Thierry Fiorilli

Les francophones de Belgique, plutôt bananes ou plutôt citron?

Thierry Fiorilli Journaliste

A quel fruit correspond chaque pays ? Lequel est plutôt agrume, qui est plutôt à coque, ou à noyau, exotique, rouge, à pépins ? Qui est à chair tendre, qui est à éplucher obligatoirement, qui est d’été, ou en grappe, ou des bois, rond, comestible, confit, à utiliser comme épice, se rapprochant du légume… Où situer alors la Belgique ?

Fruit juteux ou fruit sec ? Qu’on atteint en grimpant ou en s’inclinant ? Et la Flandre, la Wallonie et Bruxelles ? Toujours produits du même arbre ? A ranger dans le même cageot ? A proposer dans la même corbeille ? Avec la même saveur ? Le même apport en vitamine C ?

L’exercice n’est pas que de style. En fonction des époques, économiquement parlant, tant de pays, ou de régions, de continents même, ont fait office de plus ou moins vastes vergers au rendement généralement très plantureux. De terres propices à une arboriculture fruitière ultraflorissante. De champs immenses, donnant des fruits si suaves et si demandés qu’ils méritaient tous l’appellation  » de la passion « , quel qu’en fût le goût, la forme et la couleur. Et le prix à payer.

Et donc, nous, ici et aujourd’hui ? Quel type ? Sachant qu’un fruit est le résultat de la transformation d’une fleur, après sa fécondation. Qu’il contribue au développement et à la pérennité de son espèce, en protégeant des prédateurs la ou les graines qu’il contient puis, une fois mûr, en en favorisant la dissémination. Qu’il est en somme le garant de la reproduction de la plante qui l’a produit.

Sachant aussi qu’il importe d’identifier cette plante. Ou cet arbre. Quel type de fruit porte- t-il ? Climactérique ? Comme la banane, la poire, la pomme, l’avocat, la pêche, le kiwi… Ou non climactérique ? Comme l’orange, le citron, la fraise, la cerise, le raisin, la pastèque… Les premiers continuent à évoluer, à mûrir, même après avoir été cueillis. Séparés de la branche, ils respirent encore et toujours. Fabriquant une hormone qui va leur garantir in fine saveur, parfum, douceur et couleur. Les non climactériques, eux, restent pour toujours tels qu’ils étaient au moment où ils ont été détachés de leur branche. Ou bien durs, verts, acides. Immangeables, en somme. Ou bien déjà mûrs, mais se gâtant rapidement. A consommer au plus tôt, par conséquent. Sinon, poubelle.

Nous, quel arbre ou quel fruit, alors ? Question cruciale. Parce que, quel que soit le prochain gouvernement fédéral, et peu importe quand il verra le jour, les routes empruntées par la Flandre et la Wallonie s’écartent toujours davantage. Et que la grande bifurcation semble inexorable, à plus ou moins courte échéance. Il est dès lors grand temps pour les francophones de Belgique de préparer, concrètement, ce moment où ils n’auront plus qu’à compter sur eux-mêmes. Où, demandeurs ou non, avec ou sans Bruxelles, il leur faudra s’autogérer. Se prendre en main, totalement. Ce qui exigera bien plus qu’une addition, même salée, jetée à la tête des Flamands. C’est tout un nouveau fonctionnement qu’il nous faut inventer. Un nouveau modèle dont il faut élaborer les plans et entamer la construction. Dès maintenant. Un modèle résolument climactérique. Pour, une fois détachés de l’arbre originel, ne pas très vite pourrir.

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