Dépistage à large échelle: l'objectif reste de débusquer des clusters. © BELGA IMAGE

Covid: les tests rapides peuvent-ils sauver l’école?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Tester plus vite et pister les « supercontaminateurs »: c’est la stratégie que la Flandre a choisi de mener dans ses quelque 4 000 établissements scolaires. Une option que défendent des experts mais qui ne convainc pas les francophones.

Tout sauf la fermeture. C’est le mot d’ordre scandé depuis des semaines de toutes parts, par les pédiatres, les experts de la santé mentale, les syndicats enseignants… Alors que, dans le même temps, l’inquiétude ne cesse de grimper – chez des scientifiques comme au sein d’exécutifs, surtout en Flandre – face à la menace que constituent les variants plus contagieux, particulièrement celui venu du Royaume-Uni. Les écoles « peuvent être une source de contamination », estime le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, qui s’exprimait sur la VRT. « Nous savons ce que nous devons faire: tester, tester, tester, isoler, et vacciner, vacciner, vacciner. »

Ainsi la Flandre a fait savoir qu’elle est désormais prête à déployer ses tests antigéniques en milieu scolaire. Sa commande de 4 millions est arrivée à la mi-novembre. Un million est réservé pour les personnels enseignants et les élèves.

Pour les francophones, les tests rapides ne seraient pas efficaces pour repérer les asymptomatiques ni dépister les nouveaux variants.

Ces tests antigéniques se font à partir d’un prélèvement nasopharyngé, mais leur technique diffère de celle des tests PCR. Les premiers détectent les protéines qui entourent le noyau du virus, c’est-à-dire les antigènes ; quand les seconds identifient, grâce à une machine en laboratoire, le matériel génétique du Sras-CoV-2.

Par ailleurs, le mode de lecture des antigéniques est plus simple, consistant en une bandelette colorimétrique, sur le modèle des tests de grossesse. Le résultat s’affiche au bout de quinze à trente minutes seulement, tandis que les PCR délivrent, dans des conditions optimales, un diagnostic en vingt-quatre heures. Ces tests s’avèrent nettement moins coûteux que les PCR: une dizaine d’euros contre une quarantaine. Moins sensibles, ils présentent une limite: des sujets infectés risquent de passer sous les radars. La méthode se révèle en effet moins performante en cas de faible charge virale, ce qui risque d’entraîner des faux négatifs. En revanche, ils repèrent très bien les personnes contagieuses. C’est pourquoi Sciensano recommande de les utiliser en priorité chez les cas symptomatiques, uniquement dans une fenêtre de cinq jours après l’apparition des premiers symptômes.

« L’enjeu, c’est de gagner du temps, insiste Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’ULB. Il ne s’agit pas d’une solution parfaite mais elle est la plus rapide pour l’instant. » Les experts, en tout cas, sont unanimes: les tests rapides sont intéressants dans le cadre d’opérations de dépistage à large échelle ciblant des personnes susceptibles d’être contaminées. En résumé, l’objectif reste alors de débusquer un cluster, d’écarter rapidement les malades (surtout ceux qu’on qualifie de « supercontaminateurs » qui peuvent provoquer des flambées) et, puis, de tenter de contenir le foyer. « C’est un outil de crise efficace en phase ascendante de la propagation du virus, ce qui est le cas », poursuit l’expert. L’ outil permet aussi d’éviter un débordement des services de dépistage et de traçage. Ce que peu de pays ont réussi à contourner, la Belgique en tête.

Quand une contamination est repérée, les contacts à haut risque sont soumis, à l'école et dès le premier jour, à un test rapide.
Quand une contamination est repérée, les contacts à haut risque sont soumis, à l’école et dès le premier jour, à un test rapide.© BELGAIMAGE

Aller vite, donc, plus vite encore. Car, selon le ministre Ben Weyts, en charge de l’enseignement en Flandre, le dispositif actuel faisait perdre un temps précieux. Pour rappel, quand un élève est infecté, les centres flamands d’orientation retracent les contacts rapprochés. Par sécurité, ceux-ci sont en quarantaine pendant dix jours, mais ne sont pas soumis à un test PCR avant le septième jour. Dont il faut alors le résultat parfois plus d’une journée. « On perd sept jours durant lesquels nous ne savons pas si des contacts à haut risque asymptomatiques sont infectés », explique Ben Weyts.

En pratique, désormais, quand une contamination est repérée, les contacts à haut risque (c’est-à-dire ceux de plus de 15 minutes et à moins de 1,5 mètre de distance) sont soumis, à l’école et dès le premier jour, à un test rapide. La règle vaut même en primaire (comme en Wallonie et à Bruxelles, d’ailleurs): si un écolier est testé positif, tous ses camarades qui ont été assis à ses côtés, en classe ou ailleurs, doivent aussi se faire tester. Si le résultat est négatif, un second test, après sept jours, sera un PCR. Entre-temps, à titre préventif, les hauts risques doivent rester en quarantaine. Si le test PCR se révèle également négatif, ils peuvent retourner à l’école. En outre, dès qu’un cluster potentiel est identifié en milieu scolaire, des équipes mobiles seront déployées. « Nous continuons à faire tout ce qui est possible pour maintenir les écoles ouvertes, note Ben Weyts. Dans certains cas, cela signifiera la fermeture d’une ou plusieurs classes, dans d’autres, il faudra quand même fermer toute une école. »

En Wallonie et à Bruxelles, on préfère continuer à ne miser que sur les tests PCR, que les contacts à haut risque doivent réaliser dans un centre proche de chez eux ou de leur établissement scolaire. Car l’initiative flamande ne convainc pas du tout les francophones. Motif: selon eux, les scientifiques indiquent que les tests rapides ne seraient pas efficaces pour repérer les asymptomatiques ni dépister les nouveaux variants.

Deux stratégies, donc, mais, ici, des experts divisés. Ainsi, parmi eux, certains rappellent que, même si la preuve n’est pas tout à fait faite, il semble que si le test antigénique est négatif, la personne n’est probablement pas contaminante, du fait de sa faible charge virale. Dès lors, rien ne s’opposerait à le déployer en milieu scolaire. « Cela a du sens et tout dépend de la collectivité au sein de laquelle la technique est mise en place. Dans les maisons de repos, ce n’est pas indiqué, mais dans les écoles, le risque demeure raisonnable », avance Yves Coppieters.

Reste aussi cette question: que faire des élèves non testés qui reviennent en cours? Des cas ont ainsi été rapportés dans plusieurs établissements scolaires – comme en entreprises. Pour Yves Coppieters, suivis par plusieurs de ses collègues, les services de santé doivent intervenir dans les établissements scolaires et équipés de tests antigéniques. Et de conclure: « Il y a plus d’acceptation si on dit tout de suite à une personne qu’elle est infectée. » Le vrai bienfait, la plus-value des tests antigéniques est sans doute aussi collatéral. Les résultats sont communiqués à une personne physique, que les agents sanitaires peuvent donc sensibiliser en direct. Un dispositif rapproché propre à améliorer de manière subtile le respect de la consigne d’isolement, qui, elle aussi, pèche encore.

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