Au sein même du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le dossier du décret Paysage provoque des remous. Le PS et Ecolo feraient ensemble pression sur leur partenaire du MR pour trouver une porte de sortie. © BELGA

Le nouveau décret paysage, une réforme élitiste? «On joue l’avenir de milliers de jeunes à la roulette russe»

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Le parcours de milliers d’étudiants dans l’enseignement supérieur pourrait bien s’arrêter en septembre, lors de la prochaine rentrée. En cause, l’entrée en vigueur de la nouvelle mouture du décret Paysage.

Des dizaines de milliers d’étudiants ne seront plus finançables en septembre 2024. Leur faute? Non, celle du nouveau décret Paysage porté par la ministre de l’Enseignement Supérieur Françoise Bertieaux (MR), héritage de sa prédécesseuse et camarade de parti Valérie Glatigny.

L’entrée en vigueur des nouvelles règles à l’occasion de la prochaine rentrée dans le supérieur bloque l’avenir de certains étudiants. Peu importe le nombre de crédits qu’ils auront validé à l’issue de la session d’août. Ainsi, 229 élèves de la haute école Léonard de Vinci ont reçu un mail de l’établissement les informant de l’incompatibilité à venir de leur situation avec l’instauration du décret Paysage new look.

Le cabinet de la ministre Bertieaux conteste la communication de la haute école. « Ils ne peuvent pas dire, déjà en mars, que des étudiants ne seront plus finançables en septembre prochain. Même s’ils doivent valider tout leur programme cette année, c’est possible avec les deux sessions restantes. » Et tient à recadrer les choses: si un étudiant est déclaré non-finançable, l’établissement peut toujours, après des procédures internes, maintenir son inscription pour l’année d’après.

«La situation de ces étudiants est alarmante, réagit la présidente de la Fédération des étudiants francophones (FEF) Emila Hoxhaj. Si le décret Paysage n’est pas rapidement revu sous cette législature, cela sera dramatique pour eux. Parce que les jeunes concernés exercent un job étudiant en parallèle pour payer leurs études. Ils mènent déjà une vie difficile, et on leur ajoute sur le dos des règles strictes qui interdisent le moindre faux pas.»

La présidente de l’association qui défend les étudiants regrette les effets pervers de la réforme du décret Paysage. «Les règles ont été mal pensées. Mais on sait depuis le début que l’objectif de la réforme est de diminuer le nombre d’étudiants».

Du côté des universités, l’Université libre de Bruxelles (ULB) s’est d’ores et déjà positionnée en faveur d’une révision de la nouvelle mouture du décret Paysage.

On sait depuis le début que l’objectif de la réforme est de diminuer le nombre d’étudiants

Emila Hoxhaj (FEF)

Décret paysage: la majorité fragilisée?

Le PS et le MR feraient ensemble pression sur leur partenaire du MR pour trouver une porte de sortie.

Au sein même du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le dossier provoque des remous. Le PS et Ecolo feraient ensemble pression sur leur partenaire du MR pour trouver une porte de sortie.

«Nous sommes très inquiets pour ces étudiants chez Ecolo, confie Rodrigue Demeuse, député au sein de l’institution francophone. Nous avons interpellé la ministre à plusieurs reprises sur les cas de ces jeunes, qui allaient inéluctablement se retrouver bloqués dans leur parcours. La réforme du décret Paysage est pour l’instant trop rigide».

Du côté du Parti socialiste, c’est le député Martin Casier qui suit le dossier. Le Bruxellois était présent à la manifestation de la FEF ce mercredi. «Nos craintes sont en train de se confirmer, puisque la réforme pèse surtout sur les étudiants défavorisés. Nous allons demander la semaine prochaine à la ministre de suspendre la réforme. Il faut à tout prix éviter qu’elle entre en vigueur en septembre prochain».

“Cette réforme élitiste exclura un étudiant sur trois en septembre”

Amandine Pavet, députée PTB au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, était également aux côtés des étudiants pour «relayer leur colère» ce mercredi midi. «Avec le PTB, nous avons participé à toutes les manifestations de la FEF contre cette réforme élitiste, qui exclura un étudiant sur trois en septembre si rien ne change.» Amandine Pavet tient à rappeler que son parti est le seul à voter contre la réforme du décret Paysage depuis le début. «Le gouvernement a choisi d’exclure des étudiants de l’enseignement, au lieu de lancer le débat du refinancement. C’est bien de s’afficher publiquement en manifestation sur les réseaux sociaux, mais il faut maintenant agir pour l’avenir de ces étudiants».

Le gouvernement a choisi d’exclure des étudiants de l’enseignement, au lieu de lancer le débat du refinancement

Amandine Pavet, députée PTB au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Le décret paysage ne sera pas revu avant les élections

Plenary session at the Parliament of Wallonia Brussels Federation
Session pleniere au Parlement de la Federation Wallonie Bruxelles
Pix: Francoise Bertieaux 20/12/2023 © BELGA/BELPRESS

D’après le cabinet de la ministre de l’Enseignement Supérieur Françoise Bertieaux, le décret Paysage ne sera pas revu d’ici la fin de cette législature. « Le délai est trop court. La FEF et le PTB veulent faire croire que c’est faisable mais c’est impossible d’ici le 9 juin. D’un point de vue politique, une révision n’est pas du tout à l’ordre du jour. Ceux qui veulent changer les règles maintenant mettent en péril la session de juin. Les écoles ne sont pas prêtes pour que tout soit à nouveau chamboulé ».

La porte-parole de la ministre en profite pour rappeler qu’une évaluation du nouveau décret Paysage est prévue en 2026. « Nous verrons à ce moment-là si d’éventuels effets pervers se sont manifestés, reprend la porte-parole de Françoise Bertieaux. On ne peut pas évaluer une réforme avant qu’elle ne soit entrée en vigueur. Par ailleurs, les premiers chiffres et tendances que nous avons pour la session de janvier sont positifs, avec un taux de réussite supérieur de 5% ».

Le décret Paysage reviendra quoi qu’il en soit à l’agenda de la Commission Enseignement Supérieur le 2 avril, avant un vote final sur le texte en séance plénière le 17 avril.

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