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Coronavirus : pourquoi le taux d’infection en Belgique est-il si élevé ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Ce lundi, une étude de l’Imperial College de Londres parue dans Nature estimait que le 4 mai dernier, 8% de la population belge était infectée par le coronavirus, soit le taux le plus élevé parmi onze pays européens. Yves Coppieters, professeur en épidémiologie à l’ULB, estime qu’il ne faut pas s’en alarmer.

Les chercheurs britanniques ont étudié la situation en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en France, en Italie, en Norvège, au Royaume-Uni, en Suède et en Suisse. Selon les scientifiques, le 4 mai 2020, 12 à 15 millions d’Européens étaient infectés par le Covid-19.

La Belgique aurait ainsi le taux d’infection le plus élevé, avec 8% de la population ayant contracté le coronavirus, suivie par l’Espagne (5,5%), le Royaume-Uni (5,1%) et l’Italie (4,6%). Ce chiffre serait de 3,4% en France. Inversement, seuls 710.000 Allemands auraient contracté le virus, soit 0,85% de la population.

Pourquoi la Belgique présente-t-elle un taux d’infection plus élevé que les autres pays européens pris en compte dans l’étude ?

Yves Coppieters : En début d’épidémie, et même jusqu’à il y a quinze jours, la proportion de nouveaux cas, proportionnellement à la population belge, était en effet un peu supérieure à certains autres pays européens. Même si elle diminue fortement, la transmission en Belgique reste toujours légèrement supérieure à l’Italie, à la France, l’Espagne et bien sûr à l’Allemagne.

Cet écart est dû à une situation épidémique propre à la Belgique. Il y a eu beaucoup de foyers de contamination au démarrage de l’épidémie liés à certaines zones de forte contamination qu’étaient Bruxelles, Anvers, Mons et d’autres zones dans le Limbourg. C’est simplement l’expression de cette épidémie qui est un peu plus forte en Belgique, mais ce n’est pas inquiétant, car la tendance à la diminution suit la même logique que dans les autres pays européens. C’est simplement que notre population a été un peu plus encline à développer l’infection que d’autres. Il n’y a rien d’alarmant.

C’est une bonne chose au fond, car cela signifie que ces personnes possèdent des anticorps?

Je ne sais pas si c’est une bonne chose, car si on a demandé aux gens de se confiner c’était pour éviter qu’ils tombent malades, mais si malgré ça, notre population a été plus encline à tomber malade, fatalement, il y a plus de gens qui vont développer une immunité, c’est certain. Cependant, la dernière étude de l’Université d’Anvers révèle un pourcentage de gens immunisés autour de 6-7%, un taux qui reste très faible. C’est d’ailleurs étonnant. Comme on a eu plus de transmissions, on devrait avoir une meilleure immunité. Pour se faire une idée précise, il faudrait un suivi de la population comme en Suisse ou en France. C’est-à-dire qu’on prend 10 000 personnes, ou 1000 personnes, on les soumet à un test sérologique tous les deux mois, et ainsi, on obtient une image réelle de la proportion de la population qui est protégée et qui sera protégée dans les semaines qui viennent. En Belgique on travaille sur de beaucoup plus petits échantillons peu représentatifs de la population en général. Un taux de 6-7% me paraît très faible par rapport à l’ampleur de l’épidémie en Belgique.

Justement, le nombre d’hospitalisations et de décès diminue de jour en jour, mais quand peut-on espérer voir ces chiffres tomber à zéro ?

Soit on entre dans ce qu’on appelle une phase endémique de la maladie, ce qui signifie que l’on ne va pas tomber à zéro, mais que l’on va rester sur ce plateau d’une centaine de transmissions par jour, et ce plateau va perdurer pendant des semaines. On n’est plus en phase d’épidémie, mais dans une phase qu’on appelle endémique, c’est-à-dire qu’on vit avec le virus et il y a continuellement de nouvelles transmissions. Soit, on arrive encore à diminuer les transmissions, mais j’ignore quel scénario va se confirmer. J’espère évidemment que ce sera le deuxième et que l’épidémie s’éteindra.

Je pense que le meilleur indicateur pour nous, c’est de regarder ce qu’il se passe dans les pays voisins. Si l’épidémie s’éteint dans les pays qui sont plus en avance que nous tels que l’Italie et l’Espagne, il y a l’espoir que ce soit le cas chez nous aussi. Et si comme nous, les habitants vivent avec ce virus en circulation, alors il faudra s’adapter.

Et qu’en est-il de la diminution du nombre de décès ?

La bonne nouvelle, c’est qu’il y avait zéro décès en maison de repos hier (NDLR : le mardi 9 juin), et un seul aujourd’hui. C’est très encourageant. Soit, c’est parce que les maisons de repos transfèrent beaucoup plus vite les patients vers les hôpitaux, et c’est ce qu’on souhaite bien sûr, soit c’est vraiment qu’il n’y a presque plus de transmissions dans les maisons de repos. Et ce qui est aussi encourageant, c’est que les gens qui développent actuellement une forme grave du virus sont mieux pris en charge au niveau thérapeutique, et ils présentent moins de risques de décès.

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