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A la découverte des légendes de Wallonie: sur les pas de la Dame au fagot à Dinant

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

La Belgique est terre de contes et de légendes. Leur histoire s’est souvent effacée avec le temps. Pas leurs lieux. Le Vif/L’Express vous y emmène, en six balades fantastico-touristiques.

Pendant six semaines, Le Vif vous emmène à la découverte des contes et légendes de Wallonie. Cette semaine : en route vers la province de Namur. Au pays de Dinant, il y a l’eau de la Meuse, du Flavion et de la Molignée, et des pics rocheux sur lesquels s’élèvent des bâtisses conçues pour l’éternité. Profitez-en pour vous balader dans la région, Le Vif vous propose ses bons plans pour manger, boire et dormir.

> Semaine 1: le cercle magique de Theux

> Semaine 2: le Hainaut, terre de dragons

> Semaine 3: sur la trace des Blancs Pains à Nil-Saint-Vincent

> Semaine 4: les fées de la Semois

Les flèches ou la faim. Ceux qui n’étaient pas tombés sous les premières, lancées sans trêve depuis le camp ennemi, commençaient à mourir, faute de vivres. Le siège ne durerait plus longtemps. Les assiégés s’étaient battus comme de beaux diables mais à faire la guerre le ventre vide, on la perd toujours. Dans le camp des attaquants, on jubile.

Leur chef n’accordera pas sa grâce au châtelain vaincu : il a en effet juré de le pendre le soir même à la plus haute tour de la forteresse de Montaigle. En revanche, il permet à la châtelaine de quitter les lieux saine et sauve. « Je n’emporterai que mon bien le plus précieux », lui jure-t-elle, reconnaissante. A la nuit tombée, elle franchit le pont-levis, emportant sur son dos un gigantesque fagot de bois.« C’est donc cette falourde, son bien le plus précieux ? » s’esclaffent les soldats.

Digne et impassible, la dame, pliée sous le poids de son fardeau, prend la direction de Bouvignes. Une fois à l’abri des regards, elle s’écroule, épuisée, sur le sol. Des bergers passant par là lui portent secours. Et découvrent, stupéfaits, un homme caché dans le fagot : un châtelain fraîchement déchu, un mari sauvé du pire par son épouse.Le bien le plus précieux aux yeux de cette dernière.

Quand on gravit lentement le seul chemin de cailloux qui mène aux ruines du château de Montaigle, perché sur les hauteurs de Falaën, non loin de Dinant, on se surprend à scruter les forêts des alentours à la recherche de cette légendaire Dame au fagot, ombre frêle, ployée en deux mais déterminée.

A peine croit-on l’avoir devinée qu’aussitôt, la forteresse médiévale en pierres blanches, épinglée sur son piton rocheux entre le Flavion et la Molignée, s’imprime sur les rétines. Alors, l’on ne voit plus qu’elle et l’on se tait, tant le lieu dit l’histoire, tant le lieu est l’histoire. « L’endroit fut occupé dès la préhistoire, comme l’attestent des outils en silex découverts dans des cavités au pied de l’éperon, raconte le guide local, souriant sous sa barbe. Des céramiques datant de l’âge du fer ont également été trouvées ici. Entre le IIIe et le Ve siècle, des soldats occupent ce poste de garnison en famille pour protéger la zone contre les Germains, à la demande de l’administration romaine. »

Un premier château apparaît vers l’an 900, occupé par les seigneurs de Faing, qui partageront leur nom avec la terre et le château de Montaigle jusqu’au début du XIVe siècle. Au XIIe, un donjon puis des fortifications sont ajoutés. Incendié en 1554, le château n’est pas reconstruit : le lieu n’est pas d’un grand intérêt stratégique aux yeux des autorités d’alors. En 1789, ses murs sont encore complets et tiennent toujours debout. Puis ses propriétaires désertent. Et les habitants des alentours ne se privent pas pour s’emparer des pierres, réutilisées dans nombre de bâtiments voisins Depuis 1865, c’est la famille del Marmol qui possède le bien. Montaigle fait partie du patrimoine exceptionnel de Wallonie depuis 1992.

