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« Ah, c’est vous Maelbeek ! »

Le Vif

Benoît van Innis est l’artiste qui a décoré la station de métro de Maelbeek d’une série de portraits. Pour Le Vif L’Express, il nous livre ses premières impressions à la suite du drame horrible. Par Pierre Jassogne

Tout le monde est passé à la station de métro Maelbeek un jour à 9 heures. Tout le monde a déjà rencontré, le nez dans sa routine, ces huit visages, signés par l’artiste Benoît van Innis, qui éclairaient depuis 2002 cet arrêt désormais funeste. Quand nous le rencontrons, moins de 24 heures viennent de s’écouler depuis la tragédie. La Une du Standaard est là pour le rappeler. Quand il a appris la nouvelle, il venait d’arriver dans son atelier, situé à Anderlecht. Depuis l’homme reste choqué, blessé.

De toute évidence, ce lieu est chargé d’émotion pour ce Brugeois, installé à Bruxelles depuis plus de 20 ans. « Cette station a représenté beaucoup pour moi. Ces portraits ont même été une étape importante dans ma vie, mais j’aurais préféré qu’ils soient détruits plutôt que la vie des victimes », nous dit-il, ému.

« Cela m’a pris quatre ans et avait demandé pas mal d’énergie pour rénover la station. Cet arrêt ne devait pas devenir ni un musée, ni une galerie d’art, mais il fallait toucher les gens immédiatement. Je me suis inspiré des métros parisiens avec leurs grandes affiches publicitaires qu’on ne peut déchiffrer que d’un arrêt à l’autre. Tout cela m’a donné l’idée de ce visage, symbolisant ces personnes nombreuses, la plupart anonymes, prenant le métro, ne se connaissant pas, ne se regardant pas, mais qui pouvaient trouver à Maelbeek un sourire, un regard dans leur course quotidienne. »

Quand on interpelle Benoît van Innis sur son travail, il évoque immédiatement la station de métro. « Ah, c’est vous, Maelbeek », lui rétorque-t-on régulièrement. « Les gens me disent que cet arrêt, c’est autre chose. J’ai toujours pris cela comme un compliment, presque un remerciement pour ce travail réalisé. »

Avec les événements de ce lundi, « cette autre chose » lui revient sans cesse en tête comme un coup de tonnerre. « Je ne sais même pas si mes portraits ont été touchés. Ce n’est pas là l’essentiel, d’ailleurs. La première étape, c’est que nous arrêtions d’accuser l’autre de quoi que ce soit. »

Même blessé, Bruxelles continuera pourtant bel et bien d’inspirer l’artiste. « Elle a beaucoup de défauts, mais autant de qualités. Je trouve cela très populiste d’incriminer des quartiers de Molenbeek ou de Schaerbeek. Ces attentats, c’est un hasard. Qu’on ne me dise pas qu’il n’y a pas de potentiels terroristes dans des quartiers de Munich ou Stockholm. Peut-être que demain, quelque chose d’affreux aura lieu dans une autre capitale. Je ne l’espère pas, mais ces terroristes n’ont qu’une idée : toucher à notre démocratie, à nos vies. » Comme seule réponse, Benoît van Innis en appelle à l’art, l’amour et la beauté face à ce non-sens de la misère.

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