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Kristof Calvo : les coulisses de son éviction

Muriel Lefevre

Il n’y a pas qu’au MR où l’ambiance est tendue après l’annonce du nouveau gouvernement. Du côté de chez Groen quelques dents ont aussi furieusement grincé. Avec comme source d’amertume, l’éviction pas très classe de Kristof Calvo. Récit d’une nuit qui aura commencé dans la joie pour se finir en larmes.

La nuit de mercredi à jeudi devait être l’un des points culminants de sa carrière. Après dix ans au Parlement – en 2010, il est devenu le plus jeune élu de tous les temps – l’ambitieux Calvo visait plus haut : un poste ministériel. Et pourquoi pas. Après tout n’avait-il pas négocié le nouvel accord de coalition ?

Sauf que sur son chemin, il y a eu Almaci. Si contrairement aux autres partis, le président de Groen n’a pas le privilège de nommer les ministres, puisque cet honneur revient au conseil du parti, un organe composé de cinquante membres élus, son avis n’en pèse pas moins lourdement dans la balance. Et Almaci, à la surprise générale, a proposé Petra De Sutter et Tinne Van der Straeten comme nouvelles ministres des Entreprises publiques et de l’Énergie. Retour sur ce que d’aucuns ont nommé la nuit verte des longs couteaux.

La nuit verte des longs couteaux

Le couperet tombe après une nuit d’euphorie où 98% des membres ont soutenu l’accord de coalition. Cet accord avait été défendu dans la soirée avec fougue par les trois négociateurs du parti que sont le chef de groupe à la chambre Kristof Calvo, la présidente Meyrem Almaci et le directeur politique Bogdan Vanden Berghe. S’il n’en laisse rien paraitre, Calvo sait pourtant déjà que ses chances d’avoir le poste de vice-premier ont considérablement diminué. Une demi-heure avant de prendre l’antenne pour convaincre les membres répartis dans divers kinépolis à travers le pays du bienfondé de l’accord de coalition, il a appris, mais pas par Almaci, que la présidente allait recommander Petra De Sutter et Tinne Van der Straeten au parti.

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Almaci© Belga

Ce choix serait le résultat des indications obtenues, à la demande de Meyrem Almaci, auprès des « parties prenantes » de Groen, soit une espèce d’enquête interne. Rien de personnel donc. Ce choix ne serait pas contre Calvo, mais pour les deux femmes. Peut-être, mais il existe depuis quelque temps déjà des tensions entre Almaci et Calvo. Ils sont en concurrence dans la province d’Anvers et ont tous deux une opinion claire sur la meilleure façon de mener une politique verte. Ils sont aussi tous deux restés sur place après des élections décevantes. Des rumeurs dans le parti annonçaient aussi que De Sutter préparait un coup d’éclat pour la présidence. « Meyrem est maintenant débarrassée de ce problème », susurre-t-on dans les couloirs. Les opposants à Calvo, et ils existent, affirment eux qu’il n’a pas l’endurance de De Sutter et qu’il est une cible bien trop attrayante pour l’opposition de droite. Pour preuve, au début de la semaine, la simple rumeur selon laquelle Calvo allait devenir ministre a fait exploser les gazouillis du côté de la droite flamande. Une source du parti dit dans De Morgen : « Il n’aurait jamais supporté un tel bombardement. » Autre source : « On peut dire beaucoup de choses, mais Meyrem a simplement suivi l’avis de l’enquête en interne qui était très clair : De Sutter était largement soutenu et considéré comme une ministre de premier plan »

Il n’empêche que ce qui était censé être une réunion de parti s’est soudain transformé en une lutte de pouvoir sinistre. Beaucoup dénoncent un véritable coup de poignard dans le dos. Si personne ne doute de Petra De Sutter en tant que vice-première ministre et que Van der Straeten, en tant qu’avocate spécialisée dans le droit de l’énergie est parfaite en tant que ministre de l’Énergie beaucoup regrettent la manière dont Kristof Calvo a été évincé. Lors de réunions successives avec la direction du parti et les députés verts, la proposition d’Almaci ne fait pas, et de loin, l’unanimité. On lui reproche aussi de n’avoir obtenu les entreprises publiques, mais sans la SNCB. Calvo lui-même, selon plusieurs sources, s’est battu comme un diable.

« C’était le chaos pendant des heures »

Ni les parlementaires de Groen, ni à la direction du parti on ne parvient à se mettre d’accord sur le tandem que l’on va proposer au conseil politique. Las, lorsque le conseil se réunit enfin à 3h30 du matin, c’est deux options qui se trouvent sur la table. De Sutter/Van der Straeten et Calvo/Van der Straeten. Le sort de Calvo est désormais entre les mains d’une cinquantaine de volontaires. Tous les membres du parlement et du conseil d’administration du parti sont présents et peuvent s’exprimer, mais ne peuvent pas voter. Almaci prend la parole en premier et précise une fois de plus que c’est le duo De Sutter/Van der Straeten qui bénéficie du plus grand soutien en interne. S’en suivent d’intenses discussions où il est clair que le sujet divise. Le vote est anonyme. Le vote est sans appel : Calvo n’est pas pris. Nul ne sait à combien de voix cela s’est joué, car le résultat exact n’est pas communiqué, bien que des sources soufflent que cela s’est joué à un cheveu.

A l’aube, si Calvo transpire la déception, il reste digne : « Ce n’est pas un déshonneur de laisser la place à deux dames de classe », dit-il dans un bref discours. Un point sur lequel personne au sein du parti n’ira le contredire. Avant de rajouter dans un souffle : « Ce n’est pas ma façon de faire de la politique. A six heures et demie du matin, De quoi faire dire à certains qu’il est peut-être temps de réviser le processus de nomination chez Groen pour éviter qu’un tel spectacle ne se répète.

Calvo annonce lui-même la nouvelle au monde via Twitter : « Après un très long débat, le Conseil du Parti Vert vient d’accepter la proposition de Meyrem Almaci. Je souhaite à Petra De Sutter et Tinne Van der Straeten tout le succès possible en tant que ministres ».

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