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Afghanistan: comment la difficile opération de rapatriement de 470 Belges s’organise

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

« Red Kite », l’opération militaire belge d’évacuation de 470 Belges présents en Afghanistan a commencé. Comment va-t-elle se dérouler alors que le chaos règne dans la capitale afghane et autour de son aéroport? Eléments de réponses avec les différents ministres responsables.

L’opération militaire belge « Red Kite » s’annonce fastidieuse et incertaine: ramener à la maison en toute sécurité près de 500 ressortissants belges ou ayants droits d’Afghanistan, alors que sur place la situation est hors de contrôle, mouvante d’heure en heure et que la communication avec les talibans qui ont repris possession du pays est pavée d’obstacles.

La Belgique a mis sur pied en quelques heures seulement suite aux récents évènements qui se sont accélérés à Kaboul cette opération militaire de rapatriement des Belges (Non-Combattant Evacuation Operation).

Plus aucun vol commercial n’est affrété à l’aéroport de la capitale afghane, dont une partie a été protégée durant des années par des troupes belges. Un premier avion C-130 de l’armée a décollé ce mercredi matin depuis l’aéroport militaire de Melsbroek à destination d’Islamabad au Pakistan, d’où la Belgique opérera ses vols de rapatriement, selon des informations communiquées par la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS).

Un second C-130 a décollé ce mercredi ainsi qu’un A400M. Il s’agit du nouvel avion-cargo de la composante aérienne qui succède au C-130. Un Falcon 7-X de la Défense s’est déjà envolé ce mardi de Melsbroek pour se prépositionner au Pakistan en vue de cette mission. Les avions de transport effectuant la mission ont une capacité d’emport de 100 personnes pour l’A400 M, et de 50 à 70 personnes par C130.

Depuis la capitale pakistanaise, une zone considérée comme sûre, seuls les deux C130 feront le déplacement vers Kaboul. La Défense a demandé des créneaux horaires permettant aux deux engins de se poser dès vendredi matin dans la capitale afghane. L’opération pourra durer plusieurs jours, aucune information sur le timing de l’arrivée des ressortissants n’a pu être communiquée.

Quinze soldats d’élite

Le détachement militaire complet se compose d’une centaine de personnes, sans plus de précisions par mesures de sécurité, spécifie la Ministre de la Défense Ludivine Dedonder. Quinze soldats d’élite font partie de l’opération. Ce sont des membres du régiment d’opérations spéciales, qui fait partie de la composante terrestre. Ils sont spécialement formés pour ramener les civils des zones de crise chez eux. Ils s’occuperont de la sécurité sur place.

En théorie, il s’agit de la sécurisation de l’aéroport de Kaboul, mais ce sont les Américains qui s’en chargent à l’heure actuelle. Les soldats d’élite devront principalement s’assurer que les personnes évacuées montent à bord des avions en toute sécurité. La dernière fois qu’un détachement NEO a été envoyé, c’était en 1997. A cette époque, les parachutistes sont restés deux mois dans la capitale congolaise Brazzaville, mais n’ont pas eu à évacuer de Belges, rappelle le quotidien flamand HLN.

470 Belges à évacuer d’ici vendredi

« Le but est de ramener à la maison en toute sécurité les ressortissants belges et les membres de leur famille« , avance la Minitre des Affaires étrangères Sophie Wilmès (MR), lors d’une conférence de presse virtuelle tenue conjointement ce mercredi après-midi avec la Ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS) et le Secrétaire à l’Asile et à la Migration Sammy Mahdi (CD&V).

470 personnes – 100 ressortissants belges et les membres de leur famille – se sont signalés à l’heure actuelle auprès de l’ambassade de Belgique au Pakistan, également responsable pour l’Afghanistan, en exprimant le souhait de revenir rapidement en Belgique, indique Sophie Wilmès. Un nombre qui ne fait qu’augmenter jour après jour, ils n’étaient qu’une trentaine vendredi passé et une centaine en début de semaine. Les premiers rapatriements devraient avoir lieu d’ici vendredi si la situation sur place le permet.

Des Afghans travaillant pour les institutions belges, européennes ainsi que des activistes d’ONG dans le domaine des droits des femmes ou des hommes sont aussi sur les listes d’évacuation. Des afghans qui ont aidé des militaires en tant qu’interprètes peuvent dans ce contexte demander l’asile en Belgique car leur vie est menacée par les talibans. Des dossiers individuels seront traités par le cabinet à l’Asile et à la Migration, dans l’urgence. Pour l’heure, une quarantaine de ces personnes sont autorisés à venir en Belgique selon le cabinet de l’Asile et la Migration.

