Les calendriers scolaires désynchronisés continuent à susciter la colère de famille à cheval sur plusieurs régimes linguistiques.
Les congés scolaires en 2024 seront en partie désynchronisés entre le nord et le sud du pays. © Getty

Calendrier scolaire désynchronisé: certains parents vont jusqu’à changer leurs enfants d’école

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Plus de sept mois après la rentrée, le calendrier scolaire désynchronisé continue à susciter la colère de familles à cheval sur plusieurs régimes linguistiques. « Comment un si petit pays peut ne pas rassembler les enfants belges durant les vacances scolaires? », s’interroge une maman.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, une année scolaire s’appuie désormais sur une séquence de sept (six au minimum, huit au maximum) semaines de cours, suivies de deux semaines de vacances. Les anciens congés de Toussaint et de Carnaval passent en conséquence d’une à deux semaines. Les vacances d’été sont, elles, rabotées à sept semaines. Dans le nouveau calendrier scolaire, les classes débutent dorénavant dès le dernier lundi d’août et s’achèvent toujours le premier vendredi de juillet.

Si la volonté de la FWB est de synchroniser les vacances de Noël entre les communautés, ce n’est pas le cas pour les vacances de printemps (décalées de près d’un mois entre la Flandre et la Wallonie). Les vacances de détente (Carnaval) et d’automne (Toussaint) ne seront pas toujours synchronisées non plus. Ainsi durant l’année scolaire 2023-2024, les élèves belges n’auront pas de vacances communes entre janvier et juillet.

Face à cette absence de calendrier scolaire commun, les parents d’enfants scolarisés dans les deux communautés évoquent un casse-tête organisationnel. Certains déplorent aussi une volonté de creuser encore un peu plus l’écart entre les communautés.

« Une souffrance énorme »

C’est le cas d’Amélie, enseignante de sciences en FWB et mère de trois enfants scolarisés en Flandre et auteure d’une lettre ouverte à plusieurs parlementaires et députés. « Les rythmes scolaires différents selon les communautés linguistiques sont une souffrance énorme pour ces milliers de familles, mais également pour l’enseignement en immersion, pour les centres sportifs, pour les mouvements de jeunesse, pour ne citer qu’eux », écrit-elle.

Elle rappelle que Laurette Onkelinx (PS), ministre-présidente du gouvernement de la Communauté française de Belgique de 1995 à 1999, voyait tous les Belges bilingues à l’horizon 2001. « L’échec de sa politique a poussé des familles francophones à opter pour l’enseignement flamand. Ces milliers de familles souhaitant devenir de bons Belges bilingues méritent-elles d’être punies ? », s’interroge la professeure.

Aussi, n’est-il pas question pour elle scolariser ses enfants en FWB. « Je ne changerai pas mes enfants d’école, ils sortent trilingues de l’enseignement flamand. En même temps, il n’est pas tenable de ne pas avoir des vacances avec ses enfants de janvier à juillet », explique-t-elle au Vif.

Marie*, maman d’un enfant scolarisé en Flandre, déplore également la réforme. « A Pâques, nous partions toujours avec une amie qui a aussi un fils unique afin que les enfants puissent jouer ensemble, et que ce soit moment agréable pour tout le monde. Là c’est fini, nous ne pouvons plus partir ensemble. Nous, c’est en avril, eux c’est en mai », témoigne-t-elle. Pour elle, l’idéal ce serait que la Belgique soit alignée. « Et s’ils ne peuvent pas se mettre d’accord, alors qu’il y au moins une semaine en commun », conclut-elle. 

« La goutte qui a fait déborder le vase »

Maman de deux fillettes scolarisées en Flandre, et mariée à un enseignant de la FWB, Caroline a carrément décidé de changer ses enfants d’école. « La goutte qui a fait déborder la vase, c’est quand je me suis rendue compte que l’année prochaine, les vacances de Carnaval n’étaient pas du tout alignées. Si de janvier à juillet, nous n’avons pas de vacances ensemble, et qu’il faut tout le temps jongler avec les congés, les familles, et les stages, là nous rapatrions les enfants », déclare-t-elle.

