Formation militaire : pourquoi tant de départs prématurés ?

Stagiaire Le Vif

Sur une période de trois ans, 3.116 candidats ont abandonné leur formation militaire en cours de route. Une grosse perte d’investissement pour la Défense, s’élevant à près de 50 millions d’euros chaque année. Mais comment expliquer ces départs prématurés ?

Ces deux dernières années, 55% des jeunes ont quitté ou abandonné leur candidature militaire durant leur première année d’engagement au sein de la Défense.

Les nouvelles recrues enfilent leur tenue de militaire avec une idée bien précise en tête. Le problème, c’est que la réalité du terrain ne coïncide pas toujours avec leurs attentes. Dormir sous tente, marcher au pas, porter l’uniforme… Pas une évidence pour tout le monde.

Chris Huybrechts, président de la SLFP Défense, remarque une différence de génération : « On a perdu de la visibilité chez la population. Le métier de militaire est bon, mais les jeunes ne le connaissent pas. Il faudrait que la Défense soit plus visible, qu’il y ait des explications sur ce que c’est et ce qui s’y fait ». 

Pas la porte à côté 

Autre source potentielle de découragement : la distance qui peut séparer le domicile des casernes. Pour favoriser son attractivité ainsi que l’équilibre entre vie-privé et vie professionnelle du personnel, de nouvelles casernes devraient voir le jour dans les quartiers du futur en Wallonie, à Charleroi et en Flandre, à Grammont, mais pas avant 2027 à 2030.  Ces quartiers du futur s’inscrivent dans les projets de Ludivine Dedonder, ministre de la Défense (PS) : « Les quartiers du futur seront des quartiers militaires semi-ouvert, incarnant une politique en faveur du raffermissement du lien armée-nation. Le choix des villes de Charleroi et de Grammont est aussi une réponse à un certain déséquilibre de la présence de la Défense sur le territoire national, notamment dans la province du Hainaut et de Flandres orientale. Or, j’ai la volonté que la Défense bénéficie d’une meilleure répartition géographique sur l’ensemble du territoire ».

Une infrastructure militaire peu chaleureuse

Yves Huwart, président du syndicat militaire CGPM, relève qu’il n’est jamais aisé de se faire une place au sein d’un groupe établi  : « Parfois, le cadre n’est pas vraiment très sympa avec les candidats. Les nouveaux militaires ne sont pas toujours considérés comme de vrais collègues. Ils doivent toujours prouver qu’ils méritent d’être militaires ».

À cela, s’ajoute le fait que les infrastructures ont déjà bien vécu. N’ayant jamais bénéficié de budget pour des rénovations, les bâtiments sont devenus vieillissants et insalubres. Pour y remédier, Ludivine Dedonder a mis en place le plan Quartier : « Concrètement, le plan Quartier définit les projets de travaux à effectuer sur le parc immobilier du département, pour un budget à hauteur de 1,5 milliard d’euros au cours de cette législature. J’ai également stoppé la tendance amorcée par mes prédécesseurs qui consistait à fermer des casernes. Au contraire, j’ai choisi d’investir et de consolider le parc existant et de donner un environnement de travail de la même qualité partout sur le territoire, au bénéficie de l’ensemble du personnel. J’ajoute que l’objectif d’un parc immobilier neutre en carbone est d’ores et déjà engagé pour l’horizon 2040 ». 

Un statut peu attractif 

Ne pas avoir de garantie sur son avenir amène souvent un sentiment de crainte auprès des candidats militaires. À la défense, seul un contrat de durée limitée est proposé : un contrat de 8 ans qui peut éventuellement être prolongé annuellement jusqu’à 12 ans. Il semble donc naturel pour certains de se réorienter dans un autre métier dès que l’occasion s’offre à eux. Une évidence que Chris Huybrechts conçoit tout à fait : « Le manque de futur est une des raisons de ces abandons. Les jeunes vont, par exemple, quitter la Défense pour aller à la police car le statut est fixe, le lieu de travail est plus proche de leur domicile, ils ont plus de temps, etc. ».

Yves Huwart est du même avis. Selon lui, les statuts de durée illimitée n’ouvrent pas de perspectives à long terme. En plus de cela, les paiements ne se font pas en temps et en heure. Les recrues se retrouvent alors sans rémunération pendant de longues périodes.

Évidemment, les raisons qui expliquent ces abandons sont multiples et variées. Plusieurs facteurs sont d’ailleurs repris dans la politique de Ludivine Dedonder tels que la revalorisation salariale, la mise en place des chèques-repas pour le personnel militaire ou encore, la revalorisation de certaines indemnités et allocations

Un plan de recrutement inédit pour la Défense est finalement annoncé par Ludivine Dedonder. Au total : 10.000 recrutements. Pour atteindre son objectif, la Défense doit donc être et rester un acteur attractif et compétitif sur le marché du travail. 

Laura Droesbeke

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire