Michael Flynn © Reuters

Flynn, conseiller de Trump à la sécurité, démissionne suite à des « contacts inappropriés avec la Russie »

Le Vif

Michael Flynn a tenu quatre jours: le conseiller à la sécurité nationale du président Trump a démissionné lundi soir, moins de 96 heures après les révélations de la presse sur ses contacts inappropriés avec la Russie, alors que Barack Obama était encore en fonctions.

Dans sa lettre de démission, Michael Flynn a reconnu avoir « par inadvertance trompé le vice-président élu (Mike Pence) et d’autres personnes avec des informations incomplètes sur (ses) discussions téléphoniques avec l’ambassadeur de Russie ».

Concrètement, au moment même où l’administration Obama ordonnait fin décembre des sanctions contre la Russie pour son ingérence présumée dans les élections américaines, Michael Flynn assurait lui l’ambassadeur de Russie à Washington Sergey Kislyak que le président élu Donald Trump serait beaucoup moins sévère.

Selon le Washington Post et le New York Times, à l’origine vendredi de ces révélations, de telles discussions étaient potentiellement illégales.

Le général à la retraite Joseph Kellogg a été aussitôt désigné par la Maison Blanche pour assurer l’intérim à ce poste stratégique, moins d’un mois après l’arrivée au pouvoir de M. Trump.

‘Confiance totale du président’

« Le président évalue la situation, il parle au vice-président (…) et à plusieurs autres personnes », avait indiqué quelques heures plus tôt lundi le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer, alors que la pression montait sur Flynn, lui aussi général à la retraite.

Lors de ces discussions téléphoniques avec l’ambassadeur de Russie, Michael Flynn était déjà à l’époque à ce poste central dans l’élaboration de la politique étrangère et de sécurité auprès du futur président américain. Mais l’équipe Trump était encore en pleine période de transition, trois semaines avant de prendre officiellement les rênes du pouvoir.

Facteur aggravant, Michael Flynn avait induit en erreur son propre camp, en particulier Mike Pence, le futur vice-président. Il avait en effet déclaré début janvier que la conversation avec l’ambassadeur n’avait pas porté sur les sanctions, une affirmation reprise publiquement par Mike Pence.

Sollicité pour savoir si le président Trump était au courant que M. Flynn avait discuté des sanctions avec l’ambassadeur russe, le porte-parole Sean Spicer a été catégorique lundi: « Non, absolument pas. »

Dès lundi les démocrates au Congrès avaient réclamé le renvoi de l’ancien général pour ces accusations « ahurissantes », leurs collègues républicains optant pour le mutisme.

Une certitude: les conseillers du président Trump ne se sont pas bousculés pour défendre Michael Flynn pendant le week-end. Ce n’est que lundi après-midi qu’une proche conseillère de Donald Trump a tenté de dissiper le malaise, assurant sur MSNBC que l’ancien soldat bénéficiait « de la confiance totale du président ».

L’un des inspirateurs des idées de Donald Trump sur les questions internationales, Michael Flynn, personnalité controversée, avait conseillé le président américain très tôt dans sa campagne électorale. Et sa nomination avait suscité des remous.

Dans le renseignement, beaucoup estimaient qu’il ne convenait pas à ce poste crucial, certains affirmant qu’il avait été retiré de la tête du renseignement militaire (DIA) après seulement deux ans pour cause de mauvaise gestion.

L’ancien général avait toujours défendu l’idée d’une relation plus proche avec la Russie. Et ces conversations privées avec l’ambassadeur russe avaient eu lieu alors que les Etats-Unis venaient de découvrir la possible ingérence de Moscou dans la campagne présidentielle américaine, afin de soutenir Donald Trump.

Excuses de Michael Flynn

Le ministre de la Justice et le Congrès ont lancé des enquêtes distinctes sur de possibles liens entre des conseillers de la campagne Trump et Moscou. Et les agences américaines de renseignement ont d’ores et déjà conclu que le président russe Vladimir Poutine était lui-même intervenu pour interférer dans l’élection.

Dans leurs éditions de vendredi, les deux journaux américains avaient cité des responsables de la sécurité nationale, sans les identifier. Ceux-ci affirmaient que M. Flynn avait laissé entendre à l’ambassadeur qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter des nouvelles sanctions et que les relations s’amélioreraient après l’investiture le 20 janvier.

A l’époque, Barack Obama avait décidé de sanctionner 4 personnalités et 5 entités et il avait aussi expulsé 35 diplomates russes.

Lorsque l’existence de ces conversations téléphoniques avait fait surface au tout début de l’année, l’ancien général avait alors nié toute évocation des sanctions.

