Le CHU Saint-Pierre © Belga

Coronavirus: « Ne pas pouvoir respirer est très anxiogène »

Erik Raspoet Journaliste Knack

L’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles a déjà accueilli quinze patients infectés par le coronavirus. Deux d’entre eux sont décédés. « Étaler le pic sur plusieurs semaines : voilà l’enjeu », explique le médecin et directeur général Philippe Leroy.

Combien de patients atteints du corona avez-vous déjà hospitalisés ?

Philippe Leroy : Quinze (NLDR : chiffre du lundi 16 mars). Ils sont tous âgés, souvent atteints de problèmes de santé sous-jacents. Certains d’entre eux ont déjà été guéris et autorisés à rentrer, deux d’entre eux sont malheureusement décédés. Certains sont venus aux urgences eux-mêmes, d’autres ont été amenés en ambulance avec de graves problèmes respiratoires.

Quinze ? N’est-ce pas peu pour le principal centre du coronavirus de Belgique ?

À première vue, oui. Ces derniers jours, les urgences ont été très calmes, ce week-end personne n’a même été admis. Mais ne vous y trompez pas, c’est le calme avant la tempête. À la fin de cette semaine, au plus tard au début de la semaine prochaine, les chiffres augmenteront fortement. Mais nous sommes bien préparés. Toutes les interventions chirurgicales non urgentes ont été reportées afin que nous puissions transférer les respirateurs à l’unité de soins intensifs. Nos employés ont reçu une formation complémentaire, et il existe une liste de remplaçants qui peuvent aider en cas de pénurie de personnel. Ce sont toutes des mesures du plan d’urgence qui s’applique à tous les hôpitaux belges.

Le Covid 19 est-il une maladie douloureuse ?

Ce n’est pas comme une fracture ou une coupure grave, mais le fait de ne pas pouvoir respirer correctement est une expérience très effrayante. Les problèmes respiratoires aigus sont donc le principal critère pour décider d’une hospitalisation. Heureusement, le traitement est relativement simple et bien connu. L’important est d’oxygéner rapidement le patient afin que le niveau d’oxygène dans son sang ne baisse pas davantage.

Combien de temps dure une hospitalisation ?

Certains sont guéris après cinq jours et ne sont plus contagieux, pour d’autres ça va durer dix à douze jours.

Les patients ne sont pas autorisés à recevoir des visiteurs. Cela ne pèse-t-il pas sur leur moral ?

Ce n’est pas agréable, mais ils comprennent. Chaque visiteur représente un risque, surtout pour les autres sections. Le service de quarantaine lui-même est une île. Suite à la dépression permanente, aucune particule d’air infecté ne peut s’échapper.

Au total, il y a environ 1900 lits disponibles dans les services de soins intensifs belges. Cela suffira-t-il à absorber le choc ?

1900 lits, c’est en tout cas plus que ce que l’Italie avait en tête, toutes proportions gardées. La question de savoir si cela suffira dépendra du succès des précautions prises. Supposons que nous puissions répartir le pic sur douze semaines au lieu de six. Nous pourrions alors utiliser chaque lit deux ou même trois fois. C’est l’enjeu.

Le manque d’équipements de protection pour le personnel médical est très préoccupant. En tant que centre d’expertise pour les maladies infectieuses, Saint-Pierre dispose-t-il d’un stock suffisant ?

Heureusement, nous avons ce qu’il faut, mais je partage les préoccupations de mes collègues. Il y a une énorme pénurie de masques ordinaires et de masques chirurgicaux. Les médecins généralistes sont particulièrement exposés, alors qu’ils sont en première ligne contre l’épidémie. S’ils sont trop nombreux à être infectés, nous aurons des problèmes.

On entend souvent l’expression « médecine de guerre ». Une comparaison justifiée?

Pour l’Italie, elle est certainement justifiée, mais j’espère qu’on n’en arrivera jamais là.

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