La citadelle de Dinant, vigie de la ville.
La citadelle de Dinant, vigie de la ville.© DR

« Core une paire ! »

Des bâtiments qui disent l’histoire, il en est un autre, à un (long) jet de flèche de Montaigle : la citadelle de Dinant. Vigie de la ville qui s’étale à ses pieds, elle habite elle aussi les hauteurs. Les visiteurs en prennent la mesure en gravissant, s’ils le veulent, à pied, les 408 marches de son escalier, daté de 1577.

Jadis, il s’y trouvait un château fort, construit en 1051 ; ensuite un fort qui remonte à la deuxième moitié du XVIIIe siècle, à l’époque où Dinant était française. Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, plus connu sous le nom de Vauban, apporte alors sa patte architecturale au château, où Louis XIV installe temporairement sa cour.

Enfin, la citadelle passe par une page d’histoire néerlandaise autour de 1820 et prend la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Elle abrite désormais un musée d’armes et d’histoire, qui rappellera entre autres aux visiteurs les terribles combats qui se sont livrés sur place en août 1914.

En 1466, la Meuse qui traverse Dinant avait déjà pris la couleur du sang. En ce mois d’août, Charles le Téméraire se frotte les mains : il est bien déterminé à se venger de l’affront que lui avaient fait subir les Dinantais historiquement hostiles à la maison de Bourgogne – ils avaient même promené dans la ville un mannequin à l’effigie du seigneur, portant au cou une cloche de vache, et l’avaient criblé de flèches en le traitant de bâtard. Sa vengeance, il la tient enfin et elle sera terrible.

Le 17 août, 30.000 hommes marchent sur Dinant, qui sera copieusement bombardée. Penauds, les Dinantais se rendent sans conditions après quelques jours. Des centaines d’entre eux seront jetés dans la Meuse, attachés deux par deux. « Core une paire ! » crient les spectateurs installés sur la berge. De là viendrait, dit-on, le nom des habitants de Dinant, qu’on appelle les Copères. A moins qu’il ne vienne de l’anglais copper, qui signifie cuivre, puisque les locaux étaient passés maîtres dans l’art de le travailler.

Orpheline d’une partie de ses Copères, noyés, la ville est incendiée et ses fortifications détruites. Il faudra attendre la mort de Charles le Téméraire, en 1477, pour que la cité commence à se rebâtir.

L'un des douze jardins du lac de Bambois.
L’un des douze jardins du lac de Bambois.© Lacdebambois.be

La Merveilleuse

Durant cette mise à sac de Dinant, Charles le Téméraire a installé ses quartiers à l’abbaye de Leffe, en bord de Meuse. Il ne la quitte pas sans avoir fait brûler toutes ses archives et sa bibliothèque, ni rasé les bâtiments et exilé ses occupants.

Le prieuré de Leffe, lié à l’Ordre des Prémontrés, avait été fondé en 1152 par l’abbaye de Floreffe. En 1240, les chanoines y construisent une brasserie pour produire un « breuvage sain et revigorant : en période de peste, peut-on lire sur le site de Leffe, l’ébullition de l’eau pendant la fermentation haute de la bière tuait tous les microbes ».

Six cents ans plus tard, la Révolution française sera sans pitié pour cette abbaye prospère. Ses bâtiments laïcisés abriteront successivement une verrerie, une papeterie et une fabrique de lin. Le dernier religieux occupant l’abbaye meurt en 1844. Aujourd’hui, il ne reste rien des anciennes constructions abbatiales.

L’édifice, caractéristique des XVIIe et XVIIIe siècles, n’en vaut pas moins le détour. Depuis 1902, pirouette de l’histoire, il est à nouveau dirigé par des moines Prémontrés, caractérisés par leur sens de l’accueil et de l’hospitalité.

La production de bière y est même relancée, à partir de 1952, jusqu’à ce que le groupe AB InBev reprenne le flambeau et délocalise la production à Louvain.

