Carl Devos

Le CD&V plus menaçant que le PS pour le gouvernement

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Michel Ier n’a pas grand-chose à craindre de ses ennemis externes car le plus grand danger provient de son gouvernement. Non pas du côté de la N-VA, mais du CD&V.

Quant au PS, il n’a toujours pas trouvé ses marques dans l’opposition. On commence à se rendre compte que l’ancien Premier ministre Elio Di Rupo n’était pas le meilleur choix comme chef de l’opposition. Il reste le visage d’un gouvernement contre lequel de nombreux francophones de gauche se sont élevés, ce qui a coûté cher au PS le 25 mai 2014. A présent, Di Rupo doit dénoncer certaines de ses décisions en se retranchant derrière un prétendu diktat des libéraux. Il manque de crédibilité et s’érige en compagnon d’infortune de Syriza, un titre qui, en Belgique francophone, revient au seul PTB. Mais d’autres ténors socialistes dérapent : après que Laurette Onkelinx a entendu « le bruit des bottes » lors de l’avènement de la suédoise, c’est Rudi Vervoort, ministre-président bruxellois, qui s’est fourvoyé en osant une comparaison entre le nazisme et la mesure de déchéance de la nationalité envisagée pour certains jeunes qui s’engagent dans le djihad. Le PS ne sait pas non plus quelle attitude adopter dans le débat sur la lutte contre le terrorisme.

Bref, les socialistes francophones ne représentent pas une grande menace pour Charles Michel. Pas plus que le CDH, qui s’est transformé en une succursale de la gauche. Non : le plus grand danger pour le MR se situe en Flandre. Et il est provoqué par la bataille qui y oppose N-VA, CD&V et Open VLD.

Le CDu0026V s’érige en conscience sociale du gouvernement Michel, ce qui sous-entend que les autres ne le sont pas

Cette situation peut s’expliquer de différentes façons. Par des motifs futiles, tels que des frustrations individuelles, un choc de personnalités ou une méfiance héritée du passé. Ou par des motifs plus importants tels que des différences idéologiques où le CD&V se retrouve le plus exposé aux critiques émises par la gauche. Si les problèmes qui agitent l’équipe Michel ne peuvent pas tous être attribués aux caprices du CD&V, ce parti n’en est pas moins à l’origine de la plupart des tensions internes. Il craint en effet de se retrouver coincé entre toutes ces fortes têtes libérales et conservatrices de centre-droit. Il veut dès lors se profiler clairement : il s’érige en conscience sociale du gouvernement, ce qui sous-entend que les autres ne le sont pas, ou beaucoup moins. Par conséquent, il provoque ouvertement ses partenaires de la coalition : il veut relier le tax shift au contrôle budgétaire, il n’a rien contre le déficit et refuse toute nouvelle mesure d’économie, ce qui hérisse les libéraux. Il clame à qui veut l’entendre qu’il ne reste plus grand-chose de cette « force du changement » chère à la N-VA parce qu’à l’en croire, il assure bel et bien la continuité. Il appelle sa base à critiquer, via les réseaux sociaux, les décisions de la suédoise (comme la présence des militaires dans la rue) qu’il a lui-même approuvées. Crûment dit : il mène l’opposition au sein de la majorité. Au grand dam de tous les autres partenaires.

Pourquoi ? Parce que la lutte sur le vaste flanc du centre-droit flamand ne s’est pas arrêtée au lendemain du 25 mai. Au contraire : tous les concurrents se retrouvent désormais au sein d’un même attelage. Lors des élections de l’an dernier, un très grand glissement électoral s’est opéré entre la N-VA, le CD&V et l’Open VLD. Sans vainqueur. A présent, cette lutte se poursuit au sein de l’équipe fédérale.

Apparemment, les têtes pensantes du CD&V estiment qu’une opposition au sein de la majorité peut servir leur cause. Le Premier ministre doit du coup intervenir et rappeler à l’ordre, une nouvelle fois, les Flamands de sa majorité. En particulier le CD&V. Et, surtout, son vice-Premier, Kris Peeters. Puisque celui-ci le menace davantage que le PS.

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