« De nombreux Afghans ont des liens avec la Belgique : des partenaires afghans, des enfants dont un parent est belge, des interprètes qui ont aidé nos militaires, des employés d’organisations belges de défense des droits des femmes en Afghanistan, etc.« , explique Sammy Mahdi (CD&V). « Pour les Afghans évacués via la Belgique, je fournirai un visa humanitaire. C’est une obligation morale« , avait-t-il déjà annoncé en début de semaine.

Passage difficile aux check-points

La Ministre Wilmès évoque la difficulté pour certaines personnes de montrer un passeport belge aux check-points dressés par les talibans sur la route de l’aéroport, pour diverses raisons administratives comme l’absence de regroupement familial pour le conjoint et les enfants. Selon des témoins sur place, seules les personnes avec un passeport occidentale seraient autorisées à passer les points de contrôle. Les talibans n’hésitent pas à faire preuve de violence.

Des procédures administratives pour collecter ces informations sur le lien effectif avec la Belgique sont réalisées dans l’urgence. « Un screening administratif est en cours pour vérifier l’appartenance de ces personnes avec notre pays », explique le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration.

Des contacts avec les talibans doivent par ailleurs avoir lieu de la part de la communauté internationale pour les convaincre du statut des personnes qui n’ont pas de document d’identité en bonne et due forme mais qui ont le droit d’être rapatriées. La communication est difficile car les talibans n’ont pas de structure hiérarchique claire et la situation sur le terrain est chaotique.

« Une opération complexe »

« L’évacuation est une opération complexe. Les informations venant du terrain sont difficiles à obtenir, elles sont changeantes d’heure en heure », déclare Sophie Wilmès.

L’opération est menée en coordination avec les autres pays sur place moyennant la sécurisation de l’aéroport par l’armée américaine, précise Ludivine Dedonder.

Dans ce contexte de solidarité internationale, un ressortissant belge a déjà été rapatrié mardi à bord d’un vol français et seize autres ont embarqué à bord d’un avion de transport C-17 affrété par les Pays-Bas, a-t-on appris mercredi de sources concordantes.

Afghanistan: comment la difficile opération de rapatriement de 470 Belges s'organise
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Des nombreux pays occidentaux ont dépêché des moyens militaires à l’aéroport international de Kaboul pour évacuer leurs ressortissants. C’est notamment le cas des États-Unis, de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas. L’Allemagne transfère ses ressortissants à Tachkent en Ouzbékistan et la France opère depuis les Émirats arabes unis.

L’armée de l’Air française a évacué 216 personnes dans la nuit de mardi à mercredi – soit une grande partie des personnes réfugiées à l’ambassade de France à Kaboul, dont 184 Afghans. Parmi elles figurent un Belge, a appris l’agence Belga de bonnes sources, ainsi que quatre Néerlandais, selon la presse française.

Chaos à l’aéroport

Le trafic aérien militaire à Kaboul a repris après avoir été arrêté mardi en raison du grand chaos sur les pistes de l’aéroport .

La question reste de savoir comment les Belges et les autres personnes qui souhaitent utiliser les vols de rapatriement se rendront sans encombre à l’aéroport. La situation dans la capitale et à l’aéroport même est très compliquée. Les militaires belges ne procéderont en effet pas à des exfiltrations de ressortissants: ils ne vont pas transférer des Belges du territoire occupé vers l’aéroport, avance HLN.

Pas de précision sur le retour

Sophie Wilmès évoque encore la difficulté d’accéder à temps à l’aéroport pour les personnes qui veulent quitter le pays. Les premiers rapatriements sont annoncés pour ce vendredi mais dans cette situation compliquée qui évolue d’heure en heure, il n’est pas possible de savoir quand les Belges seront de retour sur le sol belge. « Tout dépendra des capacités de l’aéroport, de la sécurité sur place et de la coordination avec les autres pays », détaille Ludivine Dedonder, ministre de la Défense.

« Tout est ‘just in time’, tout se fait à la minute et dépend d’énormément de contingences administratives et de la coordination avec les autres pays », ajoute Sophie Wilmès. « L’aide avec les autres pays qui rapatrient n’est pas si évidente, des vols repartent à vide car les personnes n’arrivent pas à temps à l’aéroport ou sont bloquées aux check points par les talibans », déplore-t-elle.

Les Affaires étrangères conseillent aux personnes sur place de ne pas se rendre inutilement à l’aéroport et de rester chez eux. Les ressortissants seront contactés par les Affaires Etrangères quand leur vol sera prêt et que leurs papiers seront en ordre.

Pourquoi « Red Kite » ?

L’opération a été baptisée Red Kite. Il s’agit d’une référence à l’opération Red Bean, au cours de laquelle, en 1978, des parachutistes belges ont sauvé plus de 2 300 Belges en 55 heures de ce qui était alors le Zaïre (République démocratique du Congo), explique De Morgen.

(Avec Belga)

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