Paul Magnette

Paul Magnette et la N-VA, c’est pile je perds, face tu gagnes

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La pièce est sur la tranche. Elle roule. Elle va tomber, un de ces moments. Pile ou face, Paul Magnette a choisi. Il a choisi de lancer la pièce avec Bart De Wever, président de la N-VA. Il joue l’avenir de sa jeune présidence, et celle de son vieux parti, à pile ou face.

Il négocie avec la N-VA, ce parti avec lequel il n’a, selon les propres mots de Paul Magnette, « rien en commun ». Surtout, Paul Magnette négocie avec un parti qui n’a rien à perdre. La N-VA n’a rien à perdre parce qu’elle est mobilisée sur une cause plus grande que son propre intérêt, ou que la conclusion ou non de négociations gouvernementales fédérales : l’indépendance de la Flandre.

D’ailleurs, la N-VA réclame depuis un an et demi l’ouverture de négociations avec le PS, et, en se pliant enfin à sa volonté, Paul Magnette l’arrange tout autant que lorsqu’il ne s’y pliait pas. Car pour la N-VA, si le blocage de la situation politique belge est un argument en faveur du séparatisme, la participation à un exécutif fédéral en est un levier.

On a beaucoup parlé, depuis un an et demi, de ceux qui plaident contre l’installation d’un gouvernement PS-N-VA : la gauche, les syndicats, les rouges, les verts, l’associatif, les militants, à qui Paul Magnette a envoyé hier mercredi un long mail. Les Jeunes socialistes, à qui Paul Magnette a exposé mercredi matin, via Zoom, ses derniers arguments. Les électeurs, à qui Paul Magnette aurait fait faire un sondage les montrant très divisés. Les Pensionnés, les féministes, les internationalistes, les immigrés, les francophones, les belgicains, les Bruxellois, et au début pas mal de wallingants. Tous ceux à gauche, en gros, que l’élection de Paul Magnette à la présidence du Parti socialiste avait gonflés d’un espoir fragile, celui du « Bel avenir du socialisme », c’était d’ailleurs le titre d’un des recueils de chroniques de Paul Magnette.

On a moins parlé, en revanche, de ceux qui poussent depuis un an et demi Paul Magnette à s’associer à la N-VA. Des gens qui veulent avec lui construire le socialisme en Belgique, et qui lui souhaitent ardemment le plus beau des avenirs. Des gens aussi bien intentionnés à son égard que le MR, l’Open VLD, le CD&V, les éditorialistes des grands journaux flamands, la FEB, le Voka ou le Palais Royal.

Pile ou face, Paul Magnette a choisi.

Ce sont eux, avant tout et avec la N-VA, que Paul Magnette gonfle d’espoir en s’en allant négocier un gouvernement avec Bart De Wever. Ce sont eux qui, après lui avoir reproché gravement son intransigeance pendant un an et demi, lui reprochent aujourd’hui gauloisement sa versatilité. Et tout ceci n’est rien à côté des siens, ceux du bel avenir du socialisme, qui, après l’avoir félicité gauloisement pour son intransigeance pendant un an et demi, lui reprocheront violemment sa versatilité dans les années qui viennent et pour toujours.

Car pile ou face, oui, Paul Magnette a choisi.

La pièce est sur la tranche. Un de ces moments, elle va tomber sur pile ou sur face.

Si Paul Magnette réussit, que les négociations se déroulent agréablement, qu’il devient formateur, voire Premier ministre, d’un gouvernement associant le PS à la N-VA, Paul Magnette aura échoué. Il aura trahi les siens, ceux du bel avenir du socialisme, et n’aura de toute façon pas convaincu les autres, ceux du MR, de la FEB ou du Palais Royal de voter pour lui.

Si Paul Magnette échoue, que les négociations se déroulent désagréablement, qu’il ne devient pas formateur, voire Premier ministre, d’un gouvernement associant le PS à la N-VA, Paul Magnette n’aura pas réussi. Il aura quand même un peu trahi les siens, ceux du bel avenir du socialisme, dont l’espoir aura fort dégonflé, et aura encore plus mis en colère les autres, ceux du MR, de la FEB et du Palais Royal.

