La voiture électrique représente aujourd'hui 0,09 % du parc automobile belge, mais c'est en train de bouger. © Reuters

L’année 2017 popularisera-t-elle la voiture électrique ?

Bastien Pechon
Bastien Pechon Journaliste

A l’occasion du Salon de l’auto de Bruxelles, Le Vif/L’Express ausculte la voiture électrique. Toujours plus performante, elle décline aussi des modèles de moins en moins chers. 2017 : an 1 de sa popularisation ? Mais la révolution annoncée n’est pas forcément celle que l’on croit.

Le modèle salarial belge, avec ses voitures de société, pourrait booster le marché de l'électrique.
Le modèle salarial belge, avec ses voitures de société, pourrait booster le marché de l’électrique.© GETTY IMAGES

 » La première de son espèce « . Ce 3 janvier, le constructeur Faraday Future dévoilait la  » FF 91 « , sa première voiture, au Consumer Electronic Show, le salon des nouvelles technologies de Las Vegas. Un crossover électrique capable de parcourir jusqu’à 700 km selon la norme européenne NEDC. Un bolide qui peut bondir de 0 à 96 km/h en 2,39 secondes. Une voiture haut de gamme pour concurrencer la Model S et le Model X de Tesla, une berline et un SUV commercialisés entre 80 000 et plus de 150 000 euros suivant les options choisies. Sur ce segment, Tesla et Faraday Future ne sont pas les seuls en course. Porsche, Jaguar, Mercedes, BMW lancent et développent peu à peu leurs propres modèles électriques. De nouveaux challengers se profilent aussi sur le marché. Comme Lucid Motors, une entreprise basée en Californie, qui devrait sortir Air, une berline de 1 000 chevaux, en 2018. Mais au-delà de ces voitures premium, réservées aux automobilistes les plus aisés, un autre sprint, plus important encore, est déjà disputé.

Vers une voiture abordable et à longue autonomie

Aujourd’hui, il y a encore peu de voitures électriques sur nos routes. Selon la Febiac, fin décembre dernier, notre pays recensait 5 194 véhicules 100 % électriques. Soit 0,09 % du parc automobile. Mais cela pourrait changer… Dès cette année. De nouveaux modèles plus accessibles que ces prodiges high-tech vont progressivement être proposés. L’Opel Ampera E sera la première du genre. Elle peut parcourir 500 km selon l’homologation NEDC, plus de 380 km en conditions réelles. Elle commence à être commercialisée en Norvège à environ 33 000 euros. Elle devrait débarquer dans les autres pays européens dans le courant de 2017. Dotée d’une autonomie et d’un coût semblables, la Tesla Model 3 devrait, pour sa part, arriver en Europe en 2018. 400 000 exemplaires ont déjà été réservés depuis sa présentation en mars 2016.

Des modèles abordables, il en existe pourtant déjà. La Nissan Leaf, la Renault Zoe ou la Citroën C-Zéro sont commercialisées depuis cinq à six ans. Ces voitures sont vendues aux alentours de 25 000 euros – sans compter les aides gouvernementales. Un prix auquel il faut ajouter la location de la batterie pour certains modèles. Contrairement à la Wallonie et à Bruxelles, une prime à l’achat pouvant atteindre 4 000 euros existe en Flandre pour les particuliers. Suivant les Régions, les taxes de circulation et de mise en circulation ont aussi été adaptées.

Malgré ces aides, ces voitures restent encore chères pour une autonomie de 100 à 150 km en conditions réelles. Les constructeurs ont cependant annoncé une augmentation de la capacité de leurs batteries. Par exemple, la petite Zoe de Renault passe de 240 à 400 km NEDC. Sans changer de gamme de prix.  » Les économies d’échelle vont rendre les batteries plus abordables « , signale Johan Albrecht, senior fellow chez Itinera Institute et professeur d’économie à l’université de Gand.  » On peut voir aujourd’hui que le coût des batteries est à la baisse.  »

Selon Damien Ernst, professeur à l’ULg, le coût de fabrication des batteries comme celles qui équipent les Tesla se situe aux alentours de 180 euros par kilowattheure aujourd’hui.  » On pourrait descendre à 140 voire 130 euros par kilowattheure dans trois à quatre ans « , poursuit-il. Sans révolution technologique majeure. Cette réduction des coûts s’explique par les économies d’échelle que le secteur réalise au fur et à mesure que la demande en batteries s’accentue.

Les voitures de société, une porte d’entrée

2017 : l’an 1 de la voiture électrique de masse ? Pour Olivier Piraux, CEO de Powerdale, une société belge qui commercialise des bornes de recharge pour les particuliers et les entreprises, les voitures électriques vont effectivement se démocratiser dans les prochaines années. Mais celles-ci vont d’abord être achetées par les automobilistes passionnés qui sont prêts à mettre le prix pour devenir pionniers. Car ces modèles à plus de 30 000 euros restent des voitures de milieu de gamme, selon Maxime Pasquier, spécialiste des véhicules électriques au sein de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Elles ne sont pas encore à la portée de tous.  » Le marché belge est fortement dirigé par les voitures de société « , souligne Olivier Piraux.  » Qui sont renouvelées tous les trois ou quatre ans. Il y a donc un taux de rotation très élevé par rapport à une voiture privée qui, elle, est renouvelée tous les sept à dix ans. Les valeurs d’achat pour ces véhicules sont aussi relativement élevées puisque cela fait partie du modèle salarial belge « , poursuit le CEO de Powerdale.