« Cette mesure remet des frontières entre les communautés. Je connais beaucoup de gens dans notre cas qui inscrivent leurs enfants à l’école en Wallonie. C’est dommage, car nous aimons être immergés dans la culture flamande, et avoir cet échange culturel. C’était enrichissant pour tout le monde, et pas seulement pour le bilinguisme », déplore Caroline  tout en soulignant qu’elle ne remet pas en cause le bien-fondé de ces nouveaux rythmes scolaires.

Afin de ne pas perdre leurs connaissances en néerlandais, ses filles seront scolarisées dans une école d’immersion en Wallonie, mais là aussi la réforme des rythmes scolaires risque de mettre des bâtons dans les roues. « Ces écoles ont du mal à trouver des enseignants néerlandophones, et la tâche sera encore plus compliquée si ces enseignants n’ont plus les mêmes congés que leurs enfants », estime Caroline.

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Au minimum une semaine commune

Indignée par le manque de concertation, la députée Mathilde Vandorpe (Les Engagés) compte déposer de nouveaux amendements afin d’obtenir une semaine commune avec les autres communautés à chaque période de vacances. La deuxième semaine de carnaval a déjà été compliquée à gérer pour de nombreuses familles, et beaucoup de parents cherchent encore des solutions pour les vacances de Pâques, écrit-elle . « Il est primordial d’avoir au minimum une semaine commune à chaque période de vacances! Puisque la ministre n’a pas concerté avec la Flandre, qu’elle adapte sa réforme! », conclut-elle sur la page Facebook du groupe « Pour un calendrier scolaire unique en Belgique ».

Pour le porte-parole de la ministre de l’Education Caroline Désir (PS), le problème ne concerne qu’une minorité d’élèves. « Il y a 900 000 élèves en FWB, ce qui signifie environ 2 à 3 millions de parents. Et nous avons énormément de retours positifs sur la réforme des rythmes, de la part des équipes pédagogiques, et des écoles. Elles disent que c’est un bien pour l’école, l’apprentissage, pour la fatigue des enfants. Nous avons essayé de programmer une semaine en commun dans la mesure du possible, mais il y a certaines années, comme l’année prochaine, où ce n’est pas possible ». Il invite les parents mécontents à se tourner vers le ministre flamand Ben Weyts (N-VA) pour qu’il mette également la réforme en œuvre.

Interrogée sur La Première ce mardi, Caroline Désir souligne qu’elle tente de le convaincre de s’aligner sur la FWB. « Je préférerais évidemment que tous les calendriers scolaires s’alignent. Je n’ai d’ailleurs pas ménagé mes efforts pour présente cette réforme, et essayer de convaincre les autres communautés. Je ne perds pas l’espoir de les convaincre », déclare-t-elle.

« Ce n’est pas la Flandre qui s’est départie du calendrier »

Le porte-parole du cabinet de Ben Weyts souligne que la réforme des rythmes scolaires n’est pas taboue en Flandre, mais que le ministre n’a reçu « aucun avis positif » sur le sujet. L’année dernière, une enquête du plus grand syndicat de l’enseignement flamand, le COC (Christelijke Onderwijscentrale) indiquait ainsi que la grande majorité des enseignants flamands ne souhaitent pas que les vacances d’été soient raccourcies. « Diverses enquêtes et sondages d’opinion le confirment sans cesse : ce sujet divise fortement », souligne le cabinet de Ben Weyts.

Pour le ministre flamand , il est en outre inacceptable qu’une éventuelle réforme du calendrier des vacances scolaires entraîne une diminution du nombre de jours d’enseignement, comme c’est actuellement le cas en Belgique francophone. « Il est vrai que les calendriers des vacances étaient mieux alignés autrefois. Mais ce n’est pas la Flandre qui s’en est départie », conclut-il.

*prénom d’emprunt

Des changements techniques validés en urgence, mais pas de changement au calendrier

Les changements apportés en urgence visent à combler, avec un effet rétroactif au 29 août dernier, une série « d’oublis » dans la législation adoptée il y a moins d’un an.

Il s’agit notamment d’adapter les périodes de congés des coordonnateurs des centres de formation en alternance, ainsi que pour les services d’inspection, ou encore pour l’organisation des stages dans l’enseignement de promotion sociale.

Dans l’opposition, tant le PTB que les Engagés ont dénoncé mardi la nécessité d’apporter des changements à un texte qui n’a même pas un an, la preuve, selon eux, que la réforme avait été approuvée à l’époque dans la précipitation. (Belga)

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