Les partis qui gouvernent avec les écologistes n’ont pas vraiment aidé à sortir Sarah Schlitz et leur allié vert des problèmes.

«Les écolos, ils font chier»: pourquoi PS et MR n’ont pas fait de cadeau à Sarah Schlitz

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Les partis qui gouvernent avec les écologistes n’ont pas vraiment aidé à sortir Sarah Schlitz et leur allié vert des problèmes. Parce que certains, au MR mais aussi au PS n’aiment plus trop leur allié Ecolo, en fait.

Que la N-VA se déchaîne n’est pas étonnant.

Que Vooruit se crispe n’a, du point de vue d’Ecolo, pratiquement aucun intérêt.

Que le MR s’énerve n’a rien d’une surprise.

Mais qu’un partenaire de partout – des grandes villes, des Régions et du fédéral –, un partenaire se piquant d’écosocialisme, secoue, en des termes si fermes, leur secrétaire d’Etat a été perçu par les écologistes comme une agression.

C’est ce que fit, ou donna l’impression de faire, le chef de groupe socialiste à la Chambre et président de la fédération bruxelloise du PS, Ahmed Laaouej, au cours d’une suspension de séance qui prit, pour les alliés des verts dans la Vivaldi, les allures propitiatoires d’un sacrifice par engueulade puis dans les médias. En faisant reporter d’une semaine le vote d’une motion de confiance à Sarah Schlitz, il l’affligea d’un sursis dont elle ne se sortirait pas. Dans les faits, avec le chef de groupe MR Benoit Piedboeuf, il a reporté de quelques jours une démission qui aurait pu être actée dans l’heure.

Le 20 avril, à la séance plénière de la Chambre, Alexander De Croo avait soutenu Sarah Schlitz. Interpellé par Sander Loones, le Premier expliquait que la secrétaire d’Etat s’était excusée, qu’elle avait été réprimandée, que les membres de son gouvernement allaient tous recevoir un rappel des bonnes pratiques de communication et que l’incident, par conséquent, était clos. Le libéral est, depuis le début de son mandat, plutôt soutenant avec des écologistes par qui il se sent soutenu, par contraste avec les socialistes et les libéraux francophones. Et il n’a, sur le sort de Sarah Schlitz, exercé aucune influence.

Sander Loones réclame alors que la secrétaire d’Etat vienne s’expliquer en personne – ce qu’elle fait –, la N-VA annonce déposer une motion de méfiance et le chef de groupe MR à la Chambre, Benoit Piedboeuf, demande et obtient une interruption de séance. Pendant la séance, les écologistes ont fait passer une motion pure et simple, dont le vote confirmerait le soutien de la majorité à la secrétaire d’Etat. Seule la cheffe de groupe Open VLD, Maggie De Block, la signe. Sans les autres signatures, le gouvernement tombe. Mais chez les signataires espérés, l’énervement est puissant, et ils trouvent là une occasion de se décharger des frustrations accumulées. Ils estiment que Sarah Schlitz se fait trop prier pour s’excuser, qu’elle se victimise, et les Flamands s’offusquent qu’elle disqualifie la N-VA, avec laquelle ils sont alliés à d’autres niveaux de pouvoir.

Tous sont, aussi, fort tendus par Kristof Calvo (Groen), avec qui, depuis plusieurs semaines, les algarades se multiplient sur le financement des partis et la bonne gouvernance. Le Malinois a eu récemment des mots avec Ahmed Laaouej, fâché de le voir accuser Eliane Tillieux, la présidente socialiste de la Chambre, au sujet des pensions des parlementaires.

Quand ils reviennent, ils miment la gravité, mais en fait ils se vengent contre les verts.

Sarah Schlitz, dans le couloir qui mène au salon des ambassadeurs, salue des députés énervés, dont certains signalent bruyamment que c’est la première fois que ça lui arrive. Elle entre dans la salle où l’attendent les chefs de groupe de la majorité (Gilles Vanden Burre et Wouter De Vriendt pour Ecolo-Groen, Ahmed Laaouej pour le PS, Maggie De Block pour l’Open VLD, Melissa Depraetere pour Vooruit, Benoit Piedboeuf pour le MR et Servais Verherstraeten pour le CD&V) et leurs secrétaires politiques.

Elle réexplique son cas et promet avoir tout dit. Benoit Piedboeuf lui demande si elle est bien sûre qu’on n’apprendra rien d’autre dans les prochains jours. Elle répond qu’elle pense que oui. Ahmed Laaouej exige que son porte-parole cesse de tweeter. Melissa Depraetere la fusille du regard et trouve son attitude inadmissible. Servais Verherstraeten aussi. Sarah Schlitz quitte alors la salle pour que les chefs de groupe s’expliquent. Certains parlementaires échangent des messages avec Sander Loones. Ils veulent savoir ce qu’il a en réserve sur cette affaire de logo personnel, et les messages échangés confirment qu’il en a en réserve.

Gilles Vanden Burre et Wouter De Vriendt sont embêtés.

Dans les couloirs, les députés de rang bouillonnent. A l’intérieur, leurs chefs ne veulent pas signer la motion pure et simple, parce qu’ils sont avertis du bouillonnement. Benoit Piedboeuf et Ahmed Laaouej demandent une suspension de la suspension de séance pour aller consulter leur groupe. Quand ils reviennent, ils miment la gravité, mais en fait ils se vengent contre les verts. Ils vont faire durer leur supplice. A ce moment, il n’y a plus de majorité. Vooruit et le CD&V ne sont déjà pas enclins à voter la motion simple comme ça, en urgence. Et dans les groupes PS et MR, on a exprimé tant de colère que mettre la motion au vote présenterait pour les écologistes le risque d’une humiliation, et pour la Vivaldi l’hypothèse d’une explosion.

On a même entendu des députés francophones raconter que chez Groen, il y avait des collègues qui se désolidarisaient de Sarah Schlitz.

C’est alors que Laaouej et Piedboeuf, en refusant que la motion soit votée en urgence, donnent un sursis d’une semaine, jusqu’à la prochaine plénière, à la secrétaire d’Etat.

Les deux s’arrangent pour laisser Ahmed Laaouej communiquer. Le MR s’est déjà beaucoup emporté contre Sarah Schlitz. Denis Ducarme, il y a deux ans, avait ainsi dit n’être plus lié par la solidarité gouvernementale à son égard. Que la menace ultime vienne des libéraux serait perçu comme outrancier. Cela donne une occasion de plus au bourgmestre de Koekelberg, déjà fort rude avec les écologistes de la capitale, de durcir sa posture. La plénière reprend, Sarah Schlitz ne verra pas la prochaine en tant que secrétaire d’Etat.

Le lendemain, vendredi 21 avril, Paul Magnette a réuni son G40, à Quaregnon, au nouveau centre d’archives du PS. Avec les présidents de fédération, les ministres, les chefs de groupe et quelques autres, il s’agit d’établir le calendrier de la prochaine campagne. Il est aussi question de l’actualité fédérale et de la menace pesant sur Sarah Schlitz. Ahmed Laaouej n’est pas là, mais ceux qui parlent le saluent pour son habile dureté. Parce que «les écolos, ils font chier, à toujours donner des leçons», diront quelques-uns des intervenants. Il y a de ça.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire