Ce dessin de Jonathan De Cesare montre l'accusé Salah Abdeslam photographié lors d'une séance du procès des attentats à la Cour d'assises de Bruxelles-Capitale, mardi 24 janvier 2023. © Jonathan De Cesare/Belga

Procès des attentats de Bruxelles: les derniers portraits des accusés entrecoupés d’une panne de courant au Justitia

La journée de mercredi, consacrée aux portraits des trois derniers accusés qu’il restait à dresser dans le dossier des attentats à Bruxelles du 22 mars 2016, a été émaillée d’une panne de courant touchant le site accueillant la cour d’assises. Cela a provoqué un important retard, ne permettant finalement pas aux enquêteurs et juges d’instruction de mettre un point final à leur exposé entamé le 21 décembre. Les différentes parties ont cependant déjà pu poser leurs questions à certains des tout premiers intervenants à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro Maelbeek.

En début d’audience, la défense a souhaité dénoncer des questions parfois « légèrement tendancieuses » de la cour (c’est-à-dire la présidente et ses deux assesseurs, NDLR), qui « doit aussi se montrer impartiale dans ses questions » puisqu’elle participe au délibéré du jury sur la culpabilité des accusés, comme l’a rappelé Xavier Carrette, l’avocat d’Ibrahim Farisi.

Les enquêteurs ont ensuite dressé le portrait de Sofien Ayari, arrêté aux côtés de Salah Abdeslam le 18 mars 2016 à Molenbeek-Saint-Jean. Trois jours plus tôt, les deux accusés avaient fui de l’appartement de la rue du Dries à la suite d’une perquisition qui débouchera sur une fusillade entrainant la mort de Mohamed Belkaid. Né à Tunis en 1993, celui qui porte la kounia (nom de guerre, NDLR) d’Abou Hamza et, selon Osama Krayem, d’Abou Ahmed, part pour la Turquie fin 2014 pour ensuite passer en Syrie, où il veut combattre le régime. Il y restera peu de temps avant d’entreprendre un voyage vers l’Europe via une route migratoire très empruntée en compagnie de l’accusé Osama Krayem, qui avait renoncé à se faire exploser dans le métro

Si Sofien Ayari n’a vraisemblablement pas participé à la fabrication des bombes utilisées pour les attentats à Bruxelles, son arrestation en compagnie de Salah Abdeslam a néanmoins fortement perturbé le fonctionnement de la cellule bruxelloise, qui a dû travailler dans l’urgence. Il est d’ailleurs probable que cet événement ait poussé les kamikazes à finalement attaquer la capitale belge.

Sofien Ayari ayant fait usage de son droit au silence dans le cadre du dossier des attentats à Bruxelles, les enquêteurs ont été contraints de se référer uniquement aux quelques déclarations de l’accusé dans les dossiers des attentats de Paris et de la fusillade de la rue du Dries à Forest, pour lesquels il a respectivement été condamné à 30 et 20 ans de réclusion criminelle. Lors de ces interrogatoires, le Tunisien a notamment affirmé ne pas se sentir impliqué dans les attentats à Paris et à Bruxelles et que « commettre des choses en Europe, ce n’était pas son truc ». 

Coupure de courant

Après la pause de la mi-journée, le Justitia a été le théâtre d’une situation inédite. Une coupure de courant générale a en effet affecté l’ancien site de l’Otan durant près de deux heures, le plongeant dans un noir quasi total. L’audience a repris avec 1H30 de retard et dans une certaine pénombre dans un premier temps, le courant revenant finalement quelques minutes après cette reprise.

La présidente a alors décidé de commencer la session de l’après-midi par les questions des parties (parties civiles, défense et ministère public) aux pompiers et policiers qui sont intervenus en tout premier à l’aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeek le jour des attaques. Cela afin de les libérer au plus vite, étant donné leur état de stress, a-t-elle justifié.

Visiblement fort affectés, quatre policiers et pompiers se sont présentés devant la cour et ont répondu aux questions avant d’être définitivement libérés. La présidente les a profondément remerciés pour leur présence. « Merci d’être venus et d’être revenus, je sais à quel point cela vous a été pénible », leur a-t-elle dit.

Présentation du profil de Salah Abdeslam

De la présentation de Salah Abdeslam, directement impliqué dans les attentats de Paris du 13 novembre 2015, il ressort que l’intéressé aurait été manipulé par son voisin molenbeekois Abdelhamid Abaaoud, selon l’avis du père et de la fiancée de l’accusé lors de l’enquête de moralité le concernant.  Celui qui fut connu comme l’ennemi public n°1 au lendemain des attaques à Paris était une personne aimant faire la fête, sortir avec ses amis, fréquenter des boîtes et aller danser, selon la description de ses proches.

Aucun ne le reconnait dans ce qui s’est passé à Paris et dans la foulée. Aux yeux du père et de la fiancée de l’époque de Salah Abdeslam, ce dernier et son frère Brahim, l’un des terroristes du commando des terrasses le 13 novembre 2015 (où il se fera exploser), ont été manipulés par Abdelhamid Abaaoud. Le coordinateur des attentats parisiens était un voisin des Abdeslam à Molenbeek.

Le Français avait initialement été inculpé de la seule participation aux activités d’un groupe terroriste dans le cadre du dossier du 22 mars, mais pas pour assassinats et tentatives d’assassinats dans un contexte terroriste. Il en avait été de même pour Sofien Ayari. Les juges d’instruction n’avaient pas assez d’éléments pour une inculpation plus large, ont-ils justifié, puisque les deux hommes se trouvaient déjà en prison au moment des attaques à Bruxelles. La chambre des mises en accusation a toutefois renvoyé les deux hommes devant la cour d’assises pour les deux chefs d’accusation précités.

Salah Abdeslam n’était pas présent dans la salle mercredi lors de la présentation de son profil. Depuis trois semaines, il retourne systématiquement en cellule afin de manifester son mécontentement contre les conditions de transfert de la prison de Haren au Justitia, où a lieu le procès. Osama Krayem et Mohamed Abrini avaient d’ailleurs également quitté la salle d’audience en début de journée. En fin de journée, les enquêteurs ont débuté leur exposé concernant Oussama Atar, le seul accusé faisant défaut à ce procès.

Présumé mort en Syrie, il aurait dirigé depuis là-bas la cellule de Bruxelles et y aurait obtenu une position hiérarchique importante de par ses liens avec des hauts dirigeants de l’État Islamique lors de ses voyages antérieurs en Syrie et en Irak.  Oussama Atar a par ailleurs eu une influence sur ses cousins, les frères El Bakraoui, tous deux kamikazes des attentats à Bruxelles, ont estimé les enquêteurs. Entre fin 2012 et fin 2013, il rendra en effet plusieurs visites à ses cousins, tous deux emprisonnés à l’époque pour des braquages.

Plusieurs témoins ont affirmé que ces visites avaient eu un impact sur la radicalisation des deux frères. La présentation du rôle d’Oussama Atar dans les attentats du 22 mars 2016 se poursuivra lors de la matinée de l’audience de jeudi. La séance de questions-réponses avec les témoins qui se sont succédé à la barre depuis la fin décembre pourra ensuite véritablement commencer.

Contenu partenaire