La voiture électrique ne résoudra pas à elle seule les problèmes de mobilité.
La voiture électrique ne résoudra pas à elle seule les problèmes de mobilité.© CHRISTOPHER GOODNEY/GETTY IMAGES

La Febiac estime qu’il y a environ 425 000 de ces  » voitures-salaires  » en Belgique. Un marché très réactif aux nouveautés. La déductibilité fiscale de 120 % à l’achat d’une voiture de société électrique pourrait accélérer l’adoption de ces nouveaux modèles par les entreprises et par les indépendants, puis par les particuliers grâce au marché de l’occasion.  » C’est très difficile de déterminer la valeur de ces batteries après quatre ans d’utilisation « , nuance Johan Albrecht.  » On va peut-être voir de plus en plus de voitures électriques. Mais la mobilité ne va pas s’améliorer « , ajoute-t-il. En heure de pointe, que l’on soit dans une voiture électrique ou dans une voiture thermique, la perte économique liée au temps passé dans les bouchons matin et soir reste inchangée. Avec le développement des véhicules électriques, notre mobilité doit être réinventée.

Vendre des solutions de mobilité

 » On associe nos modes de déplacement à ce que l’on a connu jusque ici avec un véhicule thermique. On ressent un besoin d’autonomie qui n’est pas forcément réel « , relève Maxime Pasquier.  » Lorsqu’on aura passé cette phase d’apprentissage, en 2020-2030, le grand public va comprendre qu’il n’est pas forcément utile de payer plus cher pour des kilowattheures qu’il n’utilisera pas. La véritable massification va se faire à ce moment-là. Avec des véhicules optimisés pour des usages spécifiques « , enchaîne l’ingénieur de l’Ademe. Si un automobiliste utilise majoritairement sa voiture pour des trajets domicile – travail, pour faire ses courses ou pour parcourir 60 à 100 km par jour, il sera plus intéressant pour lui d’opter pour une voiture avec une plus petite batterie. Pour des trajets plus longs, il pourra disposer de voitures à plus longue autonomie ou des voitures thermiques mises à sa disposition par les constructeurs, des agences de location ou des opérateurs d’autopartage. Suivant sa destination, il sera également plus intéressant de prendre le train ou l’avion et de louer une voiture sur place.  » Le nombre de jeunes qui possèdent un permis de conduire diminue drastiquement. Par contre, ils savent utiliser un téléphone portable « , ponctue Maxime Pasquier. En effet, de plus en plus de jeunes passent leur permis de conduire quand ils en ont réellement besoin. Grâce aux applications sur smartphone, ils comparent les modes de transport et optent pour le moyen le plus rapide pour se rendre à destination. En ville, vélo, bus, tram, métro sont souvent plus pratiques que la voiture. Et lorsqu’elle devient indispensable, il suffit d’utiliser son smartphone pour ouvrir un des véhicules disponibles en autopartage. A Bruxelles, il est ainsi possible de louer des Citroën C3, des Peugeot 208, des Fiat 500, des BMW, des Mini et des camionnettes simplement via son portable.

Une borne au bord de la route, c'est une autonomie de 270 kilomètres récupérée en 30 minutes.
Une borne au bord de la route, c’est une autonomie de 270 kilomètres récupérée en 30 minutes.© FRÉDÉRIC SIERAKOWSKI/ISOPIX

Le développement des technologies de l’information et de la communication accompagnera la démocratisation des voitures électriques. Notre fiscalité devra s’adapter à cette nouvelle réalité. Une contrainte qui peut s’avérer être une opportunité pour la mobilité dans notre pays. Beaucoup d’employés ont très peu besoin d’une voiture de société. D’autres préfèrent avoir un salaire net plus élevé plutôt qu’une voiture haut de gamme. Proposer un  » budget mobilité  » plus flexible, alliant véhicule de leasing, voyages en train, en avion, à vélo, en covoiturage et en autopartage encourage une mobilité plus multimodale, optimise chaque mode de transport et diminue la congestion automobile. Plus intelligentes, les voitures électriques joueront aussi un rôle clé au-delà des routes.

Pièce manquante du puzzle énergétique

Pour briser cette angoisse de l’autonomie, les constructeurs installent de plus en plus de chargeurs rapides le long des autoroutes. Notamment Tesla. Ses  » super-chargeurs  » permettent de récupérer 270 km en trente minutes environ. Bien que la puissance nécessaire soit très importante, la multiplication de ce type de borne n’est pas la première menace qui plane sur la stabilité du réseau électrique. Selon Olivier Piraux, 95 % des recharges se font à domicile et sur le lieu de travail. Ce sont donc principalement ces prises, moins puissantes et plus lentes, qui devraient se développer massivement.  » S’il n’y pas de gestion intelligente et que tout le monde recharge en même temps sa voiture, cela risque de causer des congestions sur le réseau « , prévient Damien Ernst. Des pannes d’électricité pourraient donc se produire localement. Il va falloir gérer ces temps de recharge. En indiquant le nombre d’heures pendant lesquelles le véhicule sera immobilisé et le nombre de kilomètres que l’on souhaite récupérer, la borne pourra ensuite gérer elle-même le flux d’électrons envoyés dans la batterie. En communiquant avec les autres prises connectées au réseau, elle décidera quand et à quelle puissance la batterie devra se recharger.

La voiture elle-même va devenir plus intelligente. Branchée dans le garage, elle pourrait fournir une partie de son énergie au réseau lors des pics de consommation. A l’inverse, lorsque le soleil brille, lorsque le vent souffle, elle pourrait stocker cette énergie intermittente. Le véhicule électrique permettrait alors d’intégrer davantage les énergies renouvelables dans le mix énergétique. Et ainsi devenir plus propre et moins nucléarisé.

La voiture électrique ne changera pas seulement le visage de l’automobile. Elle ira au-delà. Vers des révolutions qui la dépassent.

Salon auto/moto/van, du 14 au 22 janvier, à Brussels Expo. www.autosalon.be

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