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Mendicité : la vérité sur les Roms

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Myria, le centre fédéral migration, plaide pour une répression plus efficace des réseaux d’exploitation de la mendicité, notamment dans certaines communautés roms. Loin des clichés.

C’est un phénomène que connaissent nos villes : les sollicitations, dans les transports publics ou les rues commerçantes, de mendiants originaires d’Europe de l’Est se sont accrues ces dernières années. Dans son dernier rapport annuel, que Le Vif/L’Express a pu consulter en primeur, Myria, le centre fédéral chargé d’étudier les questions migratoires et de lutter contre la traite et le trafic des êtres humains, s’est penché sur l’exploitation par des trafiquants de réseaux de mendicité et sur sa répression. A ce dernier titre, la réponse des autorités policières, judiciaires et politiques à ce phénomène complexe semble inadéquate.

Le phénomène est complexe. D’abord, parce qu’il implique des coupables, ceux qui exploitent ces réseaux, mais aussi et surtout des victimes, et que le pouvoir régalien, auquel coupables et victimes sont souvent indistinctement hostiles, tend à sanctionner les uns et les autres tout aussi indistinctement. Ensuite, parce que la mendicité peut tenir de l’ordinairement tragique stratégie de survie contre l’extrême pauvreté que peut déployer une cellule familiale, tout autant que de l’enlèvement de mineurs ou majeurs, handicapés ou pas, par des bandes mafieuses captant tout l’argent récolté (le rapport évoque un cas bruxellois où 40 000 euros ont été récoltés en un an par des Roms handicapés forcés de mendier). Enfin, parce que la population dite rom se caractérise par une extrême hétérogénéité, y compris celle arrivée récemment d’Europe de l’Est, et que la majorité ne s’adonne ni à des pratiques criminelles, ni à la mendicité. Le commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe estime à moins de 30 000 ces personnes actuellement présentes en Belgique (7 000 à 10 000 à Bruxelles, 10 000 en Flandre, 8 000 en Wallonie) et venues de Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie ou du Kosovo. A peine 200 d’entre elles mendient à Bruxelles, dont la plupart sont issues d’un seul district du sud de la Roumanie.

La réponse des autorités, elle, est inadéquate. Parce que les parquets ouvrent peu de dossiers de traite des êtres humains aux fins d’exploitation de la mendicité : Myria, qui dispose du droit de se porter partie civile dans ces affaires, en a recensé 56 entre 2010 et 2015, dont « environ une moitié sont classés sans suite », précise le rapport. Et parce qu’elle extirpe rarement les mendiants de leur situation. « Certaines communes les gèrent comme un tag : on les efface, et puis on croit qu’on est tranquille », dit un des rédacteurs du rapport.

Myria formule donc trois recommandations : améliorer la détection et l’identification des victimes, qui doivent « être traitées comme telles et non comme des personnes nuisibles » par la justice et la police, ce qui implique de renforcer les moyens alloués aux trois centres d’aides à ces victimes ; investir davantage dans ces dossiers, en particulier lorsque des mineurs sont concernés ; tenir compte du contexte culturel et de la diversité interne aux communautés roms. Il y a du travail.

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