La photo symbole du drame des migrants a fait la Une, suscitant l'émotion mais aussi la polémique. © BELGAIMAGE

Le 2 septembre 2015, Aylan émeut le monde

Chaque guerre a ses images, chaque drame a son visage. Ce 2 septembre-là, la crise migratoire adopte les traits d’Aylan. Etendu sur le sable, le corps sans vie du petit garçon est caressé par les vagues.

Le cliché affole les réseaux sociaux ; le lendemain, il fait la Une de tous les quotidiens. Le « dormeur de la plage » provoque une incroyable émotion citoyenne. Il est l’électrochoc dont cette crise avait besoin pour toucher les coeurs. Dorénavant, celle-ci ne sera plus seulement une affaire de chiffres et de politique, mais une question humaine. Un tournant ?

Parti de Syrie, Aylan Kurdi, 3 ans, s’était embarqué avec ses parents et son frère dans l’espoir de fuir les massacres de l’Etat islamique, et de gagner la Grèce. Mais en pleine nuit, le bateau chavire. Une tragédie : de la famille, seul le père survit. La mer refoule le corps des deux enfants sur la plage de Bodrum, en Turquie. Le 2 septembre, une photographe locale, Nilüfer Demir, s’y promène. « J’ai simplement voulu refléter le drame de ces gens », racontera-t-elle après avoir pris le cliché d’Aylan.

Rapidement, l’affaire suscite la polémique. Car presque aussi vite que la photo se propagent les rumeurs. D’après certains, l’image serait le fruit d’une mise en scène. Jamais les vagues n’auraient pu rejeter le corps d’une manière si peu naturelle, grince-t-on. Et comment expliquer cette autre photo, montrant un policier turc aux côtés du corps d’un enfant si semblable à Aylan, mais situé, lui, au pied d’une falaise ?

Sur les réseaux sociaux, on dénonce. « Photo indécente », « chiens de journalistes », s’ébrouent les plus polis. Les plus cyniques s’attaquent, eux, à la famille. Pourquoi l’enfant ne portait-il pas de gilet de sauvetage ? Et était-il bien raisonnable de s’engager sur une mer agitée dans une si fragile embarcation ?

Tandis que les complotistes complotent, les politiques prennent la main. « Une image fait le tour du monde », lâche le président français François Hollande, dès le 3 septembre, en conférence de presse. « Un enfant est retrouvé noyé sur une plage en Turquie parce que sa famille voulait rejoindre la Grèce, et l’Europe. C’est une tragédie mais c’est aussi une interpellation à l’égard de la conscience européenne. » Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, invite, lui, à « trouver des réponses européennes à un problème qui ne peut pas être résolu par les Etats individuellement ». En Belgique, Bart De Wever, président de la N-VA, se distingue. « Nous sommes punis parce que nous sommes si généreux. La Belgique est un aimant pour les réfugiés », ose-t-il dans la presse.

Alors, un tournant ? Oui, car sous la pression de leurs opinions publiques, plusieurs Etats européens annoncent rapidement leur intention d’augmenter leurs capacités d’accueil. Mais non, car s’ensuit bien vite la fermeture des frontières et un accord controversé avec la Turquie. Et parce qu’Egée et Méditerranée demeureront les mers de nombreux naufrages.

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