S’il réussit, il échoue. S’il échoue, il ne réussit pas.

Paul Magnette a lancé la pièce face à Bart De Wever, et, pour le Carolo, c’est pile je perds, face tu gagnes.

Paul Magnette et la N-VA, c'est pile je perds, face tu gagnes
© Belga

Mais la pièce roule encore sur sa tranche, et entre la tête du Roi des Belges et les abstraites constructions désormais gravées sur les euros, elle n’a pas encore décidé d’où elle tomberait.

Il lui reste encore un peu de temps avant de tomber, ce temps que Paul Magnette et Bart De Wever se donnent pour jeter les bases d’une septième réforme de l’Etat. Ce temps qu’ils ont pour lancer la Belgique dans la plus abstraite de ses constructions, et, au vrai, la plus bancale de toutes ses aventures institutionnelles.

Si bancale qu’on n’aura jamais vu ça, car aucun parti sauf la N-VA ne l’avait à son programme électoral, car il faut cent sièges et ils n’en ont que 44, car il faut que tout le monde y participe et ils ne sont que deux, car il faut la préparer et Paul Magnette et sa jeune équipe n’y avaient jamais pensé, car il faut résister et ils vont se faire plumer.

Si bancale qu’on ne voit pas comment les libéraux, qui font croire depuis six mois, avec grand succès, qu’il y a vraiment neuf ministres de la Santé en Belgique, que c’est à cause d’eux que la Belgique était si mal préparée à la première vague qui l’a frappée, et qui prônent des refédéralisations alors que PS et N-VA ne parlent que de régionalisations, pourraient accepter de s’embarquer là-dedans.

Ils ne pourront que refuser un truc aussi ridicule, les bleus, et la pièce pourrait continuer à rouler sur sa tranche un petit moment.

Et puis, parce que cette bancale réforme de l’Etat serait proclamée impossible, la pièce, elle finirait par retomber sur un des côtés où on attend qu’elle tombe depuis un an et demi.

Ca serait pile avec le PS, face avec la N-VA. Ou bien ni pile ni face, ni PS ni N-VA : les joueurs relancent la pièce et redemandent à l’électeur quel côté il préfère.

Mais ils n’en veulent pas, des élections, les bleus. Ils l’ont déjà dit, et c’est vrai qu’ils ont l’habitude de changer d’avis, mais là, ils décident : constitutionnellement, même si le parlement dispose d’une majorité pour convoquer des élections, c’est le gouvernement qui a le dernier mot, et c’est justement là que se trouvent les bleus.

Et avec la N-VA sans le PS, il n’y a que l’Arizona. Et l’Arizona, avec ses 76 sièges et ses partis qui n’en veulent pas, n’était qu’un épouvantail, qui n’a épouvanté au PS que ceux qui avaient envie d’être épouvantés.

Alors avec le PS sans la N-VA il ne resterait plus que cette coalition Vivaldi réunissant les quatre familles rouge, verte, bleue et orange.

Celle qu’avait prônée Paul Magnette il y a longtemps, quand il disait que c’était soit la Vivaldi, soit les élections.

Alternative à laquelle il avait renoncé pour dire que c’était soit une tripartite minoritaire, soit les élections.

Alternative à laquelle il avait renoncé pour dire que c’était soit l’opposition, soit les élections.

Alternative à laquelle il avait renoncé pour dire que c’était soit s’associer avec la N-VA, soit aller dans l’opposition.

Alternative à laquelle il a renoncé mardi, dans son plus récent message vidéo, pour dire que c’était soit s’associer avec la N-VA, soit les élections.

https://twitter.com/PaulMagnette/status/1285256906404245510Paul Magnettehttps://twitter.com/PaulMagnette

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Alternative à laquelle il renoncerait, donc, pour aboutir à son ambition de départ.

On ne sait pas si le socialisme a un bel avenir, ni quand la pièce cessera de rouler sur sa tranche. Mais on sait déjà que ça aura tourné beaucoup.

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