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Etienne de Callataÿ: « Belfius devient de plus en plus une institution wallonne »

Han Renard

« Chez Belfius, l’équilibre entre la Flandre et la Wallonie est totalement perdu », estime l’économiste Etienne de Callataÿ. En 2024, ce déséquilibre pourrait renforcer les appels de la Flandre à une privatisation de la banque publique.

Jean-Claude Marcourt (PS), président du Parlement wallon, a vivement critiqué Belfius, le banquier de la maison et le plus grand prêteur de la Région wallonne, lors de son discours aux Fêtes de Wallonie le week-end dernier. A en croire les indiscrétions, Belfius aurait fait part de ses inquiétudes quant à la situation financière désastreuse de la Région wallonne, ainsi qu’à une éventuelle participation du PTB au pouvoir en Wallonie en 2024, dans le cadre des négociations en cours sur un nouveau crédit de caisse. Ce genre de commentaires sont inouïs pour une banque publique sauvée avec l’argent des contribuables en raison de la négligence de ses directeurs, a déclaré Jean-Claude Marcourt.

« Je dirais simplement que les propos de Marcourt sont inouïs« , répond l’économiste Etienne de Callataÿ, qui était également l’un des experts de la commission wallonne de la dette. Cette commission, composée de la fine fleur des économistes francophones, a déclaré à la fin de l’année dernière que la montagne de dettes que la Wallonie accumule, et qui, si les politiques restent inchangées, atteindra 50 milliards d’ici 2030, risque de devenir ingérable sans coupes structurelles.

« Marcourt a parlé de l’argent des contribuables, mais il veut dire des contribuables belges », explique Etienne de Callataÿ. « Mais Belfius devient de plus en plus une institution wallonne. Le succès éventuel du PTB en 2024, un parti qui prône l’annulation de la dette, ne me semble pas le vrai problème pour Belfius – le PTB ne participera jamais au pouvoir. Le vrai problème est que, en tant qu’institution belge, Belfius doit maintenir un équilibre, en termes de clients et de financement par la dette, entre la Flandre et la Wallonie. Aujourd’hui, cet équilibre est totalement perdu. Vous pouvez alors vous attendre à ce que les partis flamands disent en 2024: pourquoi Belfius devrait-il rester aux mains des pouvoirs publics, si c’est pour soutenir une seule partie du pays ? Je soupçonne que la direction de Belfius n’est pas du tout favorable à la privatisation. D’où la plus grande réticence à négocier avec la Wallonie ».

Le président de la N-VA, Bart De Wever, a déclaré que si son parti devait entrer au gouvernement fédéral en 2024, Belfius devrait en tout cas fournir des crédits aux conditions du marché, y compris en Wallonie.

« Je pense que la banque le fait aujourd’hui », poursuit Etienne de Callataÿ, « et que Belfius ne subventionne pas la Région wallonne. Mais la forte concentration de la dette wallonne dans son portefeuille de crédit n’est tout simplement pas bonne pour Belfius. Même si c’est aux conditions du marché. La BCE à Francfort et la Banque nationale ici à Bruxelles ne voient pas cette concentration comme quelque chose de positif, la diversification des risques est importante pour les régulateurs ».

Si les futurs déficits wallons doivent être financés à des taux d’intérêt plus élevés, les coûts pourraient dérailler dangereusement, préviennent les experts. De Wever a ajouté que, dans un scénario catastrophe, si les marchés financiers se retournent contre la Wallonie, la Belgique risque de sombrer aussi.

« Bien entendu, c’est tout à fait possible », conclut l’économiste. Tous les niveaux politiques en Belgique sont interdépendants et c’est ainsi que les marchés financiers le perçoivent ».

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