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Déconfinement: faut-il avoir peur du retour des enfants à l’école ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Certains parents hésitent à remettre leur enfant à l’école la semaine prochaine. Ils préfèrent, par exemple, qu’ils soient gardés par les grands-parents. Quels sont les risques ? Le point avec Yves Coppieters, professeur en épidémiologie à l’ULB.

Pour certains élèves, le retour à l’école aura lieu dès la semaine prochaine. D’autres élèves seront confiés à la garderie de l’école, comme cela a été le cas depuis le début de l’épidémie pour les enfants du personnel soignant notamment. Pourtant, de nombreux parents s’interrogent sur le risque que représente cette reprise, certes progressive, de la vie sociale et scolaire.

Levif.be : A partir de la semaine prochaine, certains parents préfèreront confier les enfants aux grands-parents plutôt qu’à l’école, car ils pensent que le risque est moindre. Est-ce une bonne réflexion ?

Yves Coppieters : Je n’ai pas d’avis tranché sur la question. Ce sont des décisions individuelles et familiales. Reprendre l’école est nécessaire pour les familles où les enfants ont vraiment un besoin de scolarisation et/ou de reprendre les activités sociales. Mais le risque sanitaire de ramener le virus dans la cellule familiale est réel. C’est une décision « bénéfices-risques » que chaque famille doit prendre par rapport à sa famille et aux personnes à risques au sein de sa cellule familiale. Il faut aussi prendre en compte sa propre gestion de l’anxiété.

La responsabilité ne doit pas être que l’affaire des parents, mais aussi des écoles et du pouvoir organisateur. Est-ce que l’école est capable de mettre en place les gestes barrières ? Si ce n’est pas le cas, par manque de matériel, de ressources humaines, de locaux adaptés, l’école ne doit pas le faire. C’est dur de ne laisser cette responsabilité qu’aux parents. C’est une responsabilité institutionnelle. Outre les mesures déjà annoncées (port du masque des enseignants, 4m² par élève, 8m² par professeur,…) le gros enjeu, c’est surtout l’accès à du savon et à suffisamment de points d’eau pour se laver les mains régulièrement. Si l’école n’est pas prête, elle doit avoir le courage de retarder cette rentrée scolaire, le temps de se mettre en ordre de marche.

Il n’y a donc pas une option « plus sûre » que l’autre ?

Tout à fait. Les deux comportent des bénéfices, mais aussi des risques. Les bénéfices du retour à l’école, c’est la reprise d’une vie sociale, l’éducation, Mais les risques sont là. Si l’enfant a été protégé pendant deux mois grâce au confinement, il est à risque de s’infecter et de ramener le virus à la maison. Est-ce grave de ramener le virus à la maison ? Non, si les personnes se font tester dès l’apparition de symptômes, maintenant que le testing est beaucoup plus large, et que les personnes s’isolent s’il est positif. Ce qui est grave, c’est s’il y a une personne âgée et/ou fragile dans le foyer, et que le virus a rencontré cette personne. Dans ce cas précis, la stratégie n’aura pas été bonne.

Il s’agi aussi de tester un scénario de fonctionnement au niveau des écoles en vue de la rentrée de septembre. Aura-t-on une rentrée « normale » en septembre ? Il est impossible de faire des projections. Mais ce qui va se passer maintenant au niveau des écoles est un peu une « phase pilote ». L’ouverture pourrait être plus classique et plus « normale ». Mais cela dépendra aussi de l’évolution de l’épidémie et de la présence du virus ou non en septembre. On espère qu’avec la chaleur et l’été, le virus va diminuer sa présence dans l’environnement. Mais est-ce qu’il risque de revenir avec l’hiver ? On n’en sait encore rien.

La distanciation sociale, les mesures barrières sont peut-être plus faciles à mettre en place à l’école, où il y a des modalités strictes et un cadre défini, plutôt qu’avec la famille, où on est forcément davantage tenté de se rapprocher physiquement.

Si l’enfant et les grands-parents ont été protégés pendant un mois et que personne n’est malade, il n’y a pas de raison qu’ils s’infectent les uns les autres. S’ils sont sûrs de ne pas être contaminés, il n’y a pas de risque. Même si on ne peut jamais être sûrs puisqu’il y a des formes asymptomatiques du virus.

Le risque est plus important pour l’enfant qui, à l’école, va rencontrer beaucoup de population, amis et milieux sociaux différents. Il y aura toujours des moments où la distance de sécurité entre enfants ne sera pas respectée. Le risque de transmission est à l’extérieur, et c’est de l’extérieur qu’on le ramène au sein de la famille.

Concernant la contamination des enfants par le coronavirus, on entend tout et son contraire. Que sait-on aujourd’hui ?

Il faut s’informer et faire ses choix en fonction des connaissances. Ce que l’on sait, c’est que l’enfant peut avoir la maladie. Il va développer des formes moins graves ou peu symptomatiques. Or, les personnes qui sont peu symptomatiques ont une charge virale moins importante, ils ont moins de risques de transmettre la maladie. Cette transmission est possible, mais comme l’enfant a en général une charge virale plus faible, il a moins de probabilité de le transmettre à quelqu’un d’autre. Mais cette probabilité n’est pas nulle pour autant. Bien sûr, il peut y avoir des formes graves chez l’enfant, mais c’est exceptionnel.

On confronte souvent reprise économique et reprise de la vie sociale, notamment en sous-entendant que la bulle familiale est plus à risque que l’environnement de travail, par exemple. C’est le cas ?

Si le monde du travail arrive à mettre en place les règles qui leur sont imposées en termes d’hygiène, de distance de sécurité et de port du masque, il n’est à priori pas un milieu où on va s’infecter. Il en va de même pour les magasins. La cellule familiale reste un endroit plus dangereux parce qu’on touche les mêmes objets, on est ensemble dans la même pièce, il y a de la promiscuité… Dans le cas où quelqu’un est malade, on a beaucoup plus de chance de s’infecter chez soi que dans le milieu du travail ou lors de loisirs où chacun joue les règles de sécurité. Les transports en commun sont aussi à risque, de même que toutes les situations où on n’arrive à pleinement appliquer les gestes barrières.

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