiées aux cultures fourragères et aux prairies y occupaient toujours une large moitié (56%) de la surface agricole. C’est dire l’importance de l’élevage bovin au sud du pays. Le froment reste la vedette incontestée des champs wallons (17% de la surface), loin devant l’escourgeon (12%). En revanche, la culture de betteraves a pratiquement reculé de moitié depuis les années 1990, alors que la production de lin a doublé durant la même période.

Les agriculteurs manifestent toujours un réel engouement pour la pomme de terre: depuis les années 1990, la surface qui lui est réservée a plus que triplé. Sa rentabilité plaide pour elle. Le très porteur marché de la transformation alimentaire (chips, frites…) dope également sa production. Le rendement belge de la pomme de terre est d’ailleurs l’un des plus élevés au monde.

Et la viande? Avec une moyenne de 42 kg de viande de porc avalés chaque année (consommation apparente), le Belge reste bien un carnivore qui n’opte que plus rarement pour la viande de poulet (15,7 kg) ou de bœuf (15,4 kg). Mais les bovins sont aussi essentiels à la production laitière. D’ailleurs, près d’une ferme sur deux, tant en Flandre qu’en Wallonie, est active dans ce type d’élevage. Les bovins se font toutefois moins nombreux: en 1980, on en recensait un peu plus de trois millions en Belgique, contre 2,3 millions quarante ans plus tard.

Moins friand de viande que par le passé, le Belge se tourne davantage vers les produits bio. Ce qui pousse les cultivateurs à franchir le pas: en 2021, 2 590 d’entre eux consacraient 7,4% de la superficie agricole utilisée à l’agriculture biologique. Avec une nette avance pour la Wallonie (12,4%) sur la Flandre (1,6%). En province de Luxembourg, le bio concerne même une ferme sur quatre!

La vente directe de produits à la ferme a elle aussi le vent en poupe, surtout depuis la période Covid. On relève ainsi un bond de 148% de ce type de pratique commerciale entre 2016 et 2020.

Prompts à rebondir selon l’air du temps, les agriculteurs sont en revanche peu perméables aux nouvelles technologies de communication. Selon le Baromètre 2020 de maturité numérique des entreprises, c’est le milieu agricole qui décroche le plus mauvais score sur le plan de la maturité numérique. «C’est l’un des secteurs qui ne sont pas “technophiles” par nature et qui ne tirent donc pas encore suffisamment parti du numérique ni de la vente en ligne en particulier», peut-on y lire. En revanche, les quelques agriculteurs qui travaillent désormais avec des drones prouvent qu’ils ont compris tout l’intérêt de ces appareils de haute technologie…

42 kilogrammes

Avec une moyenne de 42 kg de viande de porc avalés chaque année (consommation apparente), le Belge reste bien un carnivore qui n’opte que plus rarement pour la viande de poulet (15,7 kg) ou de bœuf (15,4 kg).

146 550

En 1987, le pays comptabilisait 146 550 tracteurs et 9 817 nouvelles immatriculations par an. En 2020, on dénombrait 196 504 engins de ce type, pour 13 007 nouvelles immatriculations annuelles.

7‚4 pour cent

Telle est la superficie agricole utilisée à l’agriculture biologique. Avec une nette avance pour la Wallonie (12,4%) sur la Flandre (1,6%).

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