Mais M. Flynn était finalement revenu vendredi sur ses propres dénégations, par la voix d’un porte-parole: « Bien qu’il ne se souvienne pas d’avoir parlé des sanctions, il ne peut être certain que le sujet n’a jamais été abordé ».

La Maison Blanche a fait savoir lundi que M. Flynn avait présenté ses excuses au vice-président Pence.

Michael Flynn, pro-Russes et bref conseiller à la sécurité nationale

L’ancien général Michael Flynn, poussé à la démission de son poste de conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, était connu pour son indulgence avec la Russie et sa ligne dure face à l’extrémisme islamique.

Âgé de 58 ans, Michael Flynn, ancien directeur du renseignement militaire américain, était l’une des rares figures du sérail de la défense américaine à avoir soutenu Donald Trump pendant sa campagne électorale.

Mais il était sur la sellette depuis la publication vendredi par le Washington Post et le New York Times de la teneur de ses conversations avec l’ambassadeur de Russie à Washington Sergey Kislyak.

Au moment où l’administration de Barack Obama ordonnait fin décembre des sanctions contre la Russie pour son ingérence présumée dans les élections américaines, Michael Flynn assurait le diplomate russe que Donald Trump serait beaucoup moins sévère à l’égard de Moscou.

De fait le militaire a toujours été partisan d’un rapprochement avec Moscou et Pékin, s’affichant lors d’un dîner à Moscou avec Vladimir Poutine en décembre 2015.

« Nous avons battu Hitler en raison de notre relation avec les Russes, donc voir cela comme une relation nécessaire à nos intérêts communs, y compris le groupe Etat islamique (…), c’est vraiment la position que j’ai sur la Russie », avait-il expliqué au Washington Post cet été.

Carrière dans le renseignement

Michael Flynn, traits sévères et nez aquilin, défendait aussi une ligne très agressive face à l’extrémisme islamique, accusant l’administration Obama de s’être montrée trop peu énergique face à cette menace, jusqu’à parfois être taxé d’islamophobie par ses détracteurs. »Nous avons un problème avec l’islamisme radical et nous pouvons travailler ensemble » avec les Russes « contre cet ennemi », avait-il poursuivi. »Je suis ravi que le général Michael Flynn soit à mes côtés alors que nous oeuvrons pour vaincre le terrorisme islamique radical (…) et assurer la sécurité des Américains dans notre pays et à l’étranger », s’était réjoui M. Trump en annonçant la nomination du militaire à la mi-novembre.

Fils d’un banquier de la côte Est, Michael Flynn a eu une carrière militaire très tournée vers le renseignement, qui l’a conduit à servir en Irak et en Afghanistan, où il dirigea le renseignement des forces de la coalition.

En 2012, l’ancien président Obama le nomme patron du renseignement militaire (DIA, Defense intelligence agency), qui compte environ 16.500 personnes. Mais il est contraint de quitter ses fonctions moins de deux ans plus tard, sur fond de remous internes et de conflits avec l’administration américaine.

Il n’a depuis cessé de critiquer l’ex-administration Obama, puis l’ancienne candidate démocrate Hillary Clinton, publiant un livre intitulé « Comment nous pouvons gagner la guerre mondiale contre l’islam radical et ses alliés ».

Il y défend l’idée selon laquelle les pays musulmans doivent être forcés à identifier et éradiquer les croyances islamistes radicales qui, selon lui, se « métastasent » à travers le monde.

Positions monolithiques

« Nous nous trouvons dans un conflit mondial, face à une alliance ennemie allant de Pyongyang à La Havane et Caracas », a écrit cet été celui qui a prodigué ses conseils militaires à Donald Trump durant la campagne.

« Sur sa route, cette alliance récupère des pays musulmans radicaux et des organisations comme l’Iran, Al-Qaïda, les talibans et (le groupe) Etat islamique », ajoutait-il.

A l’instar de M. Trump, Michael Flynn a critiqué les alliés des Etats-Unis au sein de l’Otan, réclamant de leur part davantage d’efforts et de financements.

Michael Flynn a fait l’objet de critiques d’experts en sécurité nationale pour ses positions monolithiques, à même de fragiliser des relations bien établies et bénéfiques pour les Etats-Unis.

Etaient aussi critiqués son empressement à accepter de l’argent de groupes soutenus par la Russie et son soutien au président Recep Tayyip Erdogan, qui a fermement réprimé une tentative de coup d’Etat en Turquie.

En décembre, son fils Michael Flynn Jr avait été écarté de l’équipe de transition de Donald Trump pour avoir relayé des théories conspirationnistes. Une rumeur avait fait état pendant la campagne électorale de l’existence d’un réseau pédophile abrité par une pizzeria de Washington, impliquant un proche d’Hillary Clinton, une affaire connue sous le nom de « Pizzagate ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire