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Ces hommes qui restent à la maison

Certains pères restent à la maison et ils aiment ça ! Leurs femmes veulent faire carrière, eux sont motivés par le désir de voir grandir leurs enfants. S’ils sont encore rares, ces pionniers ouvrent la voie à d’autres.

Hier encore, c’était inconcevable. L’homme contraint de rester à la maison pour cause de chômage faisait profil bas. Il se sentait dévalorisé et déprimait vite. Aujourd’hui, les mentalités évoluent et les hommes changent. Etre un homme au foyer n’est plus une situation dévalorisante. Au contraire, il attire une curiosité bienveillante.

Hugo de Crombrugghe, 40 ans, est l’heureux papa de quatre enfants de 9 ans à 13 mois. « Au début de notre vie de couple, je travaillais au dehors et ma femme à la maison. Cette situation ne lui convenait guère. En boutade, je lui avais dit: « Trouve du travail d’abord, après on verra  ». Sans savoir de quoi je parlais, j’avais rajouté: « Je ne comprends pas que tu ne profites pas de cette chance d’être à la maison. » »

Quinze jours après, sa femme trouve un emploi dans une ONG. Hugo met sa carrière entre parenthèses. « Au début, je ne prenais pas tellement ma femme au sérieux quant à son désir de s’investir autant dans sa profession et j’avais l’intention de reprendre le travail ». Entre-temps, le couple a quatre enfants. « Je me suis pris au jeu. J’ai trouvé mon épanouissement personnel et notre équilibre de couple ainsi. »

Son statut d’homme au foyer ne serait-il pas une revanche par rapport à l’absence de son père? « Il n’était pas suffisamment à la maison et cela m’a manqué. Avec ma mère à la maison et mon père absent, j’ai connu le modèle parental traditionnel des années 1970. Peut-être est-ce une façon de prendre ma revanche sur son absence. » Peut-on vivre avec un seul salaire? « Au début, avec ses seules rentrées, c’était un peu juste. Depuis qu’elle est devenue secrétaire générale de cette ONG, ça va mieux. »

« Pas facile tous les jours »

Aujourd’hui, cela fait six ans que Hugo est père au foyer. Comment ressent-il le regard des autres? « En général, les gens comprennent que c’est notre choix. En société, bizarrement, pour un homme au foyer, c’est même plus facile que pour une femme. Comme la situation reste exceptionnelle, les gens s’y intéressent. Auparavant, en société, on parlait toujours du travail du mari. A présent que ma femme travaille, c’est toujours mon cas qui intéresse! Je reste un oiseau rare et cela épate les gens. »

Et les enfants, épatés eux aussi? « L’aînée de 9 ans commence à se sentir un peu différente de ses copines, elles-mêmes insatisfaites de leur père absent. Quand les enfants seront ados, les questions vont devenir plus précises. Ils vont me pousser dans mes derniers retranchements sur la vraie raison de mon choix. »

« Et c’est vrai que je me pose moi-même beaucoup de questions… J’ai même consulté une coach pour m’assurer que ce choix était bien libre, et pas une fuite. Par rapport à tous ces gens pour lesquels la vie est une course permanente, la vie au foyer est un confort formidable, quand on peut se le permettre. »

Hugo est cependant bien décidé à recommencer à travailler plus tard. « En créant mon propre emploi, car mon CV est un peu vide. Au fur et à mesure que les années passent, le choix est de plus en plus ancré. »

Les psys et sociologues semblent partagés. Il y a ceux qui disent que la femme au foyer avec les enfants, c’est mieux, et les autres qui tiennent compte du choix du couple. Pour Marie-Thérèse Casman, sociologue à l’ULg, l’aspect financier (le critère du plus gros salaire) intervient fortement. « Souvent, on se dit qu’on va sacrifier le plus petit salaire, soit souvent celui de la femme. Le choix est fait aussi en fonction de celui pour lequel la carrière est la plus importante, souvent l’homme. »

Le regard de la société change… lentement. L’ inversion de la norme suscite des perceptions humoristiques, parfois: « Quelle poudre à lessiver utilises-tu? », demandent les copains ignares. Quelle est ta recette de carbonnades flamandes? » La sociologue liégeoise pointe aussi le problème récurrent, connu des mères, et qui n’est pas différent pour les pères: la difficulté de retrouver un emploi quand ils veulent revenir sur le marché du travail.

Un choix de couple

L’association Femmes au foyer, née en 1976, a changé de nom voici un an pour devenir Femmes/Hommes & Foyer. « Une façon d’attribuer à l’homme sa vraie place dans la fonction éducative des enfants », explique Aline Everard, sa présidente. « Les trentenaires d’aujourd’hui ne veulent plus reproduire ce qu’ils ont connu eux-mêmes quand ils étaient petits, un père peu présent, une mère frustrée et les deux parents constamment épuisés. »

« Dans les années 1970, souvent, l’homme gagnait plus que la femme. Aujourd’hui, les filles réussissent mieux à l’université que les garçons. Il arrive donc que l’homme gagne moins et que la femme subvient réellement aux besoins du ménage. Décider que l’homme va rester à la maison est un choix de couple. Un choix fondamental guidé par des paramètres dont le plus important est le paramètre économique. Dans le cas d’une femme médecin dont le mari est employé, il gagne moins qu’elle, c’est logique que ce soit lui qui mette un frein à sa carrière. »

La responsable de Femmes/Hommes & Foyers poursuit: « S’occuper de son enfant est un plaisir que les hommes ne connaissaient pas. Les femmes ayant pris leur place dans la société, les hommes prennent la leur à la maison. Les jeunes pères se sentent concernés par l’éducation de leurs enfants. Evidemment, seuls les plus favorisés peuvent choisir. S’occuper de son enfant est une liberté qui n’est pas accordée à tout le monde. Il est évident qu’avec deux petits revenus, l’homme et la femme doivent travailler tous les deux. Il faut un gros revenu de la femme pour que l’homme puisse rester à la maison. Mais ce n’est pas facile pour eux, car le regard sur eux est encore plein de stéréotypes. Aussi bien le regard de la femme qui souhaite un homme plus viril que celui des hommes entre eux. »

Jacqueline REMITS

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