Mélanie Geelkens

Une sacrée paire par Mélanie Geelkens: « les extrémistes sont celles qui n’ont pas le bon goût de se limiter à des luttes convenues » (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

L' »extrémisme », tel que brandi par les antiféministes, semble surtout s’appliquer à celles qui affichent des comportements somme toute masculins. Ouvrir sa gueule, adopter des positions tranchées, provoquer. Les « extrémistes » semblent être toutes celles qui n’ont pas le bon goût de se limiter à des luttes convenues.

Quand mâle fâché, lui toujours faire ainsi: « Bande de féminazies! » Ou, craché moins virulemment: « Ces féministes, toujours à exagérer. » Sorte de point Godwin des débats sur l’égalité des genres, qui aboutissent quasi systématiquement à qualifier celles qui se piquent d’y participer d’extrémistes. Il s’agit d’ailleurs d’une demande récurrente, émanant de certains lecteurs des présentes lignes. « Toujours blâmer les mecs, mais faudrait pas oublier de parler aussi de toutes celles qui abusent, hein! » (en substance). Que vos voeux soient exaucés, chers amis.

Cette thématique valait même bien deux chroniques ; celle du numéro du 21 janvier portant sur l’auteure américaine Valerie Solanas qui entendait « tailler les hommes en pièces ». Les exterminer. Au sens propre, pas au figuré. En voilà, une enragée! Décédée toutefois depuis 1988, plus vraiment d’actualité. Mais quelles autres, au fond, messieurs? Adèle Haenel, l’actrice qui se lève et qui se casse quand les Césars récompensent un type accusé de viols sur mineures? Alice Coffin (photo), l’autrice du Génie lesbien qui boycotte les oeuvres masculines? Pauline Harmange, l’essayiste qui a titré son ouvrage Moi les hommes, je les déteste?

Il ne faudrait pas confondre u0022du0026#xE9;tester les hommesu0022 et u0022du0026#xE9;noncer les privilu0026#xE8;ges masculinsu0022.

C’est faiblard, tout ça. L' »extrémisme », tel que brandi par les antiféministes, semble surtout s’appliquer à celles qui affichent des comportements somme toute masculins. Ouvrir sa gueule, adopter des positions tranchées, provoquer. Irritant, apparemment. Mais pas de quoi être considérées comme des terroristes pour autant.

En creusant davantage, les « extrémistes » semblent être toutes celles qui n’ont pas le bon goût de se limiter à des luttes convenues, telles que l’égalité salariale, l’accès à des postes de direction, la contraception. Celles qui font les malignes avec leurs « patriarcat », « oppressions », « cisgenre »… Celles qui ne font pas semblant de croire que, malgré l’un ou l’autre petit réglage mineur, la parité serait désormais acquise. Et qui répètent que nous ne vivons qu’une illusion de l’égalité. Dérangeant, assurément. Mais absolument vrai, pourtant.

Lire aussi la sacrée paire de perscutées et de persécutés.

Certaines en deviennent misandres. Oh les vilaines! Comme c’est offensant! Celles-là se trompent certainement de combat, le changement n’arrivera pas en exécrant, mais en impliquant. Cette minorité mise à part, il ne faudrait toutefois pas confondre « détester les hommes » et « dénoncer les privilèges masculins ». Qui ne sont pas le fait de tous les hommes (#NotAllMen, le hashtag est à la mode), mais qui profitent par contre à tous.

Force est dès lors de constater chez certaines militantes un durcissement de ton. Ou, pour le dire comme l’écrivaine Virginie Despentes (dans M, le magazine du Monde): « Je n’ai jamais vu des jeunes féministes aussi vénères qu’elles le sont actuellement. » Si l’extrémisme signifie l’énervement, alors là, d’accord. Mais, bien qu’elles aient longtemps essayé, les femmes n’ont jamais obtenu aucun changement en le demandant gentiment. Et puis, les excès de certaines ont au moins le mérite de mettre le doigt, bien profond, sur des sujets qui sans cela n’auraient pas suscité le débat. Crier fort pour être faiblement entendues. Exiger beaucoup pour soutirer un peu. Avec le courage que cela implique. Les éditeurs de Pauline Harmange ont été menacés de poursuites judiciaires. Alice Coffin a perdu certaines collaborations professionnelles et a dû être placée sous protection policière. Et elle en est où, depuis les César, la carrière d’ Adèle Haenel?

« Arrondir, c’est bon pour les seins »

Tout le mois de février, les magasins Carrefour s’associent à l’asbl Pink Ribbon pour récolter des fonds pour la lutte contre le cancer du sein, en proposant « l’arrondi solidaire ». Les clients auront la possibilité d’arrondir le montant de leurs achats à l’euro supérieur, et la différence sera reversée à l’association. En 2018, la chaîne de supermarchés avait ainsi récolté 226 428 euros au profit des Banques alimentaires.

80.000

posts reprenant le hashtag #MeTooInceste ont été diffusés en deux jours sur Twitter, les 16 et 17 janvier. Le collectif français Nous toutes avait lancé l’initiative, après la publication du livre La familia grande de Camille Kouchner, en coordonnant la publication de 180 tweets simultanés. « Et c’est tout de suite parti super fort, a commenté l’association dans le journal Le Monde. On est toujours surpris, quand une campagne rencontre autant une réalité, mais en même temps on le sait, la France a un problème avec l’inceste. »

La phrase

« Il faut distinguer les critiques justifiées du féminisme – qui comme tout mouvement, aussi juste soit-il, peut comporter quelques dérives – des attaques émanant des vieilles idéologies dont une partie de la population ne veut se départir. »

La sociologue franco-israélienne Eva Illouz, dans El Pais, qui compare le féminisme au christianisme, dans le sens où tous deux aspirent à un changement radical des comportements et mènent un combat culturel « puissant ». A la seule différence que le féminisme « n’a jamais compté sur l’aide des Etats ni des armées pour être défendu ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire