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Les psychotiques de la politique belge

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Tout le monde se méfie de tout le monde dans le vaste jeu d’échecs en cours pour la formation d’un gouvernement fédéral. La paranoïa des acteurs, profondément ancrée, risque de bloquer le pays pendant des mois.

Avides de monter au pouvoir pour les cinq années à venir, les dirigeants des partis mènent une partie d’échecs haletante pour l’avenir de la Belgique. Un jeu marqué par une paranoïa collective après une campagne électorale très dure, tant les jeux sont ouverts mais complexes au fédéral, conditionnés par la réalité très différente de deux communautés et les nombreuses exclusives des uns envers les autres. Chacun estime que son adversaire dissimule son vrai visage. Qu’il n’hésitera jamais à planter un poignard dans le dos si l’occasion se présente. Le traumatisme est autant psychologique que politique. Durable.

Revue des psychotiques.

Elio Di Rupo et Paul Magnette : au PS, la crainte maladive du nationalisme et des dérives droitières, ancrée au coeur des combats sociaux depuis la guerre, motive tous les choix. Au point qu’on peut se demander s’il n’est pas un fervent défenseur du confédéralisme par défaut. Parce qu’il lui permettrait de dominer la Wallonie longtemps encore.

Benoît Lutgen et Joëlle Milquet : c’est une peur panique qui a pousséBenoît Lutgen à négocier très vite avec le PS: celle de périr de mort lente dans l’opposition. Autre méfiance atavique : à l’égard du MR. Entre 1990 et 2002, les libéraux, avec le « clan Michel » à la barre, ont tenté à plusieurs reprises de dépecer le parti lors d’opérations secrètes. Le ressentiment, qui avait poussé Joëlle Milquet dans les bras d’Elio Di Rupo, reste énorme au sein du parti, et resurgit à chaque attaque frontale du CDH par les réformateurs dans les médias.

Charles Michel et Didier Reynders : aux yeux du MR, le PS est un « traître » qui ne respecte jamais la parole donnée et n’agit qu’en fonction de ses intérêts. Et que les socialistes jouent un double jeu: ils songeraient en réalité à installer une coalition « miroir » au fédéral (N-VA, CD&V, PS, CDH) et à instaurer à terme le confédéralisme avec la N-VA pour assurer leur domination respective dans les Régions.

Bart De Wever : le président de la N-VA a développé une phobie chronique du PS, mêlée à une vraie fascination quant à sa capacité d’influence. Désormais, le leader nationaliste a aussi peur de devenir un pestiféré dans le paysage politique belge comme ce fut le cas du Vlaams Belang, barré de toute participation au pouvoir par le cordon sanitaire. Les autres partis chercheraient à le mettre de côté au fédéral, à laisser la N-VA croupir dans l’opposition ces cinq prochaines années, avec l’espoir secret que cette météorite politique y meurt à petit feu.

Wouter Beke et Kris Peeters : les deux ténors du CD&V craignent de gouverner au fédéral sans la N-VA tout en étant dominés par le parti nationaliste à l’échelon flamand. Ils seraient pilonnés d’un côté, bousculés de l’autre, et accusés de nier le choix de l’électeur flamand.

Gwendolyn Rutten et Alexander De Croo : les deux personnalités fortes de l’Open VLD redoutent avant tout d’être la génération catastrophe ayant causé la disparition pure et simple de leur parti. La N-VA, avec son profil ultra-libéral, a clairement décidé de jouer sur ses plates-bandes pour le siphonner. Un long séjour dans l’opposition, tel qu’il lui était promis lors de la mission d’information de Bart De Wever, pourrait signer leur arrêt de mort.

Bruno Tobback : le président du SP.A, critiqué en interne après une élection en mode mineur, il craignait tout simplement perdre son poste à la tête d’un parti socialiste flamand dont la ligne est peu claire et le profil peu lisible. Aujourd’hui, il sait qu’il serait suicidaire pour le parti de monter dans une tripartite au fédéral en étant exclu du pouvoir en Flandre. Ce serait la confirmation d’une PS-dépendance dont il essaye de se départir.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier intégral.

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