Pierre Havaux

Et la Flandre dans tout ça? L’inburgering par les dessins de Mahomet (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

En Flandre, depuis longtemps, on n’y badine pas avec l’inburgering, ce trajet d’intégration conçu à l’intention des nouveaux arrivants. Connaître les valeurs en vigueur dans sa terre d’élection est devenu un passage obligé.

Sale temps pour la liberté d’expression, quand montrer en classe des caricatures de Mahomet à des fins d’éducation civique équivaut à un arrêt de mort et à une exécution par décapitation. L’onde de choc causée par la fin atroce de l’enseignant français Samuel Paty ne restera pas sans suite en Flandre. Depuis longtemps, on n’y badine pas avec l’inburgering, ce trajet d’intégration conçu à l’intention des nouveaux arrivants. Apprendre le néerlandais, se familiariser avec la manière dont on vit et se comporte en Belgique, être correctement briefé sur les droits et les devoirs qui y sont la norme: au nord du pays, faire plus ample connaissance avec les valeurs en vigueur dans sa terre d’élection est devenu un passage obligé.

Pour favoriser la prise de conscience, user de dessins du Prophu0026#xE8;te en guise de matu0026#xE9;riel didactique ne doit pas u0026#xEA;tre contre-indiquu0026#xE9;.

La formule fait ses preuves même si l’assurance de sa réussite n’existe pas et l’horreur qui vient de s’abattre sur la France fait office d’électrochoc. Le terrorisme relève la tête, Bart Somers (Open VLD), en charge du vivre-ensemble au sein du gouvernement flamand, accuse aussi le coup. Annonce un passage en mode vigilance accrue.

Savoir comment acheter un ticket de bus, ou à quelle porte frapper pour espérer décrocher un emploi, a certes toute son utilité. Mais l’info conso montre ses limites quand on vise une intégration aboutie. L’égalité femme-homme, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la diversité sexuelle et de genre, le droit de caricaturer: il y a de ces découvertes, de ces confrontations qui peinent à s’ancrer dans certains esprits. Cela mérite bien un renforcement du volet « orientation sociale » de l’inburgering, la facette du programme qui s’attache à inculquer les valeurs fondamentales de la société, à commencer par le respect des libertés individuelles et de la diversité des opinions. Ce qui doit être connu et assimilé sera donc défini de manière plus précise. Un test standardisé, à réussir impérativement, sera introduit au bout du processus. La qualité des leçons données fera l’objet d’une inspection.

Mieux cadrer, mieux contrôler, mieux s’assurer du résultat: Bart Somers relève le niveau d’exigence. Et insiste: le processus passe par l’apprentissage « à supporter des choses qui sont permises dans une société fondée sur le droit à la liberté d’expression, même si ces choses peuvent être ressenties de façon douloureuse ou blessante ». Pour favoriser la prise de conscience, user de dessins du Prophète en guise de matériel didactique ne doit pas être contre-indiqué. « Je peux parfaitement concevoir, je trouverais même que cela fait sens, que l’on discute des dessins représentant Mahomet, qu’on les montre même, comme d’autres dessins susceptibles d’être perçus comme blessants par certains. » Savoir surmonter et maîtriser son indignation sans verser dans la violence ou le discours haineux est un pilier du vivre-ensemble.

Naturellement, le Vlaams Belang a réclamé du ministre qu’il aille plus loin. Que soit rendu obligatoire le fait de mettre le Prophète caricaturé sous les yeux des musulmans. En jeteur de ponts, Bart Somers balaie le procédé bassement stigmatisant: cibler une religion, ce serait s’enfermer dans une approche ségrégationniste de l’intégration, tuer le débat, étouffer la liberté d’expression.

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