La terre natale de la Dame au fagot est d’ailleurs peuplée d’abbayes et d’abbatiales : l’abbaye de moines bénédictins de Maredsous, fondée en 1872, l’abbaye des moniales bénédictines de Maredret (1893), l’abbaye bénédictine de Brogne, construite à Saint-Gérard en l’an 923, l’église abbatiale Saint-Pierre à Hastière, bâtie en 1033 et considérée comme l’une des plus belles églises romanes de Belgique, l’abbaye cistercienne de Moulins-Warnant (1233)…

Ce serait oublier que la région compte aussi de solides atouts naturels. La grotte La Merveilleuse, par exemple, découverte en 1904 à l’entrée de Dinant et ses 850 mètres de galerie. Ou le délicieux lac de Bambois, qui se prélasse entre Saint-Gérard et Fosses-la-Ville, à une bonne vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Dinant. Ce site insoupçonné de 48 hectares est désormais géré par la Région wallonne et classé en zone Natura 2000. Outre les plages et les espaces de baignade, douze jardins thématiques y attendent le promeneur, le curieux, l’amateur d’oiseaux, de fleurs et de bois, liés ou non en… fagots.

Se balader dans la région

Si vous souhaitez vous balader dans la région, Wallonie Bruxelles Tourisme vous propose une balade vélo de 18 kilomètres, sur le Ravel de la vallée de la Molignée. Vous la retrouverez dans la carte ci-dessus ou vous pouvez la télécharger en format GPX sur le site de Wallonie Bruxelles Tourisme. Les itinéraires pédestres sont par ailleurs nombreux dans la région. A Onhaye, découvrez par exemple guide Balades Pierre et Eau autour du Flavion, gratuitement disponible ici. Par ailleurs chaque année, une marche gourmande est organisée durant le deuxième week-end de septembre, par la Confrérie Li Crochon. Li Crochon, c’est le nom de ce petit pain garni de jambon, de fromage local et de crème fraîche passé au four et accompagné de la bière du même nom.

Comment lire un fichier GPX

Pour ne pas se perdre lors d’une randonnée, il existe plusieurs logiciels GPS qui permettent de suivre facilement un itinéraire à l’aide de votre smartphone. Il est ainsi possible d’utiliser GoogleMap. Le problème avec l’app du géant du Net, c’est qu’elle ne contient pas les petits sentiers que l’on peut retrouver sur une carte IGN, ou sur une carte d’état-major. Du coup, l’application prend parfois la tangente ou des raccourcis qui peuvent vous emmener dans une impasse. Marrant quand la balade dure moins de 2 heures. Moins rigolo quand vous venez de marcher 5 heures et qu’il vous reste encore une petite dizaine de kilomètres à parcourir.

Cartographie et navigation

Pour éviter cet inconvénient, il est donc judicieux d’utiliser des logiciels dédiés à la randonnée. A pieds ou en vélo, Osman (https://osmand.net/) devraitvous permettre de suivre facilement les nombreux itinéraires de randonnées que l’on peut trouver en ligne. Application de cartographie et de navigation disponible sur Android et iOS, Osman utilise les cartes OpenStreetMap qui sont mises à jour régulièrement par la communauté des randonneurs. Pas de risque donc de se retrouver avec des cartes obsolètes. Celles-ci peuvent même être stockées dans votre GSM et l’application peut fonctionner hors-ligne. Une fois que vous avez repéré votre parcours, il suffit de télécharger son fichier GPX (GPS eXchange Format permettant l’échange de coordonnées GPS) et de l’ouvrir dans l’application au début de votre randonnée pour commencer à suivre son tracé. Avant de vous lancer sur un itinéraire relativement long, n’oubliez pas de vérifier l’autonomie de votre smartphone. L’utilisation de sa fonction localisation est en effet gourmand en batterie. Pour tracer vos propres parcours et les rendre disponibles en ligne, il est également possible d’utiliser un outil comme wikiloc (https://fr.wikiloc.com/)

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