Georges-Louis Bouchez, président du MR © BELGA IMAGE

« Si Bouchez reste président, je m’en frotte les mains »

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Chantre de la « particip-opposition », Georges-Louis Bouchez irrite à la fois les vrais partis de l’opposition et ceux de la majorité, comme l’ont encore démontré les récentes polémiques liées au reconfinement. Pourtant, au final, tous se réjouissent de cette agitation, qui fragiliserait le MR et donc pourrait être bénéfique aux autres formations.

Bébé Bouchez. « Qu’est-ce qu’on va faire de lui? », s’interroge Sophie Wilmès sous le crayon de DuBus dans La Libre. « Il va falloir aller jouer ailleurs, Georges-Louis », prévient Frank Vandenbroucke sous celui de Kroll dans Le Soir. Agitant un hochet et détruisant tous ses jouets dans la première caricature, lance-pierre à la main dans la seconde. Le même jour (soit le 26 mars), les deux dessinateurs de presse ont eu la même idée pour illustrer la fermeture des écoles maternelles en cette semaine de prévacances de Pâques. Transmission de pensées. Bébé Bouchez pas content.

Georges-Louis Bouchez est brillant, mais clivant. C’est un bon rabatteur, mais est-ce un bon dirigeant?

Il l’a fait savoir sur Twitter, dans la foulée du comité de concertation du mercredi 25 mars qui décidait de semi-reconfiner le pays. « Ce nouveau lockdown est bien évidemment un triple échec. » Bien évidemment, un triple échec approuvé par ses ministres siégeant au sein du gouvernement.

https://twitter.com/GLBouchez/status/1374701475650224128Georges-L BOUCHEZhttps://twitter.com/GLBouchez

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Alors, Sophie Wilmès s’est énervée très fort, comme une mère lassée d’avoir trop répété la même chose. Puis, Alexander De Croo s’est fâché tout rouge, comme un père au bord de l’épuisement face à un rejeton trop turbulent. « Ça ne peut plus continuer comme ça », aurait dit en substance le Premier ministre libéral, lors d’un kern. Et David Clarinval, ministre MR en charge des Indépendants, aurait plus ou moins acquiescé, comme un frère tiraillé entre sa loyauté et sa gêne face aux bêtises de son cadet.

Puis, les autres familles se sont aussi excitées. Trop, c’était trop, ça ne pouvait plus durer. Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier socialiste, l’a dit sur Bel RTL (« En d’autres temps, ça aurait provoqué la chute du gouvernement »). Catherine Fonck, cheffe de groupe CDH à la Chambre, l’a dit au Vif (« Ce qui me désespère, c’est l’impact de ces déclarations pour l’adhésion des gens. »). Un écologiste l’a dit, en off, dans La DH (« Cette situation a surtout des conséquences sur la place du MR et sa capacité à influencer le débat. Qui va encore écouter Georges-Louis Bouchez et ce que dira [son parti] au sein du kern? »).

Mais en réalité, les autres familles ne sont pas en colère, peut-être même pas irritées. Elles s’en réjouissent, plutôt, comme des cousins qui jubilent secrètement des déboires rencontrés par l’un des leurs qu’ils n’ont jamais réellement apprécié et avec qui ils n’ont nullement envie de partager un héritage. S’il continue à s’agiter, à irriter, à désolidariser sa propre fratrie, alors ce parent libéral pourrait bien faire baisser de lui-même la valeur de son legs électoral.

« Trois fois sur quatre à côté »

Il n’y a que Raoul Hedebouw, député fédéral et porte-parole du PTB, pour le reconnaître ouvertement: « Oui, comme il tire dans tous les sens, et trois fois sur quatre à côté… Georges-Louis Bouchez incarne cette arrogance libérale à merveille. Ses déclarations font souvent resurgir un vrai débat gauche-droite, et je ne vais pas m’en plaindre. » D’autant moins qu’il affirme être de plus en plus contacté par des petits indépendants qui « se sentent abandonnés par le MR, qui voient bien que ce n’est que de la com mais que sur le fond, les aides ne sont pas à la hauteur« . Le Liégeois affirme avoir participé à une trentaine de réunions avec des indépendants, depuis le début de la crise sanitaire. « C’est une structuration qui vient de la base », assure-t-il, en rappelant qu’un sondage a évalué les intentions de vote pour le parti d’extrême gauche parmi cette catégorie socioprofessionnelle à « 6-7% ». Ça semble étonnant, impossible, comme deux frères siamois qui ne se ressembleraient pas. Mais, après tout, aux élections de 2019, selon une étude du Cevipol (ULB), le PTB avait chipé 3,6% des électeurs du MR, mais l’inverse ne s’était absolument pas produit.

Marc Tarabella, député européen socialiste, l’avait aussi dit, en son temps sur le plateau de LN24, que Georges-Louis Bouchez pouvait continuer comme ça autant de temps qu’il voulait et que ça ferait les affaires de son parti, à lui. Mais « c’était avant le comité des 11 » (NDLR: structure interne mise en place pour encadrer le président libéral), précise le bourgmestre d’Anthisnes qui a, depuis, changé d’avis. « C’est peut-être un discours surprenant, de la part d’un président de parti, mais il va dans le sens d’une partie de son électorat et il doit être apprécié, par exemple, des coiffeurs (et je comprends leur énervement). »

Au CDH, dans le confort du off, on admet un « entre nous soit dit, moi s’il reste président, je m’en frotte les mains« . Et ça se comprend d’autant mieux que les libéraux et les humanistes sont en concurrence électorale directe, que les premiers aimeraient bien anéantir ce qu’il reste des seconds et que les seconds, pour se refaire une santé électorale, devront marcher sur les plates-bandes des premiers.

500 euros le post sponsorisé

« Tous les partis ont leurs petits problèmes, je ne veux pas trop critiquer, ce n’est pas simple d’être président », nuance cet interlocuteur qui sait de quoi il parle. « Mais, après, on espère tous que Georges-Louis Bouchez va rester à la tête du MR le plus longtemps possible. Il est brillant, mais clivant. C’est un bon rabatteur, mais est-ce un bon dirigeant? Saturer l’espace est une stratégie risquée, car après on n’est plus écouté sur ce qu’on a à dire sur les sujets importants. » Ou, comme l’exprimait Paul Magnette, président du PS dans Le Soir, sa parole « va se démonétiser toute seule, c’est ce qui est en train de se produire ».

« Georges-Louis essaie de faire de la politique autrement, d’offrir un discours alternatif, note cette élue libérale. Mais force est de constater que ça ne prend pas, qu’il n’arrive pas à fédérer. » Dans le dernier Grand Baromètre politique Le Soir/Ipsos/RTL, niveau popularité, il ne décollait pas de la 17e place en Wallonie et la 13e à Bruxelles. Il s’y applique, pourtant: en deux ans, le Montois a dépensé plus de 129 800 euros en publicité sponsorisée sur les réseaux sociaux. L’une des dernières, sur Facebook (qui a coûté entre 500 et 599 euros), portait sur son intervention dans l’émission Jeudi en prime, sur la RTBF. Le lien vers la vidéo était accompagné de ce message: « Ce qui m’indigne, c’est qu’alors que des milliers de personnes vont devoir fermer et réfléchir à une solution pour eux, on parle pendant des heures du tweet de Georges-Louis Bouchez. » Tant que l’on parle du post de Georges-Louis Bouchez…

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